Ni rappeurs ni producteurs, ils influencent pourtant le Rap US
Croire que le succès d’un rappeur est uniquement dû à son talent ou à celui de ses producteurs serait naïf. En particulier aux États-Unis, il existe une multitude de parties prenantes qui « décident » des grandes tendances de l’industrie du hip-hop. Ainsi, qu’ils soient animateurs de radio ou télé, rédacteurs en chef de magazines, PDG de plateformes de streaming ou même ex-Président des États-Unis, ils sont aujourd’hui devenus d’incontournables influenceurs, capables de propulser la carrière d’un artiste en un clin d’œil, le tout sans être artistes eux-même. Tour d’horizon.
Zane Lowe
Profession : Animateur sur Beats 1 Radio
Même s’il est aussi DJ et producteur (il est par exemple crédité sur le titre « Baby Blue » d’Action Bronson), le Néo-Zélandais d’origine Zane Lowe s’est surtout fait connaitre grâce à son émission en access prime time sur BBC Radio 1, qu’il a développé avec brio de 2003 à 2015. Débauché par Apple, il exporte depuis deux ans ses concepts sur Beats 1 Radio, dont ses interviews long format avec les plus grandes stars du hip-hop, d’Eminem à Chance The Rapper en passant par Kanye West et Drake. Son studio est ainsi devenu une sorte de passage obligé pour les artistes en promo, avec l’assurance d’énormes retombées médiatiques.
Ilan Zechory & Tom Lehman
Profession : Co-fondateurs de Genius
Avec leur idée « simple » mais incroyablement ambitieuse, Ilan Zechory et Tom Lehman ont fait de Genius un élément presque à part entière du hip-hop. En voulant annoter toute la musique et plus particulièrement le rap, ils ont grandement participé à la vulgarisation et à la popularisation du genre. En effet, avec d’incessantes améliorations au fil des années, Genius est devenu à la fois une véritable mine d’or pour les heads (en plus des explications de textes, on trouve notamment tous les crédits des chansons) et un traducteur pour les plus novices et les curieux, forcément moins à l’aise avec tous les jargons et argots utilisés par nos facétieux rappeurs. Ainsi, les plus grands représentants du hip-hop (comme Eminem par exemple) n’hésitent plus aujourd’hui à annoter eux-mêmes leurs lyrics, mettant parfois en lumière de succulentes anecdotes. De son côté, Genius n’a cessé de se développer avec l’ajout assez récent d’une puissante partie média (news, contenu, vidéos…), devenue en quelques mois une référence en la matière, et un aspirateur d’audience.
Anthony « Top Dawg » Tiffith
Profession : PDG de Top Dawg Entertainment
Anthony Tiffith fonde en 2004 TDE, qui deviendra 10 ans plus tard le label hip-hop le plus puissant du monde. Grâce à son flair et ses talents de manager, « Top » a transformé ScHoolboy Q, Ab-Soul et bien sûr Kendrick Lamar en superstars du rap. Au-delà de cela, les directions musicales choisies par ses artistes et développées par des producteurs maison (Tae Beast, Sounwave…) influencent massivement les tendances de l’industrie, que ce soit aux Etats-Unis ou à l’étranger. De ce fait, Tiffith est devenu le directeur de label le plus influent et le plus cité (« Get Top on the phone ! ») du game. Très actif sur les réseaux sociaux, chaque tweet ou post Instagram du boss de TDE est désormais systématiquement scruté, décrypté par les média spécialisés dans le but de deviner les prochaines sorties d’albums du label ou encore les nouvelles signatures.
Jon Cohen & Rob Stone
Profession : Co-fondateurs de The Fader
Parmi les influenceurs des tendances hip-hop, il y a aussi bien sûr les médias, au sens large du terme, et notamment les magazines. On aurait pu en mentionner plusieurs comme Pitchfork, Vibe, The Source, Complex, etc… mais on a finalement choisi de mettre en avant The Fader. Fondé en 1999 par Jon Cohen et Rob Stone, le magazine est aujourd’hui considéré comme l’une des références absolues de la presse hip-hop. À tel point que le fait d’apparaître sur la couverture de The Fader est devenu un vrai privilège et donc un formidable propulseur de carrière. C’est notamment pour cela que la cover du groupe français PNL en 2016 avait tant fait parler d’elle. Outre le magazine, Jon Cohen et Rob Stone possède également la société Cornerstone, une sorte d’agence de contenu pour les marques (Converse, Budweiser, Coca-Cola…). L’ensemble Cornerstone/The Fader réalise plus de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires par an et emploie 105 personnes.
Jimmy Fallon
Profession : Animateur de The Tonight Show sur NBC
Quel meilleur crédit pour un rappeur que de se produire sur la scène d’un late show dont le band n’est autre que The Roots, l’un des groupes hip-hop les plus respectés de l’industrie ? En vrai passionné de hip-hop qu’il est, l’animateur Jimmy Fallon ne rate jamais une occasion de mettre cette culture en avant, que ce soit par exemple à travers sa célèbre série History of Rap en compagnie de son BFF Justin Timberlake, ou lorsqu’il retrace l’évolution de la danse hip-hop avec Will Smith. Et puis bien sûr, il y a les lives : la petite scène de The Tonight Show est devenu un passage obligé pour tous les rappeurs en promo (ou non), et avec les chiffres d’audience de Fallon (plus de 3 millions de téléspectateurs en moyenne), nul doute qu’une performance remarqué peut avoir un sérieux impact sur les ventes ou les streams d’un artiste. Pour couronner le tout, les arrangements et l’accompagnement de The Roots amènent toujours une grosse valeur ajoutée à la prestation.
