Loud, l’étoile montante du Québec

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Loud, l’étoile montante du Québec

« Est-ce que les backpackerz sont encore nostalgiques ? » Honnêtement ? Non. Puis-je te faire une confidence, mon cher Loud ? Il y a bien longtemps qu’on a troqué nos sacs à dos pour un iPhone et un abonnement à Spotify. Et il y a quelques temps déjà qu’on a tourné l’oreille vers le Québec.

C’est donc avec violence qu’on a reçu la claque Blue Volvo, l’album phare de ton ancien groupe Loud Lary Ajust. Avec zèle que l’on a découvert vos projets précédents. Avec un respect quasi religieux qu’on a écouté Une année record, ton premier solo. Avec foi que nous viendrons à ton concert parisien à La Boule Noire les 29 et 30 janvier. Vois-tu, c’est que notre histoire remonte à loin. Pour te présenter en bonne et due forme à nos lecteurs, nous avons tenu à dresser ton portrait en quelques mots.

Langue bien pendue

Simon Cliche Trudeau, dit Loud, rencontre Laurent Fortier-Brassard, dit Lary, à l’époque du collège. Les deux acolytes commencent le rap à l’âge de quatorze ans et sortent leurs deux premiers disques dès leurs dix-sept ans. Alors que Jo le Zef et FiligraNn lancent en 2009 les Word Up! Battles à Montréal, le jeune homme affute ses rimes et se lance dans l’aventure. Loudmouth, un pseudonyme qu’il ne trahira pas. Chaque passage du bien nommé est prétexte à un florilège de punchlines drôles et coupantes, qui laissent le public pantois.

Exemple : « Ta mère, c’est une groupie, la pire des pires. Y’a plus de rappeurs qui lui sont passés dessus qu’un beat de Premier. » Simple. Efficace. Tout ce qu’on demande lors d’une joute verbale a capella. L’artiste le dit lui-même, il est là pour la pub et réussit à booster sa crédibilité. Les vidéos, toujours en ligne, sont autant de preuves du talent brut et précoce du petit génie des blocs. Un talent qu’il va cultiver et polir au fil du temps, pour en extraire avec son groupe Loud Lary Ajust des chansons pleines d’éclat.

3 mousquetaires + 1

Un pour tous et tous pour un. Une devise qui résume bien la clique. En 2010, Loud et Lary rencontrent le producteur Alex Gway, mieux connu sous le nom d’Ajust. Quatrième roue du char et membre essentiel du groupe, le boy William Fradette réalise leur premier clip. Les compères ne se quitteront plus. Leur premier album Gullywood voit le jour en 2012. Entre « saleté et clinquant », ce disque à l’ambiance très rock décrit le quotidien d’une jeunesse montréalaise qui rêve de conquérir le monde, entre hédonisme, drogues dures et matérialisme.

Un premier opus salué par la critique, qui propulse le groupe sur la scène des plus gros festivals du Québec. Quelques mois plus tard, l’équipe réunit la crème du rap québécois sur l’album de remixs Gully Plus. Koriass, Maybe Watson et Ogden d’Alaclair Ensemble, Yes McCan de Dead Obies ou encore Loe Pesci y partagent l’affiche avec Kaytranada. Le constat est limpide. Tout comme l’histoire de L’Entourage avec les Rap Contenders, les rencontres Word Up! ont contribué à la naissance d’un nouvel écosystème rap dans la Belle Province.

Rap Queb. Le diminutif est lâché dans l’EP Ô mon dieu. Quand le groupe en parle, il voit déjà plus loin. La vie de rock star lui tend les bras. Quitte à mourir jeunes, ses membres accueillent le début de la notoriété à bras ouverts. Au fond, n’est-ce pas la vie dont ils ont toujours rêvé ? Les champions fraîchement sacrés songent à porter la flamme olympique par-delà les frontières canadiennes. Jusqu’à Paris, jusqu’aux États-Unis, là où leur musique prend sa source. L’objectif est fixé, reste à tenir le cap.

