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DJ DUKE (Assassin) : « Le rap français, c’est une histoire d’amis »

Lorsque l’on parle de Hip-Hop en France et de ses nombreux architectes au rang duquel nous retrouvons des cadres de la première heure comme DJ Dee Nasty, Solo, DJ Cut Killer, nombreux sont ceux qui négligent le rôle pourtant prépondérant qu’occupe DJ Duke. Cet artiste aux multiples casquettes a pourtant marqué au fer rouge le mouvement à la fois en tant que DJ, producteur et réalisateur. 

Pour vous donner une idée du calibre de DJ Duke, il suffit d’assister au concert des 2Bal 2Neg à la Bellevilloise pour les 20 ans de leur album 3X Plus Efficace et d’entendre Eben évoquer l’époque mythique des mixtapes de rap français en citant comme référence dans la même phrase Cut Killer et DJ Duke pour comprendre à quel point ce dernier est un acteur majeur du mouvement.

Dans le cadre du concert donné le 31 mai dernier au Casino de Paris intitulé L’Âge D’Or Du Rap Français, nous avons eu la chance de pouvoir interviewer DJ Duke pour évoquer sa carrière ainsi que ses projets actuels. Le rendez-vous est donné dans le bar faisant face à la salle de concert, à moins de deux heures de son entrée sur scène. DJ Duke, en professionnel, est en avance au rendez-vous. Il nous accueille à la fois décontracté mais déjà plongé dans sa prestation du soir, nous indiquant qu’il nous consacrera une demi-heure grand max. Pas de chance nous avons plus d’une heure de questions à lui poser. Il se consacrera pour autant entièrement au jeu des questions-réponses avec beaucoup d’application.

Echange avec un grand monsieur du Hip-Hop.

Raconte-nous ton premier contact avec le Hip-Hop ? C’était en quelle année ?

J’avais déjà écouté du Hip-Hop sans le savoir mais mon vrai déclic Hip-Hop c’est Dee Nasty. Je l’ai vu en live en 1987, ça m’a donné envie d’être DJ et d’être dans le Hip-Hop.

Comment es-tu arrivé dans le milieu de la musique ?

J’étais déjà DJ mais plus funk à l’époque. Quand j’ai vu Dee Nasty, c’est là que j’ai vraiment commencé à travailler ce qu’on peut qualifier aujourd’hui de turntablism. Mon oncle était lui-même DJ donc j’ai toujours évolué autour des vinyles et c’est avec lui que je me suis plus ou moins formé.

Tu as été plusieurs fois en finale des DMC CHAMPIONSHIPS, tu peux nous en dire un mot ? Quel est ton meilleur souvenir ?

J’ai participé à deux finales : française une fois et canadienne l’autre fois. Je n’en ai pas un bon souvenir, l’organisation n’est pas terrible et pour moi, faire des concours aujourd’hui n’a plus trop de sens même si pour la performance c’est bien mais honnêtement je l’ai fait pour le faire, j’ai regardé beaucoup de vidéos sur le sujet donc je voulais y participer, j’ai fait les deux, j’ai terminé dans les quatre premiers. C’était vraiment pour le faire.

Aujourd’hui tu continues à animer des soirées, combien cela représente de ton temps ? Tu continues à kiffer ça ?

Carrément. Ça prend entre 30 et 40 % de mon temps vraiment. C’est une grosse activité !

La production est arrivée à quel moment ? Pour quelles raisons ?

C’est arrivé assez vite, le temps d’avoir du matos, on va dire en 1996. A l’époque je jouais des disques et je me suis dis un jour que je devais jouer mes propres musiques. Je voulais faire des vinyles, des disques pour qu’ils existent et non pas forcément pour que ça marche.

Quel a été ton premier morceau produit ? Et pour qui ?

