Après avoir cassé les scores avec son passage chez Colors, Sopico sortait fin janvier YË de Sopico. Entre album et EP, le deuxième projet du rappeur du 18e arrondissement ne dissimule pas ses qualités et marque surtout l’énorme progression parcouru depuis Mojo en 2016. Entre qualité d’écriture, flow technique, prods efficaces et soupçons de guitare, Sopico nous présente un projet à son image : singulier. Rencontre avec l’un des meilleurs espoirs rap francophone de 2018.
The BackPackerz : Bonjour Sofiane, déjà ça va ? On a l’impression que tu as reçu un bon accueil au niveau du public et des critiques avec ce dernier projet ?
Sopico : Effectivement, j’avoue que je ne m’attendais pas à autant de retours positifs. C’est un bonheur de me dire que le truc vit dans les mains du public donc hyper heureux du retour dont a bénéficié le projet.
On aimerait commencer par te parler de ta future tournée, en France principalement et dans quelques pays francophones, mais également chez les anglophones ! C’est une vraie volonté de ta part de t’exporter, est-ce que tu peux nous en dire plus ?
J’ai commencé la tournée au mois de janvier en France avec une première date à Lyon, quelques dates en Suisse et en Belgique. On a fait un concert à Londres, c’était ma première expérience à l’étranger devant un public anglophone et c’était vraiment un bon moment.
C’était un concert en ton nom ou un festival ?
C’était à mon nom et j’étais surpris de voir la communauté française débarquer à mon concert mais également des anglophones. Ça a confirmé ma volonté forte de vouloir représenter ma musique ailleurs, à l’étranger et pas uniquement en francophonie. On a aussi joué à Montréal et pareil, c’était fou, car je suis vraiment fan du Canada ! J’ai de la famille là-bas donc ça m’a permis de les voir grâce à la musique, toutes ces bonnes choses réunies autour d’un méga concert. Le fait de pouvoir voyager grâce au live, en vrai, c’est un peu un rêve.
Justement, on t’a entendu dire que tu aimerais faire ton premier album dans un pays étranger comme le Canada ou l’Asie. Cette tournée internationale, c’est pas un moyen de faire un repérage ?
Oui et non, je vais avoir beaucoup de mal à me bloquer sur un endroit particulier dans ce beau monde car j’ai envie de voir beaucoup de choses. En tout cas, je vais prendre du temps pour passer des moments à l’étranger. Ce que j’espère le plus c’est faire au moins trois pays autour d’un projet mais c’est forcément quelque chose de compliqué à organiser et donc à réaliser. Dans tous les cas, je ramène mon studio pendant la tournée pour faire de la musique en me nourrissant du live avec mon régisseur Ha$h24 et Frixx, mon DJ.
Comment tu appréhendes la scène d’ailleurs ?
Je prends beaucoup de plaisir à préparer le live car on peut transmettre beaucoup de valeur ajoutée au public par rapport à l’écoute, on va dire « normale », des morceaux. Aujourd’hui, ma formation se fait autour de trois personnes : mon frérot Ha$h24 qui va m’apporter de l’énergie et backer mes morceaux, Frixx et moi. On vit tous ces moments de concert ensemble et on en profite. Ma guitare est également de plus en plus présente sur la tournée.
Tu fais partie d’une nouvelle scène rap francophone qui permet un certain renouvellement du genre avec entre autres : Roméo Elvis, Lomepal, Di-Meh, Makala et bien d’autres… On assiste à une sorte de dé-complexion de la discipline comme si on s’éloignait de plus en plus du hip hop, tout en l’enrichissant d’autres influences. Qu’est-ce que tu en penses ?
Tu as bien choisi tes mots avec le terme « hip hop » car on peut s’éloigner du hip hop tout en faisant du rap, ce truc très établi qu’on a vécu avec le hip hop des années 90 et 2000. Je pense que beaucoup de personnes de notre génération l’ont intégré et écouté, puis ont envie aujourd’hui de faire leur musique de manière singulière. Peut-être que c’est ça qui participe au renouvellement du genre car on n’a pas écouté que du hip hop. Les gens qui sont nés dans les année 90 ont vu beaucoup de styles de musique passer devant leurs yeux et également de styles se croiser entre-eux. Quand on écoute Michael Jackson, on peut dire que c’est de la pop mais on entend certaines choses qui viennent de la funk et d’ailleurs. Cette espèce d’hybridation de la musique et de fusion des genres, on la transmet aussi car on a envie d’y participer.
