Après notre sélection des meilleures mixtapes rap, il étant temps de rendre notre copie concernant les albums rap US qui nous auront le plus marqué notre année 2016. Alors que notre sélection de milieu d’année contenait déjà bon nombre de sérieux candidats pour ce classement final, il aura fallu attendre jusqu’à ce vendredi 9 décembre et les sorties de l’album surprise de J. Cole ainsi que celui d’Ab-Soul avant de clôturer cette sélection.
Une sélection qui a bien failli tourner en casse-tête devant le nombre impressionnant d’albums de qualité sortis ces douze derniers mois. Alors que certains prédisent la mort de l’album depuis des années, on voit au contraire que l’influence de ce format ne cesse de croitre puisqu’un rappeur est désormais considéré comme « confirmé » après qu’il se soit essayé à l’exercice du LP. Une bonne nouvelle pour notre catégorie chronique qui a pu cette année accueillir une quarantaine de disques que nous souhaitions vous faire découvrir.
Cette sélection reste évidemment très subjective, et vous êtes libres de vous insurger dans la section commentaires en fin d’article. Enfin, ne manquez pas également de faire entendre votre voix en allant voter pour nos TBPZ Awardz.
Label : Dreamville Records | Sortie : 4 mars 2016
Il semblerait que le protégé de J. Cole et pensionnaire de Dreamville Records, ait décidé de s’émanciper afin de voler de ses propres ailes. S’il ne s’éloigne pas trop du nid en sortant ce second opus sur le label du rappeur le mieux payé de l’année passée, nul doute que Bas a désormais les reins assez solides pour se faire une place. Celui qui gravite autour de Cole depuis plusieurs années propose un opus empreint de réalisme dont la prose et les prods ne peuvent que séduire l’auditeur attentif. Produit en grande partie par Ron Gilmore, Too High To Riot dégage une réelle homogénéité aux sonorités modernes, proches de celles qui inspirent l’écurie Soulection, un tempo plus péchu en plus. On recommande de tendre l’oreille vers le joli « Matches », « Methylone » ou encore sur « Night Job », le single en featuring avec J. Cole. Au final, un bien bel album qui a clairement sa place dans notre Panthéon 2016.
Label : Cinematic | Sortie : 23 septembre 2016
Depuis que Mick Jenkins nous avait lâché dans une interview quelques exclu sur ce fameux THC, toute la rédaction trépignait d’impatience de découvrir le premier LP du rappeur Chicagoan. Il faut dire que l’intéressé avait tout fait pour nous mettre l’eau à la bouche depuis sa géniale mixtape The Water[s] avec la sortie d’un EP de très bonne facture (Wave[s]) ainsi que des collaborations à répétitions avec un certain Kaytranada, pour qui vous connaissez notre intérêt. Amateur d’albums faciles d’approche passez votre chemin car The Healing Component n’est pas à mettre entre toutes les mains. De l’ambiance très froide qui ressort des productions à la prose complexe et à multiples niveaux de lecture de Jenkins, THC est un album exigeant. Vous ne sortirez néanmoins pas indemne de ce voyage dans les abysses de l’esprit du rappeur qui, adepte des concept albums, a cette fois-ci poser son dévolu sur un nouveau composant mystique de nos vies : l’Amour. Une balade philosophique de 15 morceaux qui épouse à merveille des productions signées themPeople, Iamnobodi, Sango et bien sûr ce diable de Kaytranada. Un must have de cette cuvée 2016.
Label : Def Jam | Sortie : 4 novembre 2016
Deux ans après le très décevant Nobody’s Smiling (2014), Common a décidé de se sortir les doigts pour se mettre au niveau des autre sorties de 2016, avec son onzième album studio Black America Again. Publié à seulement quelques jours des élections présidentielles, l’opus se veut logiquement engagé, mais pas que. Musicalement, la barre est également placée haute, avec le sous-estimé Karriem Riggins aux commandes de la quasi totalité des productions, ainsi que la présence d’invités de prestige tels que Stevie Wonder, John Legend ou encore le fidèle Bilal. Common, quant à lui, montre qu’il n’a rien perdu de ses talents de kicker, comme par exemple sur l’époustouflant « Pyramids », l’un des morceaux de l’année selon nous.
