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Willie The Kid, l’enfant prodige du Michigan

En matière de hip-hop, le Michigan est souvent associé à la ville de Detroit et aux grandes figures que sont Eminem ou J Dilla. Toutefois, cet état renferme de nombreux autres talents, enfouis un peu plus profondément à l’image de Willie The Kid.

Comme de nombreux rappeurs, Willie The Kid est un passionné de hip-hop avant d’en être acteur. Originaire de la ville de Grand Rapids (tout comme un certain Floyd Mayweather), William Jackson est baigné dans cette culture dès son plus jeune âge grâce à son père, amateur de musiques en tout genre et grand collectionneur de disques. Il fait des allers-retour à New York où vit le reste de sa famille, ainsi que son grand frère.

Très vite, il devient un fan inconditionnel de A Tribe Called Quest et du Wu-Tang Clan, au point d’acheter les albums du groupe de Staten Island sous tous les formats possibles et de recouvrir les murs de sa chambre de photos du Wu. Quelle surprise lorsqu’un jour son grand frère, LA The Darkman l’appelle pour lui dire qu’il est en studio avec Raekwon ! En effet LA devient dans les années 90 un des nombreux affiliés du Wu-Tang. C’est à ce moment que Willie The Kid comprend que le rap peut vraiment devenir quelque chose de sérieux.

Très ambitieux, le jeune William est impatient de suivre les traces de son frère aîné. Mais ce dernier, qui aura toujours joué un rôle de mentor dans la carrière de Willie, lui conseille plutôt de poursuivre une jeunesse normale et d’obtenir des diplômes, en laissant le rap au second plan. Willie The Kid s’exécute, mais il ne cesse pas pour autant de croire en son rêve de rappeur et prends son mal en patience, remplissant les pages de ses cahiers de rimes, inspiré par Nas ou Jay-Z.

Afin de poursuivre ses études, Willie part pour Atlanta. C’est là-bas, en Géorgie, que s’ouvriront à lui les portes de l’industrie musicale. Il y rencontre Don Cannon puis DJ Drama avec qui il se lie d’amitié et commence à collaborer. Ensemble, ils créent le groupe The Aphilliates composé de DJ Drama, DJ Sense, Don Cannon, LA The Darkman et Willie The Kid.

À force de nombreuses mixtapes, dont les fameux opus Gangsta Grillz, ils parviennent à signer chez Asylum Records. Willie The Kid connaît alors un certain succès. Il sort plusieurs tapes en solo mais aussi avec son frère. Il se fait connaître petit à petit et partage même le micro aux côtés de quelques figures de proue du rap sudiste tels que T.I., Gucci Mane, ou même Lil Wayne.

L’enfant de Grand Rapids a réussi, il est à présent un rappeur qui collabore avec les plus grands noms de l’industrie. Si cette expérience s’avère être positive sur le plan financier, Willie The Kid reste perplexe quant à sa position d’artiste. Il décide alors de prendre ses distances vis-à-vis de The Aphilliates et Asylum Records. Il veut revenir à une musique qui lui correspond plus. Ce n’est pas une réinvention, lui parle plutôt de retour aux sources.

S’en suit alors une période de grande productivité. Il enchaîne EP et mixtapes, et se fait un nom en tant qu’artiste solo, se construit une fanbase en développant son propre univers, ne regrettant pas ses années à Atlanta.

Ce qui a permis à Willie The Kid de collaborer avec les plus grands du milieu hip-hop, ce sont avant tout ses grands talents en terme d’écriture. Il parvient à développer un rap technique en jouant sur les homonymes et les sonorités, en exécutant des rimes peaufinées qui semblent pourtant d’une grande simplicité. Très adepte des assonances, il déverse ses lyrics sur les instrumentaux avec une véritable aisance, de façon soyeuse, très « smooth ». Sa voix aigüe et sa plume si particulière lui permettent de se démarquer des autres rappeurs, au même titre que son vocabulaire riche et élaboré.

« I’m homicidal with the homophones, homonyms »

Le style de Willie The Kid s’apparente à celui de Roc Marciano, bien qu’il soit moins sombre et moins axé sur la criminalité. Les textes du rappeur de Grand Rapids sont imagés et colorés tels des fresques sur lesquelles sont peints des décors luxuriants. Dépassant son goût pour les femmes raffinées, il nous emmène aux quatre coins du monde grâce à ses références en terme de mode, de produits de luxe, de gastronomie ou d’architecture. L’album Aquamarine en est le parfait exemple. Construit autour du thème de la navigation, de l’océan, de l’évasion, cet album appel l’auditeur à voyager, à visiter le monde, à rêver tout en se maintenant à flot.

Rappeur versatile, Willie The Kid peut s’illustrer sur différent types de productions, qu’il s’agisse de beats aux connotations boom bap mais également d’instrumentaux sans drums. Ces boucles épurées lui laissent une plus grande liberté dans la façon de tisser ses textes, d’assembler les mots entre eux. Il fait d’ailleurs parti de ceux qui ont aidé à populariser ce genre de rap depuis quelques années

Pour donner plus de cohérences à ses projets, il s’associe généralement à un seul et unique producteur. Lee Bannon, Alchemist, Bronze Nazareth et dernièrement V-Don, Willie The Kid sait vers qui se tourner pour construire des projets qui correspondent à sa direction artistique.

Au-delà de son écriture complexe sur des beats sans fioritures, Willie The Kid laisse aussi transparaître son attrait pour l’esthétique et le minimalisme dans ses clips et jusque dans ses covers d’albums. Il les voit comme une façon d’illustrer ses textes. Elles plongent l’auditeur un peu plus profondément dans la musique très visuelle du rappeur du Michigan.

Willie The Kid c’est tout de même plus de 20 projets au compteur, des collaborations avec des rappeurs renommés mais aussi des pointures du rap underground. Il vient de sortir en 2017 l’album Deutsche Marks, qui trouve parfaitement sa place au sein d’une discographie déjà solide. Si Mayweather a permis de mettre la lumière sur la ville de Grand Rapids sur le plan sportif, Willie The Kid, qui représente fièrement son fief, est celui qui la fait vivre à travers son rap.

Playlist : Willie The Kid en 10 morceaux

Sébastien Laurent

Voue un culte à MF DOOM. S'intéresse au rap des bas-fonds, celui dont on ne parle pas assez. Un soupçon de technique dans l'écriture et un beat sombre font son bonheur.

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