Le premier morceau est sorti en 1997, sur une mixtape Duke Flava, une mixtape basée sur des freestyles français avec 2Bal 2Neg, Assassin, Stomy Bugsy, Passi ou d’autres. C’est sans doute la meilleure mixtape sortie cette année-là. Après il y a eu le morceau de Al « Les Lions Vivent Dans La Brousse » que Cut Killer a kiffé et intégré à « Opération Freestyle » en 1998, qui a donné lieu à une tournée par la suite où on a tourné avec 113, Oxmo, Cut, DJ Pone etc.

Ta méthode de production est très basée sur le sample. Tu as déjà fait des pures compos ?

Oui bien sûr que je fais des compos, par exemple « lluminazi 666″ produit pour Squat est une composition. Mais c’est vrai que j’aime vraiment le sample.

Quel est ton processus de production ? Avec quel matos ?

Ça dépend du son que je veux avoir à un moment donné. J’ai toujours mes AKAI S1000 et S950 qui sont toujours là juste pour filtrer les samples même si ce sont à la base des samples qui viennent d’ordinateurs ou autres peu importe, le tout est de donner un grain analogique. Et puis après je produis avec tout, parce que produire aujourd’hui tu peux le faire avec tout, l’important est comment tu traites tes sons à la base, ce qui donne une couleur à ta musique. Moi je suis adepte des trucs très sombres mais aussi très mélancoliques. J’aime découper des samples, je trouve ça assez marrant. Je pars toujours du sample dans le processus créatif, je fais mes boucles, environ 8 différentes par morceau, soit une boucle complète soit une saccadée avec des morceaux de samples découpés à droite à gauche. Je fais la synthèse du tout, je tape deux beats différents en général puis je choisis celui qui me parle le plus. Avec celui que je ne garde pas, je le retravaille généralement et je finis par m’en resservir après. J’aime bien prendre plusieurs parties dans un son. Et je rajoute souvent des claviers à vrai dire, en VST ou autre mais ça ne s’entend pas, ça s’intègre dans le sample et c’est mixé pour sembler être un sample à part entière.

Quel regard portes-tu sur les productions d’aujourd’hui à la PNL ou même sur le dernier album de Booba avec des basses très fortes ?

Moi j’aime bien tu sais j’écoute de tout. Je produis mon style en particulier mais j’écoute tous les genres. Je n’ai jamais eu envie de produire de la trap mais j’en écoute, il y a des trucs très bons. J’aime bien le cloud mais j’en écoute depuis 4 ans, des trucs cainris bien avant qu’on en écoute en France, j’aime bien des trucs comme SCH que pas mal de monde dénigre en ce moment, mais il y a vraiment un travail d’écriture bien plus important que PNL. J’aime bien l’écriture aussi dans le rap français car c’est ma langue.

Plus généralement quel regard portes-tu sur le rap français d’aujourd’hui ?

Mortel ! En tout cas ils en vivent. Ils ont compris une chose de l’ancienne école, nous on a pas fait beaucoup de sous pour de vrai, on a posé les bases et on s’est fait bananer, la tune n’était pas là. Aujourd’hui elle est là et ils la prennent. Je n’ai jamais aimé donner des leçons ou dire ce qui est bien ou pas bien dans la musique, chaque décennie peut faire naître un son nouveau, qui plaira aux anciens ou pas mais je ne cracherai jamais sur les mecs qui font des hits en France, Si Maitre Gims ne prend pas l’oseille c’est Florent Pagny qui la prendra, donc autant la prendre. Je sens une tendance au retour au sample dans le rap francais, moi qui écoute beaucoup de sons américains, beaucoup de sons « à l’ancienne » reviennent avec Joey Badass, Conway ou d’autres…Les français commencent a s’en inspirer, en bref toute une nouvelle génération intéressante sur plein de points, ils font des trucs mortels, ils ont leur musique et ils ont vingt piges!

Tu participes aujourd’hui avec Assassin à l’âge d’or du rap français à coté d’Arsenik, IAM, La Cliqua, X-Men..