Label : Top Dawg Entertainment | Sortie : 4 mars 2016
Alors que les fans du label TDE étaient obnubilés par les annonces de son CEO Anthony « Top Dawg » Tiffith, sur la prochaine sortie des albums de Isaiah Rashad ou ScHoolboy Q, il y avait un indice de poids sur la photo qu’il a partagé sur le compte insta de l’équipe la plus performante du jeu: Get top on the phone! C’est le gimmick qui sera repris par King Kendrick dans l’album surprise qu’il a sorti au début du mois de mars. Et qui a presque été le premier rayon de soleil après un hiver pas vilain côté musical mais égal à lui même pour les Parisiens. En 7 tracks qui sont présentés comme des chutes des travaux en studio (notamment ceux qui ont permis à To Pimp A Butterfly d’être le chef d’œuvre qu’on connaît), il y distille la même atmosphère musicale empreinte de jazz et de musique noire américaine et les messages n’y sont pas moins politiques. À la production, la même Dream Team que sur TPAB et la surprise d’apprendre qu’une partie de l’un des morceaux les plus reconnaissables de l’opus a été produit par le fils d’Alicia Keys et Swizz Beatz qui, du haut de ses 5 ans, pose l’hypothèse que le talent peut aussi être une affaire de gènes. Pour le reste, le titre en dit long sur la finition de cet album dont on ne saura jamais vraiment s’il a été prémédité ou si l’occasion a fait le larron. En tous les cas, même s’il est certain que le mastering aurait pu être revu, ce disque semble prouver que le talent de Kendrick Lamar n’a pas besoin de trop de vernis pour s’exprimer. Encore un beau moment de musique certainement pas anonyme.
Label : GOOD Music | Sortie : 14 février 2016
Après avoir changé vingt fois la cover et la tracklist, et après une listening session publique au MSG, Kanye West a finalement sorti son septième album The Life of Pablo en février. Enfin, presque, puisque dans les mois qui ont suivi, Ye n’a cessé de modifier des arrangement, ajouté des titres, etc… inventant en quelques sortes « la release sans fin« . Porté par les titres « Father Stretch My Hands Pt. 1 » et le polémique « Famous », TLOP a connu un accueil critique bien plus enthousiaste que son prédecesseur Yeezus, ce qui lui a notamment permis d’enchainer avec une grosse tournée à guichets fermés, marquée par cette fameuse scène suspendue au-dessus du public. Malheureusement, entre cet album, la tournée et sa nouvelle collection Adidas, Yeezy a fini par nous faire un burnout, hospitalisé pour épuisement. Pray for Kanye.
Label : Top Dawg Entertainment l Sortie : 8 juillet 2016
ScHoolBoy Q avait trollé la planète rap en utilisant le « mème Crying Michael Jordan » puis la gueule de Trump, pour la version deluxe, pour annoncer son album Blank Face LP. Serein à l’approche de la sortie de ce dernier, il était difficile pourtant de faire aussi bien qu’Oxymoron, la grande sœur naît deux ans auparavant. Mais c’est mal connaître le natif allemand qui a su s’entourer de producteurs, compositeurs, rappeurs, plus talentueux les uns que les autres. On pense notamment à la présence de cadors tels que Jadakiss, Tha Dogg Pound ou E-40 et des choix pertinents comme Anderson .Paak, SZA, ou Vince Staples. Ce lot d’artistes ne pouvait qu’aboutir à un album homogène et cohérent. Cohérence que l’on retrouve entre autre sur les visuels que Q a lâché avant, pendant et après la promotion de Blank Face avec, notamment, des morceaux transformés en mini série : « By Any Means » (Part 1), « Tookie Knows II » (Part 2) et « Black THougHts » (Part 3). À l’intérieur d’un projet solide de bout en bout, le thug mainstream du roaster TDE nous offre aussi quelques bangers incluant « That Part » avec Kanye West dont le public parisien aura repris en cœur ses fameuses gimmicks « Ok, ok, ok, ok, ok, OK ! » le 29 novembre dernier à l’occasion du passage de Quincy dans la capitale.
Label : XL Recordings | Sortie : 6 mai 2016
Déjà évoqué un peu plus haut dans cet article pour son travail avec Mick Jenkins, Kaytranada aura profité de cette année 2016 pour endosser le costume du producteur superstar auquel il était prédestiné depuis quelques années. Après un coming out révélé au détour d’une cover story de The Fader, Kaytra avait pris soin d’assommer les amateurs de son avec son tant attendu premier album au début du mois de Mai. Encensé tant par la critique que par un public venu de toute part (Hip-Hop / Electro / House), 99.9% est un succès total. Quelques semaines après sa sortie, le producteur canadien venait enfoncer le clou auprès du public parisien avec un concert à guichet fermé au Trianon. Un show exceptionnel que nous relations dans un live-report. Les mois ont passés et des tubes tels que « Glowed Up » en featuring avec Anderson .Paak ou encore « Drive Me Crazy » avec Vic Mensa continuent de retentir dans nos soirées. Le 19 septembre 2016, c’est la consécration : 99.9% est sacré album de l’année par Polaris Music Prize (sorte de victoires de la musique canadiennes). La génération Soundcloud reçoit l’exposition médiatique qui lui manquait jusqu’à alors et célèbre son champion.