Moi je sais que j’ai pas trop envie de rentrer dans des cases et des clivages liés directement au rap mais ai justement énormément de respect pour ce genre musical qui utilise les rythmes et les rimes. J’ai aussi envie de l’utiliser pour l’amener où j’ai envie avec ma personnalité, mes influences et en le mélangeant à des choses qui peuvent parfois plus se rapprocher de la chanson. D’ailleurs, le rap pour moi c’est de la chanson, et la chanson peut englober vingt styles musicaux différents. Dans tous les cas, il s’agit juste de transmettre, de mettre une singularité et j’espère que j’écrirais des chansons autant que des morceaux de rap dans ma vie.
On va maintenant se recentrer sur ton dernier projet Yë sorti le 26 janvier. Tu as donc composé tout seul de ton côté et Sheldon est arrivé ensuite pour la prod, a contrario de Mojo que vous aviez co-créé tout le long ?
Le plus important quand j’ai commencé ce projet était de réussir à m’enfermer et à me recentrer sur ce que je voulais vraiment faire de ma musique après Mojo qu’on avait fait à 50-50 avec Sheldon. Ce dernier m’avait apporté toute la densité au niveau de la prod et je devais venir apporter ma partie, comme un verre à moitié vide, et qu’on arrive sans déborder pile en haut du verre.
Sur ce deuxième projet, je me suis dit qu’il fallait que j’arrive à remplir un projet tout seul avec suffisamment de matière que ce soit du côté de la prod, des thèmes ou des morceaux. Je voulais que les gens ressentent le fait que je me suis investi entièrement donc mon processus de création a été de me retrouver seul face à moi-même, en m’enfermant en studio. Je n’ai pas regardé ma montre et ai réfléchi à tout ce que j’aimais dans la musique avant de tout restituer. Dès que mon sac a été vide, je suis arrivé vers Sheldon avec un projet qui avait déjà une forme et qu’on a terminé ensemble.
Ce qui m’a pris le plus de temps c’est la prod car c’était ma première vraie expérience sur cet aspect, j’ai du en faire une quarantaine pour en sélectionner 14 in fine. La prod de Spiral Vision par exemple, je l’ai commencé en mai dernier pour la finir en septembre. Je l’ai abandonné avant de la retrouver. J’avais besoin d’un peu de recul que pouvait d’ailleurs m’apporter Sheldon mais également les membres de l’équipe comme Has$h24, des gens qui travaillent dans le studio et des producteurs qui ont eu une oreille bienveillante sur ma musique.
Le Dojo a été déterminant pour ta carrière musicale. Tu peux nous en parler et, d’ailleurs, pourquoi ce nom ?
Le nom dojo existait déjà pour ma plus grande joie car, quand j’étais plus jeune, je faisais des arts martiaux (du judo à 5 ans et de la boxe à 15 ans) et j’ai retrouvé cette combativité à travers les membres de l’équipe ! On va aussi bien y retrouver des techniciens, des producteurs, des photographes que des musiciens. On s’entraîne et on s’entraide entre nous pour arriver à faire naître un projet. Le Dojo c’est un studio et une maison.
On a l’impression que tu es un peu sur tous les fronts au delà de la musique avec l’aspect visuel notamment, qui comprend la prod des clips et la sape, avec le projet Walk in Paris par exemple.
Pour Walk in Paris, c’est une marque qui part d’une démarche très indé, les fondateurs Léo et Gary sont des amis qui se sont lancés à peu près en même temps que moi. Il y a une espèce de flamme chez eux qui fait écho à ce que j’essaie d’impliquer dans ma vision de la musique. Cela ressemble à de la publicité mais en vrai c’est comme plus une combinaison créative de différents genre avec la sape, la vidéo et la musique.