Il n’y a pas d’âge d’or du rap français. J’ai écouté du rap français entre 88 et 97, alors que j’étais dans le rap cainri depuis longtemps, je te parle de cette période parce jusque là il y avait des choses qui me parlaient, après j’ai délaissé le truc en écoutant encore plus de rap US. Je ne retrouvais plus à ce moment là ce que je recherchais. j’en réécoute depuis quelques années car il y a des mecs qui reviennent avec des trucs intéressants. Tu vois par exemple Caballero et JeanJass, c’est du rap belge de très bonne qualité. Le rap belge j’y ai toujours cru déjà avec Starflam à l’époque déchiraient même s’ils n’ont pas été reconnus à leur juste valeur par le public français. Là aujourd’hui je pense que ça va marcher, suffit juste de regarder d’ou viennent les différents mecs qui fonctionnent bien, y’a plus de frontières.

Personnellement ça me fait penser aux tournées d’été génération 80 avec Jean-Luc Lahaye, Émile et Image And Co. Tu n’y a pas pensé ? Le rap français ne se « variétise » pas selon toi ?

Oui j’y ai pensé aussi mais je vais te dire pourquoi tout le monde a dit oui. La personne qui a organisé cet événement est une amie commune à tout le monde. Pas mal de monde ne serait pas venue si ce n’était pas elle. Nous on l’assume totalement, on va faire trois beaux morceaux et c’est une période qui nous a fait kiffer donc aucun problème. Et bien sûr que le rap français, c’est la variété française de maintenant. Maitre Gims il rappe, il rappe bien même, mais c’est de la variété. Aujourd’hui le rap n’appartient à personne. Les américains l’ont inventé, après chacun a fait ce qu’il voulait avec. Le problème avec la génération actuelle, c’est qu’ils n’ont pas envie d’entendre des choses sérieuses dans le rap. Ils ne veulent que s’amuser, faire la fête et lever des meufs. La vérité elle est là. Les textes d’Assassin c’est compliqué pour eux, c’est loin, très loin. Aucun problème, y a quand même des jeunes qui nous écoutent, pas la majorité mais quand même. On a essayé de laisser un message intemporel. Il y a des gens qui viennent à nos concerts, c’est leur concert de l’année, le seul. Et bien çatout le monde ne peut pas le faire, surtout après une aussi longue carrière, et sans passer à la radio. Donc il restera toujours du rap « intelligent », regarde Keny Arkana, elle vient de sortir un nouveau projet, ça marche très bien, un album libre, tu mets le prix que tu veux, et bien sa fan base la suit. Il ne faut pas oublier que la variété dans le rap, des percées pop, il y en a eu même à l’époque. Ménélik a fait des trucs pop. Ils ont tous tenté de faire des hits, des singles.

Tu as fait deux prods pour Oxmo : le désormais classique « Toucher l’Horizon » sur l’album Cactus De Sibérie et le plus confidentiel « Papaella » qui est sorti sur une appli dédiée à Oxmo mais qui est tout aussi lourd. Pourquoi si peu de prods pour Oxmo alors qu’à chaque fois ce sont des tueries ? Il semble avoir une belle complémentarité entre vous deux ? Y a-t-il eu des projets avortés ?

Non mais c’est intéressant. Ce morceau « Papaella », n’a même pas besoin de promotion. Les gens qui vont le voir sur scène, écoutent ce morceau qu’il a inclus dans son set. C’est une autre version totalement différente, mais un jour ou l’autre ce morceau sera reconnu. Tous les morceaux que j’ai fait avec Oxmo sont devenus imparables. Oxmo et moi c’est comme deux joueurs de pétanque qui se croisent de temps en temps. On se voit rarement, on bosse très peu ensemble parce qu’à part la musique on a plein de choses à se dire, mais on ne sait jamais… Il peut venir chez moi demain et enregistrer dix morceaux. « Toucher L’Horizon », à la base il l’a découvert à Radio Nova où on avait fait une émission avec La Caution. Oxmo est là, le morceau (qui à la base était un remix de Big Noyd) passe à la radio, il entend le beat et me dit « c’est quoi ce beat de ouf ? Je veux l’instru tout de suite !» c’est devenu « Toucher L’Horizon » ! Deux mois après il me dit qu’il a fait un morceau dessus, il me l’envoie, j’écoute et c’est validé direct !

