Mick Jenkins – Wave

Aout 2015

Mick Jenkins

Wave[s]

Note :

On avait adoré sa mixtape The Water[s] en 2014 et le morceau « Alchemy » sorti au printemps dernier, c’est donc avec une certaine impatience que nous attendions ce Wave[s], le nouvel EP – et donc premier véritable album studio – de Mick Jenkins.

Après les arbres sur sa mixtape Trees & Truths puis l’eau sur The Water[s], on pouvait légitimement s’attendre à trouver sur ce nouveau projet intitulé Wave[s] une nouvelle forme de fétichisme pour les vagues et toute forme d’ondulations. Pourtant, bien qu’on retrouve toujours dans les textes une sorte de fascination pour la forme et les éléments (il suffit d’écouter « Alchemy« ), avec Wave[s], Mick Jenkins débarque là où on ne l’attend pas. Exit les ambiances acid jazz sombres de The Water[s] qui laissent place à des productions plus « future beat » (genre que nous vous invitons à (re)découvrir via notre mixtape The Fresh Touch), plus légères, plus estivales et parfois résolument plus orientées club.

Pour autant, il n’est pas non plus question d’un véritable virage commercial pour le emcee de Chicago. Déjà car il a su s’entourer d’un des tous meilleurs producteurs de future beat actuels en la personne de Kaytranada. Le producteur montréalais place son groove inimitable sur la balade romantique « Love You » et surtout sur le génial « P’s Q’s« , assurément un temps fort de cet EP, sur lequel Jenkins déplore la pauvreté des textes des autres rappeurs (« Mind your P’s & Q’s » étant l’expression anglaise pour « soigne ton vocabulaire ») puis – à la manière d’un Kendrick Lamar sur « Control » – avertit la concurrence de son intention des les détruire lyricalement. Il est également intéressant de voir dans les lyrics ci-dessous comment Mick Jenkins appuie l’argument de sa supériorité lyricale par l’emploi quasi exclusif de mot commençant par la lettre « p » (allitérations).

I been on my P’s and Q’s, quantum leaps ahead of my peers
They not even in my peripheral, pray I keep it proper
Cause they playin’ sopolitical, thepetty is sopitiful
Niggas Peter Pettigrew, I’m of a higher pedigree
I’m peddling this penmanship, appreciate the pleasantries, but
It’s quiet for y’all niggas

P’s & Q’s

Le reste de la production de l’album est assurée par le collectif de Chicago ThemPeople qui excelle tout aussi bien dans un registre beat music à la Soulection comme sur « Get up Get Down » que dans des productions plus intimistes et déstructurées – comme on avait pu l’entendre sur The Water[s] – à l’image du génial « Piano ». Morceau aux airs d’interlude qui s’avère d’ailleurs être mon coup de cœur de ce Wave[s] et sur lequel Jenkins s’amuse autour de l’expression « moving a piano » (argot US pour la vente de cocaïne) mais également une manière de rendre hommage au travail de découpage du sample de piano (chopping) par son crew ThemPeople.

https://www.youtube.com/watch?v=ZHmu6_URT7M

Au-delà de la direction prise par la production, c’est surtout au niveau de la consistance que Waves diverge malheureusement de The Waters. En effet, alors que la mixtape de 2014 pouvait réellement être perçue comme un ensemble cohérent (certes, au détriment d’un ou deux véritable tubes qui auraient sûrement servi son succès commercial), cet EP fait davantage figure de recueil de (très bons) titres mais ressemble finalement bien plus à une mixtape qu’à un album studio… Petite déception donc sur ce point d’autant plus que le fan de Mick Jenkins que je suis n’a pas trouvé grand chose de neuf à se mettre sous la dent puisque 3 des meilleurs titres de cet EP étaient déjà sortis : « Alchemy », « P’s & Q’s » et « Get Up Get Down » .

Vous l’aurez compris, malgré une poignée de bons titres et un Jenkins en constante progression lyricalement, cet EP nous laisse un peu sur notre faim… Les amoureux de The Water[s] risquent en effet d’être surpris (voire  déçus) par cet EP qui aurait sûrement mérité d’être un peu plus long pour gagner en cohérence. En revanche, je soulignerais l’effort de Mick Jenkins – un artiste qui peut paraître ésotérique pour certains – de s’essayer à des formats plus facile d’accès (notamment sur des morceaux tels que « Get Up Get Down » ou « Your Love ») tout en gardant une véritable exigence dans les textes et la puissance de son flow glacial. Cette direction déroutera sûrement certains fans de la première heure mais, après tout, peut-on reprocher à un artiste qu’on a aimé pour son originalité de sans cesse chercher à se renouveler ?

Tracklist

01. Alchemy (prod. Lee Bannon & ThemPeople)
02. Slumber f. Saba & Sean Deaux (prod. Thempeople)
03. Get Up Get Down (prod. Stefan Ponce & Thempeople)
04. Your Love (prod. KAYTRANADA)
05. Piano (prod. Thempeople)
06. The Giver (prod. Thempeople)
07. 40 Below (prod. Thempeople)
08. P’s & Q’s (prod. KAYTRANADA)
09. Perception f. The Mind (prod. Mulatto & ThemPeople)