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Qui est Masego, inventeur de l’irrésistible TrapHouse Jazz ?

Si plusieurs routes mènent à Masego, il n’est pas impossible que l’artiste soit, pour l’instant, passé entre les mailles de vos filets. L’annonce de son concert à Paris (le 2 novembre au Badaboum) est l’occasion parfaite pour y remédier. Savant mélange de jazz, electro, future bounce, soul et trap énergique, il impose sa polyvalence comme un style à part entière, qu’il a lui-même intitulé le TrapHouse Jazz. En quelques années, l’auteur-interprète et multi-instrumentaliste originaire de Jamaïque a su poser les bases de ses aspirations musicales, à travers deux EP et de nombreuses collaborations. Masego excelle dans l’art de séduire rappeurs, musiciens, labels, et oreilles averties. De quoi l’inscrire dans la liste des artistes à surveiller de près.

De l’Eglise au TrapHouse Jazz

Né en 1993 à Kingston, en Jamaïque, de père jamaïcain et mère américaine, Micah Davis, alias Masego, grandit à Newport News, en Virginie. Enfant, le jeune Micah va s’imprégner des sons de la communauté chrétienne dans laquelle il évolue. Il y découvrira d’abord le gospel, dont on reconnaît rapidement l’influence dans sa voix mielleuse et puissante. Identifiable dès la première syllabe, elle n’est pas sans rappeler certaines grandes voix de la soul sachant maîtriser leur puissance naturelle, alternant entre énergie et ardeurs, douceur et malice.

Au même moment, il joue ses premières notes de saxophone. Dès lors, cet instrument ne le quittera plus et accompagnera chacun de ses mouvements. Hyperactif et insatiable, il est encore ado lorsqu’il découvre YouTube, ses clips et ses tutoriels, qu’il va vite considérer comme ses professeurs et dont il est encore aujourd’hui un fervent apologiste. Il s’y initie au clavier, à la batterie, guitare, basse, à l’accordéon, à la trompette, à l’harmonica, jusqu’au kazoo… Celui qui avoue ne pas savoir lire une partition de musique est pourtant aujourd’hui capable de jouer n’importe lequel des instruments que vous lui tendrez. Ambitieux, il peaufine son style, développe son réseau, diversifie ses écoutes avec l’electro, le rap, la beat music, la trap, le R&B, ou le future bounce.

Masego va très vite s’imprégner des sons de son époque pour n’en retenir que l’essence, celle qui va parfaitement s’accorder avec ses bouffées de nostalgie jazzy. Intuitif, il décide de créer son propre style, « là ou l’ignorance rencontre l’élégance » : ce sera le TrapHouse Jazz.

En peu de temps, il devient un membre très actif de SoundCloud en publiant mixes et productions personnelles, dans lesquelles il ne laisse encore que très peu de place à sa voix, se focalisant sur les rythmes downtempo, le saxophone et les drums. Il va débusquer sons et artistes aux fin fonds de l’internet. Au fur et à mesure, il se construit un énorme réseau pluri-disciplinaire, jusqu’à créer le collectif TrapHouse Jazz  – regroupant plus de 100 artistes et musiciens – destiné à promouvoir le VA Sound et influer de nouvelles collaborations.

Voilà les piliers qui vont doucement commencer à constituer l’ADN Masego : de solides bases musicales influencées par la vieille école de la soul, du jazz et du gospel, associées à une parfaite maîtrise des codes d’internet, des réseaux, et des musiques actuelles.

Masego 2.0

Comprenant rapidement l’intérêt des réseaux sociaux pour se faire connaître, en 2015, à la manière de GoldLink et Kaytranada, il va purement et simplement voler trois morceaux issus de l’écurie Soulection pour n’en faire qu’un, dans lequel il injectera le fameux saxophone devenu sa marque de fabrique. Dans une interview pour le site Bandwidth, il donne le ton :

« Je me disais, le public va penser qu’on a collaboré, et Soulection va penser que je suis audacieux d’avoir volé leur contenu et d’y avoir intégré le sax […] Puis Joe Kay (cofondateur de Soulection) est tombé dessus et m’a envoyé un mail peu de temps après. (Rires) J’étais plutôt du genre « viens me battre si tu penses que c’est mauvais ».

