L’année 2015 est restée dans toutes les mémoires comme celle du renouveau avec des sorties majeures et des retours fracassants. La barre était donc placée très haut mais force est de constater que les albums rap français de 2016 ne nous ont pas déçu pour autant, loin de là. Alors que la version US de ce top album a été fortement marquée par les dizaines de sorties de cette fin d’année, l’essentiel des projets remarquables en rap français est à chercher en première partie d’année principalement. Retour en 10 albums sur ce qui restera une année majeure pour le rap français, et qui contribuera à faire taire les partisans du fameux adage « le rap c’était mieux avant ».
Label : Greenstone Records | Sortie : 5 février 2016
Plus de 20 ans de rap au compteur, un groupe devenu légende dans le paysage du rap français, une carrière solo riche d’albums de grande qualité, que reste-t-il à prouver à Kohndo ? Rien, et pourtant, l’ancien MC de La Cliqua nous a offert en début d’année un très bel album mêlant Jazz, Soul et Hip-Hop le tout dans une parfaite cohérence. En s’entourant de A2H, Oxmo Puccino et Nekfeu, Kohndo fait les bons choix en délivrant des duos efficaces et marquants avec « Le Facteur, Entre Les Lignes » mais surtout « Faut Qu’Je Tienne » en duo avec Le Fenek qui nous offre à la fois un titre ultra fort mais également un clip des plus originaux visuellement. Déjà classique.
Lire notre interview de Kohndo
Label : Palace Prod | Sortie : 15 avril 2016
Un premier (véritable) album acclamé par la critique malgré son succès une nouvelle fois confidentiel, une release party qui a enflammé la scène intimiste du Nouveau Casino, un documentaire en immersion totale dans son quotidien sorti alors que les beaux jours arrivaient promptement, puis, pour couronner le tout, il nous a régalé d’une Summer Stories Kush Tape, Vol. 2. Vous l’avez compris, il y aura un avant et après 2016 pour A2H. Désormais, il est une valeur sûre du rap jeu. On attend maintenant l’explosion totale de ce emcee à l’aise non seulement avec un micro, mais aussi derrière les platines, ou encore à la guitare, avec un zest de batterie. Un artiste complet, aussi directeur de son propre label, Palace Prod, dont on suit l’évolution avec grand intérêt. On ne manquera pas l’occasion de vous faire suivre son actualité en 2017.
Label : Don Dada Records | Sortie : 15 janvier 2016
C’est lui qui avait ouvert le bal des grosses sorties en 2016 avec le projet Alph Lauren 2, deux ans après le premier du nom. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Alpha Wann n’a pas pris son temps pour rien, tant cet EP se révèle cohérent, solide, maîtrisé. Sur des prods modernes et scintillantes de Hologram Lo, VM The Don, Richie Beats ou encore Shabz, le rappeur de Paris Sud prouve encore une fois qu’il est un technicien hors pair, à l’aise sur tous les terrains et qui se laisse même ici aller à quelques phases chantées. De « Protocole » à « Alph Lauren », il n’y a pas grand chose à jeter dans ces huit tracks, sur lesquels on retrouve aussi les invités S.Pri Noir et Nekfeu.
Label : Din Records l Sortie : 26 février 2016
Cet album n’avait pas raison d’exister. Et pourtant il est bien là. C’est durant sa tournée de concerts en appartements que Brav, l’autre moitié de Bouchées Doubles, trouva l’inspiration de cet album qui sorti donc très vite après le très remarqué Sous-France. Son album Error 404 fut donc une révélation pour beaucoup tant l’univers du MC est riche et se montre capable de toucher un public large, bien au-delà des strictes frontières du rap. Ses qualités d’interprète et de chanteur en font une figure à part dans paysage rap français. Des titres aussi bouleversants que « Post Scriptum » – qu’il faut absolument voir interprété en concert – ou « Revolving » confère à cet album une dimension et une force toute particulière. Le message est souvent sombre et pessimiste, à l’image de notre société comme dans le titre « Error 404 », mais la volonté d’aller de l’avant est toujours présente comme l’illustre le très efficace « Bagarrer » en duo avec son compère de toujours Tiers Monde. La claque est totale, tant le message est fort et universel. A mettre entre toutes les mains.
Label : Din Records | Sortie : 29 avril 2016
Din Records signe sans doute une de ses plus belles années en terme d’actualité. Omar a dévoilé le clip « Jour De Paix », la mixtape d’Alivor est dans les starting blocks, et l’album de Médine a été annoncé en grande pompe avec un premier clip « Global » riche en émotions. Mais avant tout cela, deux albums majeurs sont sortis du Havre pour notre plus grand plaisir. Et non des moindres. Après le très fort Toby Or Not Toby, Tiers Monde est revenu cette année avec l’album No Future, teinté à la fois d’humanisme, de dérision, et de lucidité quant à nos contradictions les plus profondes. La moitié du groupe Bouchées Doubles signe ici un opus riche et complet, où chaque titre a sa place dans cet ensemble. Comme souvent chez Din Records, les clips associés sont tout aussi marquants comme le très familial « Sans E » ou le très lourd de sens « Le Mal Par Le Mal« . Ajoutez à cela une cover splendide choisie par ses auditeurs, No Future est définitivement installé parmi les albums phares de cette année 2016.