Rien ne va plus

An 2014. Loud Larry Ajust dévoile sa pièce maîtresse : Blue Volvo. Une voiture iconique dans la vie du groupe. Un pur concentré de LLA en dix pistes. Un album épique, porté par des mélodies grandiloquentes et des refrains explosifs. Ajust et Ruffsound sortent l’artillerie lourde et optent pour un son universel, qui pousse à monter le volume quitte à renverser son champagne sur sa chemise neuve. Les reliquats de rock et de disco —qui rappellent parfois l’éclectisme d’un Party Supplies— mettent parfaitement en valeur le lifestyle de Loud et Lary, entre chambres d’hôtels, shootings photos et tapis rouges.

Malgré les paillettes, les idoles déchantent. Le rêve est devenu réalité et les deux frères d’armes ont rejoint leur cousin Drake dans sa tour d’ivoire. Ennui, tristesse, paranoïa… Le succès a déjà un goût amer. Face au vide, guettés par l’overdose, leurs personnages inquiètent et fascinent. La Volvo bleue dérive et sombre dans un clip qui rappelle curieusement celui de « Here » avec Booba et Christine And The Queens —Arthur King s’est il inspiré d’LLA pour son clip livré un an après ? En tout cas, l’asphyxie est proche.

En 2016, le groupe se sépare après un dernier EP, l’honorable Ondulé. Chacun se consacre désormais à sa carrière solo. Une rupture de façade, qui permet néanmoins à notre protagoniste de prendre son envol. Car ne nous y trompons pas : jusqu’à ce jour, Loud pose encore sur les prods d’Ajust et Will réalise toujours ses clips. « Avertis tes chums. » Soutenu par le talent de ses amis et émancipé des compromis inhérents à la vie de groupe, Loud va maintenant devoir occuper l’espace à lui tout seul.

Nouvelle vie

2017. Nouvel iPhone pour une nouvelle vie. Depuis le départ, l’objectif de Loud est clair : faire du rap son métier. L’artiste fait le bilan, tombe les masques et annonce la couleur avec New Phone, un EP logiquement plus personnel. L’eau a coulé sous les ponts. Ses rêves d’adolescents commencent à faire pousser des billets verts. Conscient de ses faiblesses et en pleine maîtrise de ses forces, l’artiste est prêt à rouler sur le rap et à s’envoler pour Charles-de-Gaulle. Le clip de « 56K » récolte rapidement le million de vue —il en a bientôt deux au compteur. La machine est lancée.

Album de l’année ?

« L’album de l’année », voilà comment la critique qualifie avant même sa sortie Une année record, le premier album de Loud. Enfin, à ses dires… Qu’importe, pour l’intéressé, 2017 est « juste l’année de l’album ». « Marcher sur la lune » ? Pas fou. « Marcher sur le soleil » ? Un défi à sa taille ! Lorsqu’on l’écoute, on comprend vite pourquoi l’artiste n’a plus peur de se brûler les ailes. Loud s’est toujours inspiré de stars. Avec le temps, la poussière d’étoiles dont il est fait a quitté la rigole et s’est agrégée pour former une matière nouvelle : lui-même.

Non seulement Une année record renouvelle-t-il le miracle Blue Volvo ; il actualise en plus le propos de Loud. Les punchlines pleuvent, frappent fort et visent juste. Les thèmes varient entre accomplissement personnel—son plus grand leit motiv—, nouvelles ambitions, flirt, déceptions amoureuses et difficulté à garder pied. Des problèmes de riche, me direz-vous ? C’est bien ce dont il s’agit. Après tout, de Biggie à Rick Ross en passant par Jay-Z et Booba, les idoles de Loud sont tous devenus des nantis. Nullement un hasard de le voir suivre leurs traces.

Facile d’accès, cet album compile des productions on ne peut plus modernes. Ruffsound, Adjust et Realmind —producteur de musique électronique montréalais, déjà à l’oeuvre sur « 56K »—, font des merveilles à la prod. Les basses vrombissent, les drum kits caressent les oreilles et les mélodies envoutent. Tandis que Pierre-Luc Rioux donne une vibe afro-pop à « Toutes les femmes savent danser », NéoMaestro parachève le tout avec un titre éponyme très lumineux. Le mix est minutieusement réglé et chaque chanson est polie comme un diamant. Un numéro de charme rôdé que l’on écoute au risque d’y succomber.

Rendez-vous à la Boule Noir lundi 29 et mardi 30 janvier afin de découvrir l’album en live pour les plus chanceux, car les deux dates parisiennes de Loud affichent d’ores et déjà complet !

Écoutez Une année record de Loud

Photo : voir.ca