Behind The Beat : Aayhasis, producteur de la West Orléans
Membre du collectif de beatmakers orléanais The Forty Fivers, Aayhasis a su se démarquer grâce à ses ambiances planantes inspirées par sa passion pour le son made in Los Angeles. Entretien avec un des plus prometteurs producteurs français, qui a su exporter sa musique sur la Côte Ouest des États-Unis. Il compte entre autres plusieurs collaborations avec divers membres du label TDE (Jay Rock, Ab-Soul) mais également pour les français A2H et Espiiem.
The BackPackerz : Où as tu grandi ?
Aayhasis : J’ai grandi près d’Orléans , plus précisément de Saint Pryvé, à Bel Air, pas le même qu’à Los Angeles. Il semble que j’étais prédestiné à la West Coast. (rires)
Comment es-tu devenu beatmaker ?
J’étais passionné de son très jeune. Je dansais déjà sur la BO de Ken Le Survivant d’après les anciens. Plus sérieusement, dès qu’un son me choquait au lycée, je voulais savoir qui l’avait produit. Avec un pote, Kebe, on était à fond dedans. On s’organisait pour l’achat de CDs. On s’arrangeait pour étoffer la discographie de l’un et de l’autre. Plus tard, j’avais un autre pote, Garak, qui commençait à bidouiller sur un logiciel séquenceur. Il connaissait ma passion pour le son. Du coup, il m’a montré comment cette machine fonctionnait. Cela a été un coup de foudre.
Quels sont les producteurs, qui t’ont donné envie de composer ?
Le son de L.A. et de Detroit m’ont beaucoup bercé, tout comme le R&B des 90’s, début 2000 et la New Soul. J’ai ainsi beaucoup d’influences comme Battlecat, Meech Wells, Daz, Focus, Soulquarians, Dr Dre, DJ Quik, Devante Swing, Tim & Bob, Hi-Tek, Pete Rock, Timbo …. ce sont les grands noms qui m’ont traumatisé.
Tu fais partie du collectif Forfty Fivers. Peux-tu nous parler de ce collectif ?
Forfty Fivers est un groupe formé il y a 2 à 3 ans avec les frangins Astronote et Chilea’
Vous êtes basés à Orléans. Qu’en est il de la scène Hip Hop orléanaise ?
Orléans est une vraie ville hip hop , c’est un fait et je suis objectif à 100%. Les trois quart des gens, qui passent ici sont étonnés de savoir combien d’acteurs, de disciplines, de styles d’excellent niveau possède cette ville. C’est rare d’avoir autant de richesse par rapport à la taille de la ville, qui plus est de province. C’est un peu Smallville, surtout au niveau du rap.
Produis-tu des sons pour certains emcees du 45 ?
Bien sûr, avec Astro et Chilea’s on a bossé avec beaucoup de mc’s du secteur. J’ai collaboré avec Philéas Flow, Colonel Zila, Ayssa, Med Killah, AKF, Balla Fasséké, MPilah, Youcef, Boaz, Flazo, Mansool, Manigance, Ppros, Dosseh, Manast, Heady & Posti, Lelex Luthor, Dary, Faycol, Ruff …
Tu sembles très influencé par l’ambiance californienne. Qu’est-ce qui a développé cet attrait ?
La West Coast est un mélange de tout ce que j’aime ou ce qui m’inspire, le soleil, le chill/smooth, mais aussi la face beaucoup plus dure. Le gangsta est un lifestyle, comme le jeu GTA et le film Training Day . Musicalement c’est tellement éclectique et de qualité que n’importe qui y trouverait son bonheur : L.A. Bay, Oxnard, mainstream, underground. Je pense qu’actuellement et déjà depuis quelques années la West Coast alimente majoritairement le mouvement Hip-Hop en terme de créativité, d’éclectisme et de qualité. Cette musique affiche une solidarité et effectue un passage de témoins rarement vu. J’aime cette ambiance familiale. Il existe énormément d’artistes talentueux, mais pour moi Snoop reste la figure emblématique. Quand je suis allé à L.A. en 2014, c’était exactement comme je l’imaginais. Je jouais à GTA à cette époque. L’atmosphère est la même. La lumière est aussi incroyable que dans le jeu. Artistiquement c’est l’eldorado, tu peux croiser et te retrouver avec des artistes incroyables à n’importe quel moment. Le réseau va vite. Les gens sont ouverts et abordables.
On a pu récemment voir tes compositions associées à certains noms du label TDE comme Ab Soul ou Jay Rock. Comment s’est passée la connexion avec ces artistes ?
J’ai rencontré Kendrick Lamar en 2012 au Bataclan. Mais c’est Astro qui a produit le track 3 sur son projet « Untitled ». J’ai pu rencontrer les artistes TDE, car j’avais produit en 2011 sur les projets d’Ab Soul Longterm Mentality 2 et Control System (« Nothin New » avec Jhene Aïko et « Nothing’s Something »). J’avais contacté Ab Soul via Facebook à la base. Les artistes TDE sont des gens vraiment humbles et respectueux, avec une très bonne éthique de travail. Leur statut actuel est loin d’être le fruit du hasard. Pour Ab Soul, je lui envoyais des sons. Il les validait ou non. Pour Jay Rock c’était différent. Je fais partie d’un collectif/label à Los Angeles, XCVI Recordings, géré par Dae One, qui est un bon ami du clan TDE et de Jay Rock. Vers avril 2015, Dae One m’a dit que Jay Rock cherchait un son pour un storytelling. Je lui ai envoyé le son de « Fly On The Wall » et, grâce à Dieu, ça l’a fait, avec Busta Rhymes en invité en plus. Ce morceau est une bénédiction, surtout quand ceux qui me connaissent savent ce que Bus a Bus représente pour moi.