Label : Suther Kane | Sortie : 30 septembre 2016
Ce septième album de Kery James révèle une nouvelle fois tout le talent du MC qui décide de repartir au combat face à l’ignorance, le racisme et la bêtise humaine. A la fois sur des beats lents pour mieux se dévoiler (« Pense à moi » ou encore « Des morceaux de nous ») ou à l’inverse sur des rythmes plus agressifs (« Rue de la peine »), Kery nous régale toujours de sa plume acérée en nous offrant un album d’une très grande qualité. Des titres phares comme « Musique nègre » en duo avec Youssoupha et Lino, « Racailles » ou le bouleversant et terriblement d’actualité « Vivre ou mourir ensemble » finissent de faire de cet album une pièce unique sur le paysage rap français de l’année. La consécration eut lieu le 30 novembre dernier dans un Zénith bondé avec plus de 2h30 d’un show exceptionnel où Kery James démontra une fois de plus tout l’étendue de son talent.
Label : Grande Ville Records | Sortie : 26 février 2016
Attendu par ses fans depuis plusieurs printemps, c’est en plein hiver que le premier album studio de Jazzy Bazz a débarqué dans nos oreilles impatientes. Annoncé par les singles « Fluctuat Nec Mergitur » et « Le Roseau » dès fin 2015, P-Town était assurément un des albums rap français les plus espérés de cette cuvée 2016. Avec une narration construite en fil rouge autour de la ville de Paris, le rappeur du XIXe a su construire un projet sérieux et éclectique qui lui permet de s’illustrer dans divers registres : du kickage de prods boom bap en bonne et due forme (« Joker ») au flow plus rapide de « Lay back » (en featuring avec Freddie Gibbs), en passant par des balades plus introspectives telles que le très réussi « Trompes de Fallopes ». En plus des qualités d’écriture qui ont toujours fait sa force, Jazzy Bazz a su piocher chez ses amis producteurs (Myth Syzer, Everydayz, Monomite, Azaia, entre autres) les bonnes instrus pour faire de ce premier album un vrai succès.
Label : Back in the Dayz | Sortie : 22 avril 2016
OK, ce n’est pas à proprement parler du rap français, mais impossible de faire cette sélection sans vous parler de cet album qui aura traumatisé une bonne partie de la rédaction. Comme nous l’expliquaient Caballero et Jean Jass dans une interview, tout est parti du morceau « Yessai » (à retrouver dans la playlist), qui devait initialement n’être qu’une collab’ afin de sceller une amitié naissante entre deux artistes. Et puis, de fil en aiguille, un second morceau a vu le jour puis un troisième, et ce jusqu’à aboutir à l’enregistrement d’un EP complet, Double Hélice. Sur des prods impeccables signées Jean Jass, les deux rappeurs belges déroulent un rap délirant et bourré d’humour qui est assurément ce qui s’est fait de plus frais cette année en matière de rap francophone. De passage à Paris pour un concert au Pan Piper il y a quelques semaines, Caba et JJ ont prouvé à tous ceux qui en doutaient encore qu’il ne fallait définitivement pas plaisanter avec le rap belge.
Lire la chronique de Double Hélice
Label : Panenka Music | Sortie : 4 novembre 2016
Avec son deuxième album, Georgio a fait très fort, une fois de plus. Alors qu’il n’aura que 24 ans en janvier, il démontre une fois de plus son extraordinaire lucidité et un véritable don pour l’écriture qui confine presque à la poésie. La marque d’un grand. Et puis, l’homme a changé. S’il était très noir sur son premier opus, il fait cette fois preuve d’espoir, une nouveauté qui lui permet d’ouvrir et d’aérer sa musique lui donnant ainsi encore plus de force. Si on n’efface pas aussi rapidement des années passées à broyer du noir, Georgio a tout de même évolué et dans le bon sens qui plus est. Il était déjà impressionnant, il en devient carrément injouable. Alors évidemment, on ne va pas brûler le dancefloor en écoutant Héra mais on va prendre plein les oreilles tant les lyrics, l’univers et les influences de Georgio forment un ensemble compact et cohérent. Largement en tout cas pour nous mettre une belle claque.
Label : Seine Zoo | Sortie : 9 décembre 2016
« Ce soir il y a un album qui est sorti Bercy, il s’appelle Cyborg, c’est mon nouvel album ! ». Il a suffit d’un concert à l’AccorHotels Arena archi blindé et de cette phrase lâchée entre deux morceaux pour déclencher l’événement rap français de cette fin d’année. Nekfeu venait de clôturer les sorties d’album 2016 de la meilleure des manières. Sans promotion aucune, sans single, juste un album lâché à son public tel quel. L’opération de communication sans communication propulsa immédiatement Cyborg comme l’album de rap français le plus vendu de l’année. Au-delà de l’effet médiatique, Nekfeu nous délivre ici une véritable œuvre musicale s’ouvrant sur le sublime et évolutif « Humanoïde » et se refermant sur le non moins marquant « Nekketsu ». Son flow toujours maîtrisé semble prendre de l’âge au sens noble du terme et le côté militant du MC tend à prendre dorénavant plus de place dans ses lyrics. De quoi ravir les nostalgiques d’un rap français revendicatif tout en satisfaisant les auditeurs amateurs d’un rap plus aérien. Un artiste pétri de talent qui semble étonnamment en garder sous le pied tant l’étendue de son art est grande. Une réussite totale.
Mentions honorables : Barlou de Seth Gueko, Masterpiece de Swift Guad et Mani Deiz, Babel de Hassan Monkey, Junior de Prince Waly, Chimiq de Pumpkin & Vin’S Da Cuero ou encore Edelweiss de Fixpen Sill.
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