Quel est le sample utilisé sur « Papaella » ?

C’est un sample d’un pianiste tchèque ou polonais je ne sais plus. Le sample est de très mauvaise qualité comme on peut l’entendre mais ça donnait le grain au morceau qu’on a fait chez moi pour golri à la base. J’ai trouvé le disque dans un bac « trois vinyles pour 5 euros ».

Tu as produit entièrement le premier album Le Cri Des Briques de Profecy, tu peux nous parler un peu de ce projet sorti en 2003 ?

On a commencé à l’enregistrer en 2011, on avait 3 morceaux à ce moment là : « 400ML », « Trottoirs nocifs » et « Industrie Tragédie » . On était à l’époque en tournée avec Assassin, on se parlait souvent, on écoutait des sons, on trainait tout le temps ensemble, il écrivait sur le tour en chambre d’hôtel, on a fait des sessions à Lyon, on enregistrait 4 morceaux par 4 morceaux et on a fait l’album, à part un morceau produit par Miguel (le DJ de Starflam) avec en featuring Kaer, membre de Starflam aussi. On était super excité de sortir l’album, pile dans le son qu’on cherchait mais concrètement trop tôt pour la France. On a reçu beaucoup d’avis négatifs sur cet album à l’époque de sa sortie, que ce soit sur le mix ou sur l’ambiance jugée trop dark. Nous on écoutait Non Phixion, Necro, des trucs comme ça. On a fait l’album comme on le sentait nous. Donc des critiques mais aussi beaucoup de commandes, à l’époque les gens envoyaient des chèques à mon label et en retour je leur envoyais le skeud. On a fait un clip réalisé par Orel, « 400ML », une légende du graffiti (qui a réalisé le film Writers entre autres), tout enregistré à la maison, la pochette était signée Turs, un autre graffeur de la Grim Team. Donc c’est un album de famille qu’on a fait avec nos moyens de l’époque, je suis super fier de cet album.

Profecy t’a d’ailleurs réalisé la cover de ton Maxi, c’est toi qui lui a demandé ?

Oui je lui ai demandé, c’était histoire de boucler la boucle. Il est à fond dans l’art en ce moment et ça marche très bien pour lui, je voulais qu’il réalise une de mes covers un jour. Je savais qu’il allait me faire un truc de ouf et c’est chose faite avec cette réalisation pour mon morceau avec Keith Murray, « American Werewolf », la pochette du maxi est dingue.

Cet album Le Cri Des Briques est sorti sur ton label Street Trash fondé en 2003. C’était le premier album produit sur ton label ?

Oui c’est la première sortie officielle du label, avant j’avais un autre label sur lequel était prévu de sortir mon premier album. Il y avait dessus des inédits de IAM, Assassin, Faf Larage et bien d’autres. J’étais alors sur un projet de signature avec l’industrie du disque à ce moment là, car je voulais une vraie distribution, une vraie promotion, mais il n’y a pas eu un très bon rapport avec ces gens-là et nous n’avons pas réussi a nous entendre! Je me suis dis que c’était terminé, c’était en 1999, je me suis dit a ce moment là que tout ce que je ferai serait dorénavant auto-produit, pour pouvoir faire ce que je veux sans qu’on me demande de modifier ceci ou cela. Je ferai la pochette que je veux avec la date de sortie que je veux et ainsi aucun problème.

