Même posé devant le QG de son groupe d’acolytes, Exepoq, Prince Waly n’a pas l’air tranquille dans ses réponses : pas parce qu’il est inquiet des rivaux comme les gangsters qu’il décrit dans ses sons, mais parce qu’il n’a pas envie de l’être, tranquille. Quelques mois après L’heure des loups, le premier album de Big Budha Cheez, rencontre avec Prince Waly, au moment de la sortie de Junior, son premier projet solo.
« C’est vrai, on court après la mort » : dans les paroles d’un rappeur qui ne fait pas trop dans la punchline, la ligne attire l’attention. L’année 2016 nous aura donc offert deux projets signés par Big Budha Cheez, même si Waly fait ici une infidélité à Fiasko Proximo, producteur de l’intégralité de L’heure des loups, pour s’accorder avec Myth Syzer, le producteur de l’équipe Bon Gamin. Changement de producteur, changement de sonorités : quand L’heure des loups faisait dans les bandes magnétiques façon old school, Junior tape dans le numérique.
On serait tenté de rapporter cette méthode à la rapidité, ce serait aller un peu vite en besogne : « C’est un projet qui a deux ans aujourd’hui. Nous étions partis sur un 5 titres, mais nous avons ajouté des titres à chaque fois. Dès qu’il me faisait écouter une instru, j’avais l’inspiration. » Waly a trouvé la formule magique pour rendre Myth Syzer plus productif : il en a profité, et nous serons les suivants.
C’est à l’occasion d’un concert avec Bon Gamin à l’International que la première connexion avec Syzer se fait. « En plus, nous avions nos studios à L’Albatros, à Montreuil, et Syzer travaillait au studio Grande Ville : on s’est croisé, et il m’a fait écouter l’instru de “Clean Shoes”, j’ai pété un câble dessus… Nous avons enregistré dans la foulée, et l’ingé son Daniel ElSound m’a fait remarquer que la phase “Les baskets sont clean” avait quelque chose de spécial… Il me l’a fait répéter plusieurs fois et le refrain est né », se rappelle Waly.
De Fiasko Proximo et de l’ambiance sonore de Big Budha Cheez aux morceaux électroniques de Myth Syzer, il semble y avoir un fossé, infranchissable pour les puristes, mais Waly y a vu un défi intéressant. « Je n’avais pas l’habitude de rapper sur d’autres instrus que celles de Fiasko, j’avais même du mal. À ce titre, Junior est un peu un rappel de ce que je fais avec Big Budha Cheez, une sorte de transition entre BBC et Waly solo. Syzer sait tout faire, c’est un génie : il peut aussi bien faire des prods pour moi, pour Ichon ou pour Damso. Il est tout terrain et ne m’a jamais déçu. »
Et pour cause, Syzer se fait précéder par sa réputation de perfectionniste acharné : « La plupart des instrus, j’ai enregistré dessus, et il les a refaites derrière. Les voix restaient les mêmes, mais il a refait les instrus pour que ça s’adapte mieux à ce qu’on avait fait, mais surtout parce qu’il sentait qu’il pouvait faire mieux à chaque fois, et c’était le cas », témoigne un Waly encore abasourdi. « Vinewood », avec Loveni, « Rally » ou « Ginger », qui auront ainsi eu droit à plusieurs versions, totalement différentes, pour coller à la satisfaction de Myth Syzer.
Pour Junior, Waly déroule de nouveau la pellicule sonore sur laquelle défilent les exactions de gangsters aux cheveux gominés, mais se permet aussi quelques sorties de route : le titre « Junior » fait écho à son patronyme, choisi d’après celui de son royal paternel, à qui il succédera sur le trône. « Sur ce titre, je me confie sur ma famille, les galères qu’on a eues… Et c’est Syzer qui m’a poussé à en parler, ce que je ne fais jamais d’habitude. DJ Med Fleed a fait les petits scratchs à la fin et au début, et je voulais des phrases poignantes, qui m’ont marqué de ouf : Dany Dan, Jazzy Bazz, Alpha Wann, Booba, X-Men… »
Le reste de l’équipe Bon Gamin, Ichon et Loveni, se retrouve aussi sur Junior, quelques mois après un featuring tourné en 30 minutes sur un toit, qui devait annoncer un concert et prédira finalement d’autres collaborations. « Ce que j’aime avec Ichon, c’est qu’il est très fort, il s’en fout de casser les codes, il va où il veut aller, il se construit une image archi clean : quand il fait un son tu le reconnais, quand tu regardes un de ses clips, tu reconnais aussi. Il ose, comme avec “Si l’on ride”. »
Si l’on pouvait s’imaginer Prince Waly avec une cassette des émissions de Cut Killer en permanence dans un walkman Sony après les premiers sons de BBC, il n’en est rien : « Depuis environ un an, j’écoute beaucoup des mecs avec lesquels je veux travailler : Ichon, Loveni, TripleGo ou Issaba [aussi dans le crew Exepoq, NdR] parce qu’ils m’inspirent aussi. Avant, j’écoutais les références comme Ill et Booba, je les écoute toujours, mais plus seulement. »
Ichon est le voisin de Prince Waly, lui-même pas très loin de TripleGo — des représentants du fameux cloud rap — et Montreuil renferme aujourd’hui des dizaines de perles irrégulières prêtes à inscrire un peu plus la ville sur la carte du rap français. Comme pour beaucoup d’auditeurs et de pratiquants, la transmission du rap s’est faite par l’entremise des grands frères, ceux qui écoutaient Théorème, La Légion et d’autres artistes locaux.
