Fin d’année oblige, l’heure est désormais au bilan. Et encore une fois, celui-ci est plus que positif. Car c’est un fait, nous sommes depuis plusieurs années dans une bonne période pour le hip-hop. Les styles et les formats sont multiples, les talents sont partout, la qualité ne résiste pas si mal à la quantité des sorties, l’émulation tire l’industrie vers le haut. Grâce à ce bouillonnement palpable, le hip-hop est devenu le genre le plus écouté du monde, trustant les charts aux États-Unis comme ailleurs. Au milieu du business juteux des hit singles propulsés par le streaming, les albums restent pour l’instant et malgré tout attendus, importants dans la mesure du succès de la carrière d’un artiste. C’est pourquoi nous vous présentons aujourd’hui notre classement des meilleurs albums hip-hop (regroupant les sorties US et internationales, hors francophones) de cette belle année 2017.
Label : Authors / The Order | Sortie : 17 février
En rendant une copie bardée d’introspection, de poésie et de sincérité sur sa condition, Jonwayne pose une pierre de plus à l’édifice musical qu’il construit. Adossé à des beats purs et simples à l’efficacité quasi mécanique, Rap Album Two est l’album du retour et de la rédemption. Après une retraite annoncée il y a quelques années mais que la vie lui a imposé d’abandonner, il signe là un grand album de rap. S’il apparaît simple dans sa conception, il est en réalité très sophistiqué dans sa narration et les sujets abordés. Si le terme « rap conscient » n’a plus le sens d’il y a dix ans, Jonwayne lui apporte une nouvelle définition moins clivante et plus riche. Une réussite.
Label : Dreamville | Sortie : 10 mars
J.I.D est le dernier signee du label Dreamville piloté par J. Cole. Ce dernier a décidé de donner à son projet une nouvelle dimension en 2017 en recrutant des talents originaires d’Atlanta. Outre Spillage Village qui s’est aussi démarqué cette année, celui qui a illuminé de son talent les studios de Dreamville est l’un des jeunots de la bande : J.I.D. En sortant The Never Story, ce fondu de hip-hop s’attache davantage au « lyricisme », sans pour autant oublier de faire jumper son public (comme sur « Never » ou « Lauder ») sur des thèmes universels : les filles, la famille et les potes. C’est donc flagrant au premier coup d’oreille, le gars sait rapper. Avec son flow protéiforme, il s’adapte sans souci à tous les différents styles qu’il explore sur The Never Story. Un album qui donne très envie d’en découvrir davantage sur le dernier protégé de Cole, qui l’accompagne d’ailleurs sur le très bon « D/vision ».
Label : Def Jam Recordings | Sortie : 23 juin 2017
Avec Big Fish Theory, Vince Staples a pris des risques. Fuyant la facilité et les tendances du hip-hop actuel, le rappeur a injecté dans ce nouvel album de fortes influences electro, avec des prods notamment signées par Sophie ou Flume, de quoi bien sortir des sentiers battus. Ces risques se sont révélés payants, puisqu’on retrouve un Vince à l’aise comme un poisson dans l’eau, confirmant ainsi son statut d’artiste total. Au-delà du style musical, les thématiques très honnêtes et réflectives abordées avec sincérité renforcent encore l’aura de ce projet si particulier.
Label : Cinematic Music Group | Sortie : 7 avril
Après B4.DA.$$, Joey Bada$$ a choisi une nouvelle direction pour ce All-Amerikkkan Bada$$ : des sonorités plus « pop » signées 1-900, un Statik Selektah plus discret (seulement deux morceaux), des singles destinés à toucher une audience plus large (« Devastated« , « Temptation« )… Il est clair que le leader de Pro Era a souhaité se défaire de cette image de rappeur conscient et boombap afin de poursuivre son ascension. Malgré tout, la qualité reste toujours au rendez-vous, avec notamment des titres beaucoup plus « rap » (« Rockabye Baby », « Ring The Alarm »…), des collaborateurs triés sur le volet (J. Cole, ScHoolboy Q, Styles P) et un message contestataire fort, dans une Amérique divisée par la nouvelle donne politique. Au final, même si ce second opus studio est de bonne facture, on ne peut s’empêcher de penser que Joey peut encore faire (beaucoup) mieux.
Label : Zero Fatigue LLC | Sortie : 14 mars
Si la scène rap de Chicago est en train d’écrire ces plus belles heures depuis des années, Smino y a sa part de responsabilité. En lâchant blkswn en mars dernier, le natif de St Louis (Missouri) a glissé dans nos oreilles une des plus belles propositions de cette année 2017. Un rap chanté qui fait la part belle à une musicalité qu’il est finalement assez rare d’entendre poussée aussi loin chez les rappeurs. Bien appuyé par les petits génies de la prod locaux Monte Booker en tête mais aussi theMind et ThemPeople, c’est d’ailleurs par ces choix de productions tendant vers la beat music (pas un hasard de retrouver les artificiers de Soulection Sango et J.Robb dans les crédits) que blkswn apporte finalement un réel vent de fraîcheur au rap de 2017. Entre la claque du titre éponyme produit par Sango, les ballades délirantes « Netflix & Dusse » et « Wild Irish Roses » ou le tube « Anita », Smino signe avec ce premier LP un très joli coup qui nous donne une envie quasi irrépressible de faire un fast forward jusqu’à son prochain projet.