Peux-tu nous dire pourquoi tu as fondé cette structure ? Pourquoi à ce moment-là ne pas avoir utilisé Assassin Productions ? Qu’est-ce que ton label te permet aujourd’hui de faire ?

Pour pouvoir faire ce que je veux. Si je fais un remix un soir je le publie direct, point. Je n’ai pas à demander quoique ce soit à qui que ce soit. Je sais que les morceaux que je sors sont des bons morceaux, même si ça ne fait pas beaucoup de ventes sur le coup, sur les années ça prendra, aucun problème. Ce sont des disques qui deviendront des classiques, mais les gens ne le savent pas encore. Ils sont dans d’autres trucs c’est comme ça . Le jour où ils voudront écouter de la bonne musique, je les accueillerai à bras ouverts.

Tu es le DJ officiel d’Assassin depuis quelle année ? Comment et pourquoi as-tu intégré le collectif ?

Depuis 1998. J’ai croisé Squat pour la première fois en 1991, puis maintes et maintes fois ensuite, on se connaît depuis longtemps. Ça s’est fait naturellement. Il faisait une tournée des radios à l’époque, il m’a proposé de la faire avec lui. On a ensuite monté la tournée Touche D’Espoir en 2000 et depuis je suis encore là. Je me considère comme le DJ historique d’Assassin, Clyde n’est resté que cinq années moi ça fait presque vingt piges que je suis là.

Tu t’es exprimé sur les réseaux sociaux après le clip « Génération Assassin » où une partie des internautes s’étaient déchaînés sur leur clavier en pointant du doigt l’incompatibilité de discours entre le message d’Assassin et celui de B2O. Les discours étaient parfois très violents à l’égard de Squat. Peux-tu revenir sur cet événement ? Pourquoi as-tu jugé nécessaire de te justifier ?

Je ne suis pas du genre à parler sur internet, à m’exprimer sur des sujets politiques ou autres, mais il y a des moments où trop c’est trop. Ce n’est pas parce que tu mets une photo qu’il faut commencer à polémiquer sur des sujets qui n’existent pas, sur une personne que tu ne connais pas et en plus, tous les mecs devraient savoir d’eux-mêmes qu’on ne connaît pas une personne avant de l’avoir rencontrée. Sur internet tu ne connais pas Booba, tu ne sais pas qui il est. Quand tu écoutes Assassin, tu ne sais pas qui est Squat, tu ne l’as jamais rencontré de ta vie, donc tu ne peux pas parler. Quand je vois des trucs comme ça, ça me casse les couilles. Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit au nom d’Assassin et ça a clôturé la « polémique », donc c’est bon. Tu n’aimes pas t’écoutes pas. Les mecs qui critiquent Booba n’ont même pas écouté le dernier album, ne savent même pas de quoi ça parle. On est en 2016 les copains, plus en 1998, nous ne sommes plus à l’époque de Temps Mort, c’est fini, il ne rappe plus pareil, il est dans un autre trip : laissez-le. Moi il y a des albums de Booba que je n’ai pas aimé plus que ça comme 0.9, en tout cas il a une carrière incroyable, c’est un des meilleurs en France et en plus, malgré toutes les critiques qu’il se prend dans la gueule par tous ces « puristes », lui il se prend la tête à monter une radio et une télé, destinée à ces mêmes détracteurs. Et ça c’est beau, et ça ça ferme la gueule à tout le monde. Booba est très intelligent, ce n’est que le début de ses projets a mon sens.

Tu as été convié sur deux titres de La Caution Rend Visite Aux Gens. Ça ne fait pas bizarre de produire pour des producteurs ?