« Ils avaient un style vraiment montreuillois quand ils rappaient, des génies, je les écoutais tout le temps. Le bémol, c’est que le rap montreuillois a été moins bien exporté que les raps d’autres départements d’Île-de-France », explique Prince Waly, une pointe de regret dans la voix, vite effacée par l’enthousiasme propre aux juniors : « Avec Swift Guad et la nouvelle génération, il y a de quoi faire maintenant. »
Entre les artistes vus au café La Pêche et les fêtes de quartier de la Boissière, dans le haut Montreuil, s’est créé le paysage imaginaire des Big Budha Cheez, M-City, une cité dépravée qui accueille en son sein les éléments les plus toxiques de la société, politiciens véreux, magouilleurs louches et négoces pas très nets. « Moi, je fais mon truc en soudoyant le maire, pour que je puisse faire mes affaires » s’amuse Waly en jetant un regard panoramique sur cette ville qu’il déforme dans ses lyrics. C’est la fiction qui fait avancer son imagination : « Là où j’écris mes meilleurs textes, c’est dans ma chambre. Je regarde par la fenêtre, en face de chez moi il y a une usine qui a été rachetée par des Chinois, la nuit, il y a souvent un 4×4 Mercedes qui débarque de nulle part pour récupérer des colis… » Fondu enchaîné, la caméra-stylo est au poing et les textes font le tracé d’un travelling sur la feuille blanche… « Je mets un film et ça m’inspire de ouf. Dans ma chambre, je balance l’instru, je la laisse tourner et je me créé une atmosphère. Je peux écrire n’importe où, mais ce ne sera jamais aussi précis : dans ma chambre, je peux passer une heure sur deux mesures. » Waly n’écrit pas en permanence, plutôt par périodes : son écriture, il l’a travaillé avec Fiasko, avec lequel l’amitié ne compte plus les années.
Les Affranchis
« Le meilleur film de gangsters blancs. »
Paid In Full
« Le meilleur film de gangsters blacks, le côté ghetto chic, des gars qui ont quedalle et qui sont obligés — en réalité non, parce que tu n’es jamais obligé de faire quelque chose —, mais ils se mettent à vendre de la dope, ils le font intelligemment et ils finissent au sommet. La suite est beaucoup moins joyeuse… »
Young Yakuza
« C’est un documentaire : l’histoire d’un gosse qui n’est pas bon à l’école, pas très motivé, et sa mère décide de l’envoyer chez les yakuza : au début, c’est un larbin, il fait le thé, les courses, la vaisselle, puis il apprend le respect, la vie. »
GTA V
« La combinaison Franklin-Michael me parle vraiment dans GTA, avec Franklin comme figure typique du mec qui part de rien et se débrouille pour tracer son parcours. »
Comme l’exprime le morceau « Zéro », titre en commun avec l’EP de Myth Syzer sorti en 2013, Waly est suffisamment junior pour tout se permettre. Il est de cette génération d’artistes des années 90 qui n’hésitent pas à disparaître pour mieux briller, à se faire oublier pour mieux se rappeler à la mémoire du monde.
Les Big Budha Cheez, sur le label La Boucle, publieront bientôt un nouvel album entièrement réalisé avec des instruments live, dirigé par Fiasko Proximo. Waly a encore des choses à dire, qui trouveront leur place sur un 10 titres en préparation. « Avec Big Budha Cheez, on va proposer des concerts beaucoup plus live au niveau instruments, mais moi je resterai rap, un truc à la Mobb Deep. Rap pur, écriture pure. » Ainsi va Waly.
Prince Waly fêtera la sortie de Junior le 17 décembre prochain au Petit Bain.
Crédit photo : lecerclevertueux.files.wordpress.com
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