Label : Epic | Sortie : 11 novembre 2016
18 ans après leur dernier album, la tribu au complet a repris le chemin des studios. Force est de le constater, le temps ne semble pas avoir d’emprise sur les qualités artistiques du groupe le plus marquant du Native Tongue. On aurait pu redouter une altération de la combinaison Q-Tip, Jairobi et Phife. Que nenni, le trio retrouve rapidement la magie et les automatismes de Midnight Marauders ou de Low End Theory, sans pour autant verser dans le couplet nostalgique. Musicalement, ATCQ garde sa ligne Jazzy Cool, en s’autorisant quelques escapades reggae et pop rock intéressantes. Le groupe s’offre même une cure de jouvence au contact d’invités de la nouvelle génération comme Kendrick Lamar ou Anderson Paak. Loin de jouer la carte du jeunisme déplacé, les vétérans retrouvent également leurs vieux complices de toujours, Busta Rhymes et Consequence pour des envolées lyriques de haut niveau. A l’image de l’ensemble de leur œuvre, We Got It From Here… demeure un ultime album anachronique. L’âme de Phife Dawg peut ainsi reposer en paix avec le sentiment d’avoir accompli une belle carrière au service du Hip Hop. La seule faute de goût de cet album posthume reste la pochette plus ou moins inspirée par Basquiat, qui contraste avec la sobriété esthétique des cinq autres pièces maîtresse d’un groupe majeur de l’histoire du rap.
Label : Steel Wool Records | Sortie : 15 janvier 2016
Le Malibu d’Anderson Paak avait vivement réchauffé nos tympans en ce début d’année 2016. Il est vrai que les 16 plages aux sonorités très chaudes de ce second album abouti avaient les atouts nécessaires à ce réchauffement musicale. Solaire, le chanteur californien a su sublimer son sens de la mélodie pour livrer un opus rempli de perles rares. En l’espace d’une heure, Paak visite les plus belles périodes de la musique noire américaine. Funk au côté de ScHoolboy Q, plus jazzy sur Silicon Valley ou Soul teintée de Rap avec Rapsody et The Game, le protégé de Dré sur Compton nage avec une fluidité déconcertante dans les eaux profondes de The Waters accompagné d’un autre spécialiste du genre, BJ The Chicago Kid. Résolument, ce voyage ensoleillé à Malibu est un des plus beaux de l’année 2016. Depuis, Anderson Paak est devenu omniprésent et incontournable à travers des collaborations marquantes avec Kaytranada, Mac Miller, Chance The Rapper ou encore l’apothéose de sa fabuleuse année 2016 achevée par son excellent album en commun avec le talentueux producteur Knxwledge. Malibu hantera certainement encore longtemps les couchers de soleils des longues étendues de sable californiennes.
Label : Top Dawg Entertainment | Sortie : 11 mars 2016
On ne compte pas moins de 3 albums issus du label TDE dans notre top 10 des albums de l’année. Plus discret que Kendrick et ScHoolboy Q, Isaiah Rashad n’en est pas moins impressionnant. The Sun’s Tirade est le successeur de Cilvia Demo, qui en dépit de son titre était déjà extrêmement abouti. Ce deuxième album n’est que la confirmation de ce qu’on pouvait déjà pressentir : ce jeune emcee a de l’avenir. Le rap de Rashad pet être qualifié d’introspectif. On sent à travers ses textes qu’il est rongé par de nombreux démons, qu’il arpente un tortueux chemin vers la rédemption. Pour lui, le rap est la voie. Avec calme et constance, le protégé de Kendrick nous balade à travers son univers, nous conte l’existence simple dans le ghetto. Les différents beatmakers à l’oeuvre ont su créer un univers jazzy et aérien qui convient parfaitement à la voix de velours d’Isaiah. Parmi les 17 morceaux de The Sun’s Tirade, on repère quelques tours de force. « Tity And Dolla » et « Rope // Rosegold » sont les temps forts de l’album. Rashad a mis la barre très haut, il devra réellement se surpasser pour faire mieux la prochaine fois.
Mentions honorables : Flygod de Westside Gunn, The Devine Feminine de Mac Miller, Genesis de Domo Genesis, Still Brazy de YG, and the Anonymous Nobody… de De La Soul ou encore ULT de Denzel Curry.
Et pour tous ceux qui s’apprêtent à nous assassiner pour avoir « oublié » le Coloring Book de Chance The Rapper, on vous invite à aller voir notre sélection des meilleures mixtapes rap de 2016.
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