Récemment tu as signé la production d’une collaboration entre le français Rekta et Mac Lucci du label Doggy styles records.
Quand je suis parti en 2014 à Los Angeles, on est allé avec Dae One chez Mac Lucci, qui est un bon pote à lui. Par ailleurs, le producteur français Shaq fait partie de sa team de producteurs B2B. Le gars est cool. Avec Rekta, on travaillait des morceaux. Il voulait un morceau avec Mac Lucci. Dae One et Rekta sont rentrés en contact. Rekta a entièrement géré cette aventure en enregistrant le morceau et le clip à Los Angeles.
Sur ton Soundcloud, apparait un morceau de Paul Wall avec Snoop. As tu collaboré aussi avec Snoop ?
Ce track avec Paul Wall, Snoop et Berner est un son travaillé avec Dae One, il y a quelques années. Il m’avait envoyé des drums, puis j’ai créé une atmosphère autour. Un jour, Dae One m’a appelé pour m’annoncer que Paul Wall prenait la musique pour son album avec Snoop et Berner en invités. C’était magique. (Le son est à retrouver dans la playlist en fin d’article, ndlr).
Au rayon de tes collaborations à Los Angeles, on compte aussi Tray Dee des The Eastsidaz. Tu sembles commencer à avoir une réputation à L.A. Les américains apprécient-ils qu’un français collabore avec leurs artistes, car la West Coast est plutôt réservé aux producteurs locaux non ?
Tray Deee est vraiment un bon pote à Rekta, C’est son gars là bas. Je ne le connais pas personnellement, c’est vraiment Rekta qui a fait la connexion pour ce son. Je connaissais uniquement le chanteur Smokey Lane, que je lui ai présenté. Je ne pourrais pas te dire si j’ai une réputation là bas. Il faudrait que j’y sois plus régulièrement pour le constater. Si c’est le cas c’est un honneur. Ils apprécient le fait qu’un français s’intéresse à leur musique. Cet intérêt leur amène un petit côté exotique. Il constate ainsi que leur son traverse l’Atlantique. Leur musique devient de ce fait universelle. Parfois on est tellement passionné que l’on connait plus d’artistes locaux qu’eux. Cette passion les perturbe parfois.
Tu as également collaboré avec des artistes français comme A2H ou Espiiem. Les connaissais-tu avant de travailler avec eux ? Comment adaptes-tu ton travail en fonction de l’univers d’un artiste ?
Ce sont vraiment des artistes que j’ai rencontré grâce à la musique, je ne les connaissais pas avant. La plupart du temps, je fais des sessions d’écoute. Mais je peux aussi m’adapter à une vision tant que cela reste dans mon univers. En général quand les gens me sollicitent, c’est qu’ils souhaitent avoir ma touche. Donc je fais plutôt écouter ce que j’ai en stock. Mais il m’arrive de composer en fonction de la volonté de l’artiste.
Tu as sorti cet été un mini album de remixes Aquasky avec des plages de synthès très planantes, notamment un remix de Marvin Gaye. La Soul a-t-elle une influence sur ta manière de composer ?
AQUASKY est un projet entamé lors de mon retour de Californie justement. Le titre est vraiment en rapport avec ma touche aquatique/planante, qui prédomine parfois dans mes sonorités, un voyage sous l’eau en apesanteur. Le remix est un excellent exercice pour un producteur. La soul a toujours été et sera toujours une influence, tout comme la funk. C’est une fondation du Hip-Hop moderne et passé. Le soulful smooth me parle beaucoup. C’est le genre de son, que j’aime le plus réaliser.
Aujourd’hui qu’écoutes-tu ? Par quelles sonorités es-tu attiré ?
En ce moment j’écoute Warm Brew, Snoop, Schoolboy Q, Nipsey Hussle, Phonte & Eric Roberson, LE$, Curren$y, TY$ et toujours D’Angelo pas très loin, la source même de toutes mes inspirations. Actuellement je continue de travailler sur mon atmosphère « aquatique », planante. Mon objectif est de composer une sauce avec mes influences, afin que les gens reconnaissent mon son quand ils l’entendent.
Quelles sont tes prochaines sorties ?
Un projet 3 titres gratuit sur le label ORFEVRE d’Espiiem qui devrait sortir cet automne. J’ai travaillé aussi sur l’album de Young Giantz, deux frères de Long Beach, ainsi que sur la compilation du label de Dae One XCVI Recordings, tout ça pour cet automne aussi. Et j’ai également des sorties prévues avec une chanteuse du label Orfèvre, Phileas …
Découvrez Aayhasis en 10 morceaux
Nul doute que Aayhasis va apposer sa patte West Orléanaise dans les oreilles des amateurs du genre avec des musiques d’une aussi bonne qualité. Il ne reste plus qu’à attendre le soleil se coucher sur une plage aquatique de Long Beach en écoutant les projets à venir du plus californien des Forty Fivers.
Retrouvez toute l’actu d’Aayhasis sur son compte Soundcloud et sur Twitter.