Le vendredi 16 mars 2018 était une journée assez folle, si on parle sorties de qualité. Sango était parmi les plus attendus. Suite à son prometteur North (sorti en 2013), et à pléthore de petits projets et collaborations, voici In The Comfort Of, sa deuxième galette. On s’est posés, on a écouté, on l’a laissé macérer, et on a apprécié. Chronique.
North était un projet non abouti. Si on a pu y apercevoir le potentiel du natif de Bremerton (Washington), avec ce son caractéristique de la vague Future Beat qui envahit le monde entier depuis quelques années maintenant, il avait au final les défauts inhérents à un premier album. Qu’on ne se méprenne pas, ce projet recelait quelques pépites, comme le bouncy « Until Saturday » (avec Ta-Ku), ou encore « Here With Me« . L’essai se devait donc d’être transformé. Il fut donc annoncé par un mini film intitulé South End, sorti à la fin de l’année 2017 et passé relativement inaperçu.
« Ce court métrage parle de la jeunesse de South End, de Seattle et de la façon dont nous devons les protéger contre les dangers. Ils ont un avenir devant eux, et il est important de le souligner. Nous devons nous assurer que nous les élevons même quand ils ne veulent pas accepter la réalité de grandir. South End pour toujours. »
Dédié à la jeunesse de Seattle (ville dans laquelle il a fait ses armes), habillé par le morceau « One More Thing », on y suit le chemin d’un jeune homme dans l’impasse, ne sachant plus à quel saint se vouer, et rattrapé de justesse par ce qui semble être son ange gardien. Le parallèle entre le personnage principal du court métrage et Sango est saisissant, étant donné que la recherche de confort constitue le fil rouge de cet album.
Travailler dans l’incertitude semble avoir été le mot d’ordre de Sango sur ce projet. Aujourd’hui âgé de 26 ans, diplômé en design graphique, il est un des fers de lance de l’écurie Soulection. Marié, il est aussi l’heureux papa du petit Mateo. Ces expériences ont nourri le producteur. Elles l’ont aidé à répandre ses diverses influences à travers les 17 titres qui composent cet album.
L’intro, « His Name », est un témoignage de sa foi, renforcée par la nouvelle expérience divine à laquelle il prend part depuis bientôt deux ans : la paternité. Cette courte intro prend aussi la forme d’un hommage, à Darryl Coley. Chanteur de gospel apprécié par Sango, il a disparu il y a deux ans, suite à une insuffisance rénale consécutive à un diabète. Si « His Name » constitue le premier moment de grâce du disque, il n’est, heureusement pour nous, pas le seul. Loin de là.
« Dance For Blessings », morceau totalement instrumental, nous rappelle que Sango est bien le héraut du Baile Funk, statut renforcé par son projet De Mim, Pra Você, sorti en mars 2017. Album de producteur oblige, une myriade d’invités est au programme. Jesse Boykins lll livre une partition magistrale sur le langoureux « Twogether », ballade toute indiquée pour habiller un petit dîner à la maison, lors d’un second date avec votre future copine (ou copain). JMSN, habitué des collaborations avec Soulection, et présent sur North, apporte sa verve désenchantée sur la prod futuriste de « Chemistry ».
Les accointances avec Masego, l’inventeur de l’irrésistible TrapHouse Jazz, se font plus que jamais sentir sur l’impeccable « Implications ». La voix distordue de Ryan Ashley nous berce sur « Comfortable », ultime track de l’album jouissant d’une production lancinante, et de drums nous rappelant qu’en plus d’être un producteur aguerri, Sango joue de la batterie depuis sa plus tendre enfance.
Bien sûr, d’autres invités arrivent à tirer leur épingle du jeu. On pense en premier lieu à Xavier Omar (« Sweet Holy Honey ») et à Jean Deaux (« Rude »). Impossible d’oublier Smino (« Khlorine »), pour qui Sango avait lâché deux prods sur blkswn, petit bijou de R&B sorti il y a un an.
Que retenir de cet album ? En premier lieu, la production est aux petits oignons. Le mix, l’agencement des drums, les vocalises, le (discret) travail de sampling… Tout est tellement bien calibré qu’il est difficile de trouver un défaut à cette galette de ce côté là. On va une nouvelle fois le rappeler : les gars de Soulection sont des pointures dans leur domaine. Les invités, quant à eux, se fondent particulièrement bien au projet. De la fine fleur du R&B émergent (Xavier Omar, Jean Deaux, Naji), au flow laidback d’un Jon Bap inspiré (« On Me »), en passant par The Midnight (« Light-Skinned »), groupe New-Yorkais de musique electro. Ce joyeux bordel est méticuleusement bien organisé.
En définitive, on a donc eu droit à un album sans réel temps mort, ce qui est fort pour un projet de 17 titres. Néanmoins, aucun morceau ne se dégage vraiment du tout. Si les productions sont parfaitement dans l’ère de ce qui se fait actuellement, croisée des genres entre Hip-Hop, Soul, R&B, Electro, ou encore Trap, elles ne proposent finalement pas de grandes nouveautés. Le producteur a ses acquis et il semble s’y tenir un peu (trop) sagement ici. Autre bémol, son tropisme pour le son carioca est peu mis en avant ici. Peut-être n’était t-il pas en accord avec son désir de confort.
In the Comfort Of est un album sur lequel Sango bosse depuis plus de trois ans. Le processus a démarré alors qu’il étudiait encore à la Western Michigan University. On est sur un bon cru, complet, et dans les clous. Le projet le plus abouti de sa jeune carrière qui compte, en plus de North et In The Comfort Of, déjà une quinzaine d’EPs, quelques remixes, des collaborations à la pelle, ainsi qu’une mixtape. On a pas fini d’entendre parler de Sango ni de vous y inviter.
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