Michael Rapino
Profession : PDG de Live Nation
Le discret Canadien avait déjà senti il y a 30 ans que ce qu’il préférait dans la musique, ce n’était pas les enregistrements sur CD, mais ces « deux heures magiques », les concerts live. Et à une époque où les ventes de disques ne rapportent plus, les tournées sont devenues une des principales sources de revenus des musiciens, et les rappeurs ne font pas exception. Il y a dix ans, Michael Rapino est ainsi devenu le président du plus gros promoteur du monde, Live Nation, qui gère notamment les dates des plus grandes stars hip-hop, de Jay-Z à J. Cole en passant par Drake ou Nas. Un mastodonte qui assure de solides rentrées d’argent à tous ses artistes grâce à des tournées gigantesques et ultra-rentables. Pour info, Live Nation en 2016 c’est 70 millions de billets vendus, 15 des 25 plus grosses tournées en Amérique du Nord, et 70 concerts par jours à travers 41 pays. Fort.
Barack Obama
Profession : Ex-Président des États-Unis
Le seul chômeur de notre classement. Même s’il n’est plus au pouvoir, Barack Obama jouit encore d’une énorme cote de popularité aux Etats-Unis, surtout vu le bordel qu’est en train de foutre Donald Trump. Fan de hip-hop réputé, Obama a régulièrement reçu les plus grands rappeurs à la Maison Blanche durant ses deux mandats, et n’a jamais hésité à donner son avis sur l’actu double H. Toujours à la pointe de la coolitude, l’ex-POTUS lâchait également ses meilleures playlists Spotify, pour l’été ou pour faire du sport, entre autres. On y trouvait ainsi Jay-Z, Common ou encore Chance The Rapper. Sans surprise, les morceaux choisis voyaient leurs compteurs de streams exploser dans les jours qui suivaient. Une influence qui serait toujours aussi forte aujourd’hui, sans nul doute.
Sway Calloway
Profession : Animateur de Sway in the Morning sur la radio Shade 45
Cela pourrait en surprendre nombreux d’entre nous, mais il se trouve qu’aux États-Unis, la radio est encore très puissante, et notamment pour le hip-hop, où le nombre de spins et la présence dans les playlists d’heures de pointe sont scrutés quotidiennement. Mais la radio, c’est aussi des interviews et des freestyles, dont les plus mémorables se déroulent souvent chez Sway Calloway. Ancien rappeur, Sway s’est surtout fait connaitre en tant que reporter/journaliste, notamment pour MTV. Considéré comme un vrai gardien de la culture hip-hop, il anime également la matinale de la radio Shade 45, dans laquelle il a reçu tous les plus grands rappeurs. Dans un style plus décontracté et chaleureux que Zane Lowe (voir plus haut), Sway sait mettre à l’aise ses hôtes et profite de l’énorme respect dont il dispose auprès de la communauté hip-hop. En résulte des moments qui font le tour du monde des Internets, comme par exemple le pétage de câble en direct de Kanye West. You ain’t got the answers !!
Daniel Ek
Profession : PDG de Spotify
En parallèle de l’essor du live (voir plus haut), le hip-hop a été touché comme toute l’industrie musicale par la chute vertigineuses des ventes de disques, au profit des plateformes de streaming. Et quel est le représentant le plus puissant de cette révolution ? Spotify bien sûr. Ne pas être présent sur la plateforme lancée par le Suédois est de fait devenu un luxe que seules quelques superstars telles que Taylor Swift peuvent se payer. A l’instar du sous-titre du dernier projet de Drake, More Life, la musique se consomme aujourd’hui par playlist, un modèle que Spotify maîtrise mieux que quiconque. Ainsi, il est aujourd’hui prouvé qu’apparaître sur l’une des playlists phares de l’appli comme Rap Caviar ou Discover Weekly peut être un incroyable accélérateur de carrière, comme le confirme Julie Greenwald, CEO du label Atlantic Records : « Spotify parie sur de nouveaux artistes et promeut aussi les plus établis, et cela a été incroyablement efficace ».
Mike Bruno
Profession : Directeur éditorial chez Billboard
Si vous suivez d’assez près l’actualité Rap US, Billboard est un nom que vous devez lire/entendre régulièrement. Et pour cause, son fameux classement Hot 100 est the indicateur surveillé par tous les rappeurs et labels de l’industrie, en particulier lors de la sortie d’un album ou d’un gros single. Arriver tout en haut du Billboard Hot 100 est ainsi devenu le Graal absolu, et la quasi assurance de voir les dollars tomber en masse. Au sein de cette institution, Mike Bruno (ex-Entertainment Weekly) a gravi tous les échelons jusqu’à sa toute récente promotion au poste de directeur éditorial. Un job stratégique car, que ce soit en magazine papier ou sur le web, Billboard publie constamment du contenu en relation avec leurs différents classements. Et avec 17 000 ventes de magazines et plus de 15 millions de visiteurs uniques par mois sur leur site, pas besoin de vous faire un dessin sur leur influence.
NB : Pour réaliser ce top, nous avons décidé de ne pas prendre en compte les cadres de majors (Universal, Sony, Warner…) sinon… ils l’auraient saturé.