Et ça marche. Masego gagne en confiance et va se rapprocher du jeune artiste originaire de Dallas, Medasin. Ensemble, ils composeront l’EP The Pink Polo en 2016. En peu de temps, il devient l’un des chouchous de SoundCloud avec le titre phare « Girls That Dance », cumulant plus de 3 millions d’écoutes. Poussé par le succès, le clip est en boite et Internet découvre alors le visage de ce jeune saxophoniste ajoutant tranquillement sa dose de freejazz aux sons électroniques de Medasin, en arborant un style tout droit sorti d’un vieux clip de New Edition, et un sourire aussi doux que carnassier, illustrant à la perfection son assurance et ses ambitions. Masego y dévoile une partie importante de son panel d’influences : l’humour. Fan de stand up, il est connu pour les sketchs de son alter-ego Uncle Sego, personnage qu’il s’est créé sur les réseaux sociaux et lors de ses shows.

L’artiste déploie une énergie fulgurante dans ses productions, tellement contagieuse qu’elle poussera, comme une évidence, le rappeur GoldLink à l’inviter sur son album And After That, We didn’t Talk, sur le titre déconcertant mais tellement efficace « Late Night ».

Loose Thoughts

En 2016, il sort enfin son premier – et enthousiaste – projet solo, l’EP Loose Thoughts, que l’on vous présentait dans notre article 5 projets rap de 2016 à re-découvrir en 2017. Entre rap, R&B, jazz et trap, ne vous fiez pas à l’aspect brouillon de certains titres : ils sont l’expression d’une fougue et de talents que, du haut de ses 24 ans, il ne cherche pas encore à canaliser.

Masego passe immédiatement à l’attaque avec le premier titre, « You Gon’ Learn Some Jazz Today » : il donne le ton en introduisant son style avec force et fracas. Fil conducteur de cet EP, le saxophone glisse sur les rythmes énergiques trap et electro, jonglant entre beat music, jazz, minimalisme et influences jamaïcaines – notamment sur « I’m in Hollywood » et sur la deuxième partie du titre « Too Much ». Conscient de ses capacités, il nous le fait savoir en assumant l’arrogance d’un jeune samouraï de la musique, à travers des titres comme « I’m In Hollywood » et « I DO EVERYTHING ».

2017, l’envolée

En 2017, Masego enchaîne encore et toujours les collaborations de plus en plus prestigieuses. Il s’est notamment rapproché de l’un des nouveaux membres de la famille Top Dawg Intertainement, le chanteur-rappeur SiR, nommé dans notre liste des TBPZ Rookiz 2017.  Sur son dernier EP, Her Too, sorti cette année, il entonne avec lui la planante balade « Ooh Nah Nah ».

De passage en France au mois de mars, Masego s’est arrêté aux studios parisiens Red Bull, pour improviser une session d’anthologie aux côtés l’artiste électro FKJ, qui devrait ravir les oreilles les plus pointues. A ce jour, « Tadow » compte déjà plus de trois millions de vues.

2017, c’est surtout pour Masego la rencontre avec la chaîne COLORS, mine à pépites de YouTube, pour laquelle il a enregistré le sublime et inclassable titre « Navajo ». A mi-chemin entre nu-soul, trap, PBR&B, et jazz, il y combine force et finesse, jouant avec sa voix comme il joue avec sa MPC. Ce titre laisse présager un album qui serait l’aboutissement de ce long parcours initiatique, de Kingston à Hollywood.

Il faudra certainement attendre plusieurs mois avant l’annonce d’un premier album. Pour l’instant, Masego fait ses valises et s’apprête à suivre l’un des meilleurs rappeurs de sa génération, GoldLink, sur sa tournée américaine. Il passera donc ensuite par Paris le 2 novembre prochain, au Badaboum. Vous l’aurez compris, on vous conseille vivement de réserver vos places.

Camille Elle

Piquée par le virus soul à l'adolescence. Observe les évolutions permanentes du rhythm and blues. À la recherche de vieilles discographies témoins de leur époque.

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