Après sept longues années d’attente, Evidence a enfin présenté son nouvel album : Weather or Not. Un tiers des Dilated Peoples et véritable figure du hip-hop underground, le « Weatherman » était grandement attendu par ses fans. Il semble donc qu’aujourd’hui les nuages se soient dissipés, et nos prédictions annoncent un soleil radieux.
Evidence, c’est vingt ans de carrière en groupe comme en solo. Après deux précédents opus – The Weatherman LP et Cats & Dogs – ayant marqué bon nombre d’esprits, Evidence a choisi de placer son retour sous le thème du Noir et du Blanc. Dirigé en grande partie par son ami photographe Stephen Vanasco et appuyé par les premiers extraits « Throw it all Away » et « Jim Dean » on imaginait déjà un projet à la silhouette brumeuse et taciturne. Mais qu’en est-il vraiment ?
Prendre son temps. Voilà l’un des aspects les plus caractéristiques d’Evidence. Ainsi, comme il a su nous le confier il y a quelques mois, quatre années de travail ont été nécessaires pour donner vie à ce projet.
Son principal défi était d’enfin donner un sens à ce triptyque entamé il y a maintenant onze ans. Comme à son habitude, Ev prend donc son temps pour placer les coups derrière le BPM ; après tout, son surnom de « Mr Slow Flow » ne lui a pas été attribué pour rien. C’est notamment ce débit particulier qui rend son rap si incisif et qui lui permet de renforcer d’autant plus le poids des mots.
Bien qu’inscrit dans la continuité des deux premiers, cet album renferme pourtant des changements notables et particulièrement dans l’écriture. Les traces laissées par sa récente paternité, les divers événements survenus dans sa vie privée ainsi que l’expérience engrangée par une carrière aussi complète se ressentent fortement dans ses textes, que l’on sent plus matures et plus sages. Il ose l’annoncer lui-même en disant qu’aucun mot n’est « gâché » sur l’entièreté du projet.
Plus besoin donc d’orienter volontairement son rap sur des références prévisibles et apparentées à ce genre musical, ou même de partir à la conquête de la punchline parfaite : la mentalité n’est plus la même. Mention spéciale pour ses détracteurs dans « Weather or Not », dans lequel il pointe ceux qui critiquent ses nombreuse références météorologiques.
« Some think I’m clever, others think I’m the one
Who makes too many references to weather
Or not »
Michael parle de son vécu, de ses choix, de sa vie et plus généralement de ce qui le motive et l’anime au quotidien. C’est dans cet état d’esprit que la liste des beatmakers associés au projet ne viendra pas non plus nous faire froncer les sourcils. S’il veut faire de la bonne musique, il la fera avec les gens qui l’inspirent. C’est sans surprise que l’on retrouve un casting 5 étoiles avec notamment son ami de toujours, Alchemist (principal moteur créatif derrière Evidence), Nottz, DJ Babu, DJ Premier, Twiz da beat pro, mais aussi Evidence lui-même. En bref, que de la bonne came pour tout bon addict de samples finement découpés et de snares poussiéreuses qui cognent avec dynamisme.
Point intéressant tout de même – qui a d’ailleurs su en surprendre plus d’un au moment de la sortie de l’extrait « 10,000 Hours« – l’originalité de la collaboration avec DJ Premier. En contradiction totale avec le style de « You », on voit ici Preemo sortir de sa zone de confort avec une production échappant à sa recette initiale, dont nous sommes tous habitués désormais. Ce morceau est d’ailleurs une des clés permettant de comprendre la profondeur de ce projet. Il y explique notamment que dès le début de sa carrière, chaque chose était millimétré et rien n’a été laissé au hasard, de la façon dont ses punchlines étaient calées à la pose de son flow. Un parti pris perfectionniste d’autant plus visible à l’époque Dilated, où les morceaux devaient suivre une construction linéaire, marque de fabrique et label qualité du groupe.
« I was guarded as an artist from the first day I started
I lowered my voice deep and tried to rap hardest »
Depuis son départ en solo, Michael s’émancipe totalement de tous ses carcans, que ce soit au niveau du label et de la distribution (Rhymesayers lui faisant confiance et lui permettant de jouir d’une grande liberté) ou de sa musique, dans laquelle la créativité n’a pas de limite. Cultiver son propre style et ne pas être mis dans une case « générique » qui caractérise le rap actuel semble être le nouveau moteur de la musique d’Evidence. Comme il nous le confiait il y a quelques mois « ce n’est pas la radio qui me dit ce qui est du rap. Ça, je le définis tout seul. »
Puis vient le marquant « Rain Drops ». Placé stratégiquement au milieu du projet, ce morceau a la faculté de figer le temps durant quelques minutes. Ev reste au milieu de la pluie, zone de confort spirituelle dans laquelle il prend le temps de se réfugier et méditer sur ses choix, ses relations, sa vie. La voix pitchée agrémentée de drums semblables aux gouttes de la pluie sublime l’instrumentale et nous donne presque envie de rejoindre Michael sous la pluie pour méditer avec lui. Pour un artiste aussi complet, passionné de cultures urbaines (photos, graffiti, rap, beatmaking etc.), vingt ans passées dans l’industrie nécessitent forcément un coup d’œil dans le rétro pour contempler ses accomplissements comme ses derniers défis à relever.
La pluie se veut donc être le pilier de ce projet et ses références n’en sont que plus belles quand on les retrouve même dans les instrumentaux. Dans « Love is a Funny Thing », les notes de piano semblables à des gouttes qui tombent entraînent l’auditeur encore plus loin dans l’exercice atmosphérique leadé par Evidence.
Ce projet est aussi l’occasion pour le MC de retrouver ses fidèles compagnons derrière le micro. Catero, Defari ou même Alchemist viennent l’entourer comme ils ont déjà pu le faire par le passé, tandis que Rapsody, Styles P, Jonwayne ou encore Mach Hommy amènent un joli cachet plus contemporain à la belle liste d’invités déjà présents pour des featurings maîtrisés.
Comme il a pu le laisser entendre il y a quelques mois, Michael a ressenti le besoin de mettre ce projet de côté pendant un petit moment pour des raisons personnelles. Il nous invite donc sur le morceau « By My Side Too » à partager un épisode troublant de sa vie et à découvrir que, derrière le rappeur qui se fait attendre, il y a un homme, un père et un époux.
Ici, l’artiste nous raconte la naissance d’Enzo et la façon touchante dont ce petit héros a sauvé sa mère qui a pu être à même de détecter sa future maladie alors qu’elle voulait l’allaiter. Épreuve plus que marquante qui, non sans une certaine émotion, le fait conclure, larmes aux yeux. S’en suit alors une intervention naïve d’Enzo, permettant ainsi de refermer ce livre sur la plus belle éclaircie présente dans cette pluie torrentielle : son fils.
Loin d’assombrir le paysage du Rap US, Weather or Not est un projet dont l’actualité musicale avait besoin pour entamer 2018 du bon pied. Du hip-hop aux contours mélancoliques, certes, mais pourtant plein de chaleur.
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