C’est marrant. Avec Nikkfurie, j’ai un rapport très amical, même en dehors de la musique. Il aime ma musique et j’aime la sienne. Un jour on fera un truc ensemble, ça fait des années qu’on en parle. Je ferai un album avec lui c’est sûr sûr sûr ! Et il y aura Mohamed (Hi-Tekk) dessus bien sûr. C’est la famille, on les a connus en 2000 (avec leur premier maxi Les Rues Electriques sorti sur Assassin Productions), on a tout de suite vu que les mecs avaient un talent de fou. C’était la folie, ils étaient trop loin, des génies, ils ont été pompés par trop de monde. Ces mecs là, dans le rap français, font partie des gens que je respecte le plus, parce que ce sont des vrais gens, ce n’est pas une posture. Je sais que je peux compter sur eux, et la vérité elle est là, faire de la musique avec des gens que tu ne connais pas et que tu n’apprécies pas vraiment ça n’a aucun réel intérêt.

Tu as produit le titre de Rocca « Génération Hip-Hop » sur l’EP Le Calme Sous La Pluie, parle nous un peu de ce titre…

Ça part d’un remix (encore), Rocca et Alpha Wann avaient fait un morceau pour la marque Wrung, ils l’ont clipé, et voulaient que je fasses un remix du titre. J’écoute le truc, je fais mon remix, Rocca écoute et me dit de laisser tomber le remix et qu’il prendrait le son pour lui. Il en a fait « Génération Hip-Hop ». Le clip est bon, les gens ont adhéré au message. Moi j’adore Rocca là-dessus, sur ce genre de beat. Rocca c’est mon gars, je l’adore. J’adore quand il pose sur des beats avec des samples, je trouve qu’il a un vrai univers. On a ensuite fait deux mixtapes, El Chief 1 et El Chief 2. C’était prévu à la base pour sortir en numérique et finalement on a tout sorti en physique.

Est-ce qu’on te retrouvera à la prod sur son prochain album « El Fenix » ?

Peut-être… Il est en train de le réaliser… (Plus d’info dans notre interview vidéo de Rocca, ndlr).

Yanbra, tu as pas mal produit pour lui. Tu peux nous en dire deux mots?

Yanbra, c’est mon pote depuis plus de 25 ans, un gars qui a rappé très tôt puis arrêté pour différentes raisons et qui a recommencé à écrire en 2010-2011. Il voulait enregistrer des morceaux, je lui ai bien sûr dit oui tout de suite, je lui réalise aussi ses clips. on est en train de finaliser son projet, ça devrait sortir dans quelques temps. Il est très bon, une vraie qualité d’écriture et surtout c’est mon pote ! Dans le rap français, pour moi, quoiqu’il arrive c’est une histoire d’amis.

Tu es aujourd’hui très présent dans les productions pour des rappeurs US. Qu’est-ce qui te plait dans le fait de travailler avec les rappeurs US? En quoi est-ce différent du rap Francais?

Ils sont trop bons ! Ce sont des machines, le rap aux US c’est la guerre ! Ils peuvent rapper tout le temps, n’importe où, n’importe comment. ils peuvent t’écrire un truc qui tue en quelques minutes, c’est dans leur culture depuis tellement longtemps. J’ai des vidéos de Sean Price en train d’écrire son texte en studio direct comme ça, c’est naturel. Ils écrivent de vrais trucs et de toute façon avec eux je ne suis pas dans une approche où je leur dis « tiens voilà un billet et tu poses ». Avoir des vrais morceaux avec des cainri c’est les mettre en production, leur montrer qu’ils ne sont pas avec n’importe qui. Leur faire comprendre aussi que leur travail, je le connais depuis le début. Je les rencontre systématiquement avant, les productions ne sont pas toujours faites avant, y a des prods que j’ai faite sur place. Mais quoiqu’il arrive j’ai déjà une idée de ce que je veux faire avec. Par exemple le morceau « Gangrene Syndicate », il n’y avait que The Alchemist et Oh No, à la base il n’était pas prévu que Sean Price pose dessus, mais moi je le voulais aussi sur ce morceau! Donc on a fait le morceau avec lui ! Tous les rappeurs cainri avec qui j’ai bossé, je les ai mis dans un mood où on était là pour faire de la musique, pas de la tune.