Tu ne te dis pas justement que si tu n’avais pas fait carrière dans le rap, tu aurais pu finir dans un tout autre domaine du moment qu’il est créatif ?
Bien sûr et peut-être que le rap me donne la possibilité de faire beaucoup de choses que j’avais envie de faire et que j’ai laissé sur le côté au moment où j’ai décidé de me mettre à fond dans la musique. Cela me permet peut-être de voir dans quelle mesure je pourrais me lancer à 100% dans un projet qui n’est pas lié à la musique.
J’ai toujours été inspiré par les arts visuels, j’ai d’ailleurs une formation en audiovisuel donc c’est vrai que j’accorde beaucoup de valeur à l’image. J’ai eu la chance de travailler avec des réals, des photographes ou des graphistes ultra talentueux, que je respecte justement par leur travail. On partage nos visions le temps d’un clip ou d’une pochette et ça nous fait grandir artistiquement.
En parlant de clips, est-ce que tu peux nous parler de “Arbre de vie” ? Il est très réussi mais peut-être pas évident à décrypter.
Quand j’ai terminé le morceau, je voulais le mettre en image mais pas le faire de manière trop « terre à terre » et lui donner une touche fantastique. Le personnage angoissant aux lunettes rouges vient justement apporter cet aspect surnaturel, il représente le côté « voyeur » que peuvent avoir les gens. On retrouve dans ce clip des scènes de vies assez banales où les gens se disputent et au cours desquelles le voyeur va se nourrir de leur détresse. Je trouve que ça représente bien la chanson puisque, au final, c’est un morceau triste mais qui confronte aussi les gens à leur tristesse, cela me confronte moi aussi à ce rapport que je peux avoir à la tristesse et à la mélancolie.
Tu as également sorti le clip « J. Snow« , est-ce qu’il y a d’autres clips en préparation ?
J’ai actuellement trois clips qui sont terminés et qui ne sont pas encore sortis. « Paradis » ne devrait pas tarder à sortir (il est depuis disponible, NDLR) ainsi que deux autres clips. Je suis actuellement en train de bosser sur plusieurs autres vidéos pour réussir à montrer exactement ce que je voulais faire visuellement avec le projet YË, et commencer à parler de ce qui va se passer après…
Justement, quels sont tes prochains projets ?
Actuellement, je bosse sur plein de trucs en même temps ! La chose qui me prend le plus de temps en ce moment, c’est mon prochain projet musical, qui sera la suite d’Ëpisode 1. Je travaille aussi sur un projet plus long qui va dans la continuité de ce même projet, mais fera peut-être plus écho à un projet comme Mojo, et qui mettra peut-être la guitare sous une forme encore différente.
En parallèle, je travaille sur un projet de textile pour lequel j’ai envie de faire un truc très particulier. J’ai commencé à en parler discrètement mais le gros du projet n’est pas encore dévoilé. Pour finir, je travaille beaucoup la scène car j’aimerais aboutir dans l’idée à deux formes de live de façon à pouvoir montrer tous mes sons
Genre une version normale et une acoustique ?
Par exemple ! C’est carrément possible.
Pour terminer cette interview, on te propose de raconter une anecdote, un truc que tu fais ou que tu aimes dans la vie, qui constitue ta personnalité et que le public ne connaît pas…
Quand j’étais petit, j’étais grave fan de Jean-Paul Belmondo et de ses films ! L’anecdote c’est que j’ai eu la chance de le rencontrer par hasard deux fois dans ma vie. La première fois c’était à Deauville… Je l’ai reconnu sur la plage mais j’étais pas sûr et certain que ce soit lui donc je lui ai demandé si c’était un acteur. Il m’a répondu « Je suis Jean-Paul Belmondo » donc c’était archi drôle ! Quatre ou cinq ans après, je l’ai croisé un soir à Central Park également par hasard… Je l’ai regardé, il m’a regardé et sans doute qu’il m’a reconnu grâce à mes dents car il est venu me voir et m’a dit « on s’est déjà vu ? ». Je lui ai dit « on s’est déjà croisé à la plage de Deauville » et on a discuté du coup, mes parents étaient là… c’était un truc assez drôle.
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