Kaytranada – 99.9%

Mai 2016

Kaytranada

99.9%

Note :

Deux ans. Voilà presque deux ans que Kaytranada a posté le groovy « Leave Me Alone » sur son compte Soundcloud. Le succès de ce morceau à la fois dansant et vaporeux n’est déjà plus une exception dans la jeune carrière de cet artiste qui a fait de la plateforme de streaming son terrain de jeu. Depuis plusieurs semaines déjà, son premier LP était annoncé et chaque miette mettait en émoi les amateurs de beat music et de good vibes en général. Depuis le 6 mai dernier, 99.9% est là.

C’est vrai, pour qui s’intéresse un minimum à la musique et a les oreilles à l’affut de ce qui se fait de rafraîchissant, il aurait été difficile d’échapper au talent de Kaytranada. Bien sûr, il doit y avoir des réfractaires qui restent à convaincre mais reconnaissons que le monsieur a le talent de savoir s’entourer et joue d’un sens du rythme communicatif. 99.9% arrive au milieu du printemps, comme pour préparer gentiment l’été. La recette du succès pourrait d’ailleurs y avoir été trouvée : des beats efficaces et planants, des featurings de grand talent, une ambiance générale plutôt lumineuse et un artwork de très belle facture signé Roberto Cavolo. Tout ce qu’il faut donc pour faire de cet opus une release majeure de l’année.

Louis Kevin Celestin, de son vrai nom, est féru de jazz, de soul, de funk, de R’n’B, clairement de disco et de Black Music en général. Tout cela transpire dans cet album. Pour mémoire, il avait commencé à poster des remixes de morceaux d’artistes Hip-Hop et R’n’B il y a quatre ans. Dès le début, sa patte est précise : autour de lignes de basse profondes dont il allonge le tempo, il compose une mélodie basée sur de longues notes aux relents de New Wave produites au clavier. Il peuple alors cette distension avec des rythmiques de batterie rapides qui impriment le rythme et prennent le soin d’emporter l’auditeur.

Janet Jackson (Kaytranada Remix) – « If »

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Son 99.9% est fait de quinze morceaux dont quatre sont purement instrumentaux. Sur les autres, à la manière de ce qui se faisait aux origines du genre, le beatmaker met en lumière un artiste. Le deal est simple: Kaytranada fournit la musique, l’artiste lui donne vie et la sublime. Manifestement, Kaytranada sait plutôt bien négocier et faire passer ses messages puisque si la qualité des featurings est inégale et que c’est une appréciation subjective, il n’y a aucune fausse note à déplorer. Parmi les heureux élus, on dénombre ceux qui sont dans les meilleurs coups du moment : Aluna George et GoldLink sur « Together », Vic Mensa sur « Drive Me Crazy » (qui avait effectivement affolé les amateurs en janvier 2015), SYD de The Internet sur « You’re The One » et bien sûr Anderson .Paak sur l’autobiographique « Glowed Up ». Et si cette liste n’est pas exhaustive, elle met en lumière des morceaux très bien construits où la synergie entre les artistes est manifeste.

Kaytranada – « Glowed Up » feat. Anderson .Paak

Au-delà de l’esthétique du clip qui accompagne le morceau, on comprend que Kaytranada a clairement voulu construire un beau projet. Beau au sens musical bien sûr, quand il s’appuie sur des rythmiques disco ultra efficaces et entrainantes (« Breakdance Lession n°1 ») ou une ligne de basse et des  percussions plus qu’entêtantes sur son association avec le trio canadien BadBadNotGood (« Weight Off ») ; mais également beau visuellement quand on regarde l’artwork de cet album et les efforts consentis dans la construction de l’univers du clip. L’esthétique, c’est clairement une constante de son travail car même s’il est difficile de parler d’esthétique musicale sans s’envoler dans des considérations trop subjectives, il faut reconnaître l’extrême attention qui a été portée dans le choix des convives et les mets proposés.

Au final, Kaytranada livre un bel album qui s’écoute facilement, qui se décline en différentes humeurs et qui met en lumière et son talent et celui des artistes qui l’accompagnent. Jolie performance. En revanche, la faiblesse de cet opus, c’est peut-être le manque de surprises. Parce que même si on découvre avec plaisir la contribution de Phonte sur « One Too Many » ou le revenant Craig David sur « Got It Good », la plupart des morceaux qui portent ce projet avaient déjà fuité. Et ce depuis deux longues années. Un temps considérable dans cette industrie. Attention, s’ils n’ont pas pris une ride et que leur qualité ne s’est pas altérée, ils symbolisent aussi un manque de prise de risque qu’une critique objective nous impose. On aurait pu s’attendre à davantage de nouveaux morceaux de la part d’un beatmaker aussi à l’aise avec des styles comme le jazz (qui a largement inspiré son dernier EP Kaytra To Do), le R’n’B ou le disco. Ce sera sûrement pour un prochain opus. Qu’on attendra avec impatience une fois celui-ci bien dégusté.