Tu es très actif en sortant un maxi ou un EP tous les 3 mois. Tu as beaucoup de projets encore devant toi ?

Ouai carrément ! Pleins de trucs de prêts je suis même impatient que ça sorte ! J’ai deux nouveaux vinyles qui vont arriver. Je peux donner quelques noms : Blaq Poet, Conway. Pour ceux qui connaisssent Conway, c’est le pote de West Side Gunn (dont l’album a été retenu dans notre sélection des 10 meilleurs albums rap US de 2016, ndlr). C’est ce qui se fait de mieux dans l’underground actuel, c’est de la folie.

Parle-nous de ton EP Time to Shine ainsi que de son concept de collaboration par ville.

Après ma sortie du Maxi avec Keith Murray, American Werewolf, je voulais faire un EP. Low Cut m’a proposé de sortir cet EP sur son label « Rugged records », j’ai tout de suite dit oui car je le connais depuis quelques temps et que son travail m’intéressait beaucoup. J’ai construit le concept avec l’idée de remettre dans la lumière des mecs qui ne le sont plus vraiment, si tu prends les trois artistes, Reks, Mykill Miers ou Absouljah, il sont souvent « underrated » si tu vois ce que je veux dire. Time to shine était le titre parfait pour ce EP.

Là tu as sorti un morceau avec Shabaam Sahdeeq, ce sera en maxi comme avec Keith ?

Non pas pour le moment, c’est un son qui est une réponse à Lord Digga qui l’a attaqué dans un freestyle, pourquoi on ne le sait pas. Juste avant de venir à son concert à Lyon, il m’a appelé en me disant qu’il avait écrit trois couplets de 24 mesures sur Lord Digga !!! Je lui ai proposé de décomposer ses couplets sur trois beats différents, on a enregistré, j’ai eu 13 jours de montage pour la video, le mix et on a sorti le truc direct. Et ça ça me plait et je ne peux le faire qu’en étant indépendant.

Y a-t-il d’autres rappeurs us avec qui tu aimerais travailler ? Je pense par exemple à Aaron Cohen

On m’a proposé de bosser avec lui ! Ce ne s’est pas encore fait car je ne l’ai pas encore croisé vraiment à part une fois par l’intermédiaire de DJ Poska. Mais j’ai d’autres gars en tête en ce moment comme Action BronsonIce-T aussi j’aimerais, je suis dessus en ce moment.

Projets : Ton LP c’est pour quand ? 

Il n’y en aura sûrement pas ! Je passe mon temps à sortir des maxis, j’ai trop d’idées pour un album et le concept d’un album, d’un projet fini ne me correspond pas vraiment. mais il ne faut jamais dire jamais.

Sur ton maxi American Werewolf tu as réalisé le clip. Ce n’est pas ton premier clip tourné. La réalisation c’est un truc qui te branche bien ?

Oui carrément. Pour le clip avec Keith Murray c’était vraiment du travail ! Il était vraiment … Enfin bref… C’était drôle ! Mais je suis ravi d’avoir fait ce morceau avec lui même si c’était une vraie galère car le mec est très instable… Mais c’est aussi pour ça qu’il est bon! Ce qui fait que le résultat est mortel. Si tu savais comment ça a été enregistré… C’était la folie. Il est arrivé, il ne voulait pas rapper, puis ensuite il a eu un déclic juste 45 minutes avant de prendre son train! Il s’est décidé, il l’a posé en 40 minutes et c’était fait.

Le mot de la fin ?

En tout cas, je suis un artiste libre ! Ça ne rapporte pas des millions mais ça permet d’être bien dans sa vie. L’équilibre dans la vie c’est bien ça le principal. L’oseille c’est bien, mais la passion passera toujours devant. Aujourd’hui je vis de ma musique, pas comme un millionnaire mais j’en vis donc tout va bien.

 

 

JuPi

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