Label : Roc Nation | Sortie : 30 juin 2017
En signant 4:44, Jay-Z revient aux affaires. Au sens propre comme au figuré. Le contenu de cet opus est avant tout une surprise et elle est plutôt de bonne facture. Non pas qu’un succès de Jay-Z le soit (le bonhomme a fait ses preuves plusieurs fois et à plusieurs époques), surtout parce que personne ne le voyait là. Alors que l’on s’attendait à un énième blockbuster taillé pour les radios, la légende de Brooklyn a pris tout le monde à contre-pied en livrant un projet très personnel, minimaliste et élégant entièrement produit par un No I.D. au sommet de son art. Il y dévoile avec sincérité son rôle de père, son infidélité ou encore sa vision du game actuel. Tout en ayant négocié un disque de platine avant même la sortie de l’opus. « I’m not a businessman, I’m a business, man! »
Label : Columbia | Sortie : 21 juillet
L’ancien adolescent frôlant la schizophrénie a laissé place à l’adulte plus apaisé et plus réfléchi. Avec ce projet, Tyler, The Creator réalise un nouveau contre-pied. Non pas qu’il n’y soit pas habitué (rappelons la déception de ses fans de la première heure après la release de Cherry Bomb) mais parce qu’avec un artiste aussi explosif, turbulent et ouvertement névrosé, on ne pouvait s’attendre à un album aussi apaisé. Gommées les imperfections volontaires ou subies de ses enregistrements précédents, Flower Boy présente des arrangements et un mastering très propres qui soulignent aussi la volonté de l’artiste de présenter un opus épuré, où l’auditeur peut se concentrer davantage sur la fluidité des sentiments qui animent son auteur. Tout n’y est pas parfait mais il n’y a rien à jeter.
Label : Roc Nation Sortie : 22 septembre
Il aura fallu deux années à Rapsody pour composer ce Laila’s Wisdom. Deux ans d’introspection, de recherche de la tonalité et de la sonorité juste pour donner un maximum de résonance à son propos. Force est de constater que la princesse du hip-hop a su mener son projet d’une main de régnante tant le rendu est magistral. En proposant un opus aux productions d’une grande richesse d’influences et de styles narratif, elle signe assurément son meilleur album et assoie sa présence sur la scène féminine. Elle convie sur cet opus les meilleurs, est servie musicalement par des ciseleurs de boucles dont le talent n’est plus à démontrer. Mais parce que le rap c’est aussi ce sport, tout ce joli monde se présente en studio et éclabousse de sa science et de son talent cette élégante release. A découvrir si ce n’est pas déjà fait.
Label : RCA Records | Sortie : 24 mars
Porté par l’explosion de son single « Crew« , qui réussit à se hisser au sommet des charts américain avant d’être nominé aux prochains Grammy Awards, GoldLink a vécu une folle année 2017. Mais ce titre phare ne doit pas faire oublier que ce At What Cost est, tout entier, un coup de maître. Sa « future bounce » dévastatrice a pris notre été (puis le reste de notre année) en otage, avec des titres plus solaires les uns que les autres et taillés par une belle brochette de génies, de Kaytranada à Teddy Walton en passant par Steve Lacy ou Louie Lastic. A notre époque, quand on n’a envie d’enlever aucun titre d’un album de nos playlists et qu’on y revient régulièrement sans se lasser, c’est forcément qu’on a affaire à un très bon produit…
Label : TDE | Sortie : 14 avril
Et non, pas de surprise pour la première place. C’est un fait, DAMN. de Kendrick Lamar est non seulement le meilleur album hip-hop de l’année, mais aussi probablement le meilleur album de l’année… tout court. Qu’on l’écoute à l’endroit ou à l’envers, peu importe, c’est toujours un petit chef-d’oeuvre. Comme il le dit lui-même, DAMN. est la parfaite synthèse entre la liberté de Section.80, les bangers de Good Kid, M.A.A.D City et l’engagement de To Pimp A Butterfly. Kung-Fu Kenny continue de se surpasser, de nous raconter des histoires folles (« DUCKWORTH. »), de se confier (« GOD. ») et de nous casser la nuque (« HUMBLE.« , « DNA.« ), le tout avec une intensité globale qui nous prend par les tripes. Maintenant, on a juste hâte de découvrir cet album en live, à Paris en février.
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