Près de vingt ans de carrière, une vingtaine d’albums au compteur et Grems continue d’impressionner, incapable de décevoir, comme le prouve son nouvel album Sans Titre #7.
Si Grems reste discret et peu médiatisé il reste une figure majeure dans le paysage hip-hop français. Artiste complet et confirmé, il n’a cessé d’innover au fil des albums, sans s’enfermer dans un style ou sans suivre les tendances d’année en année. Au contraire, Grems est généralement avant-gardiste car il n’hésite pas à explorer toute sorte de sonorités et expérimenter sur des morceaux. Sans Titre #7 en est encore une fois la preuve. Des morceaux avec de l’autotune (« Balaras les Flows »), d’autres sur des sonorités plutôt trap ou house (« Chichago », « L’origine »), Grems montre qu’il est à l’aise sur toute sorte de beats, variant les flows d’un titre à l’autre.
L’exemple qui illustre le mieux cette maîtrise est certainement l’incroyable « Balaras les Flows ». Un titre sur lequel Grems rappe le plus parfaitement possible, domptant l’instrumental d’un flow rapide, le tout magnifié par un refrain autotuné de Hedi Yusef. Pour ce nouveau projet, il s’est entouré de producteurs avec qui il a déjà collaboré tels que Tambour Battant, Nikitch, Cahmo ou RROBIN (entre autres).
L’autre grande force de Grems, c’est l’art des rimes bien faites. Sans Titre #7 est une véritable démonstration de technique, de bout en bout. La plupart des morceaux sont construits autour d’un seul schéma de rime multisyllabique, à l’image de « Fantomas », « Mandala », « Mike Rofone » ou encore « Babyliss ».
« On peut s’faire violer par des policeman
C’est autorisé comme la corrida
Petit chat, ne cherche pas l’audimat
Laisse-moi, je ramasse des coquillages
Polygame, copinage, maudites femmes
Jolies sapes soignées, c’est l’funky part »Chichago
Derrière ce gros travail sur les rimes se cache un maniement de la langue quasiment unique : un lexique dense et extrêmement varié qui va chercher dans l’utilisation de mots soutenus au même titre que dans l’argot. Pour élargir encore plus les possibilités de rimes, Grems n’hésite pas à employer des mots anglais. Un style d’écriture qu’il a appris à parfaire au fil des albums et qu’il semble aujourd’hui inégalable (sauf peut-être par Alkpote, à qui Grems adresse un shoutout sur « Jabba Le Hutt »).
Sans Titre #7, comme les précédent opus de Grems, n’est pas un album constitué de « chansons à thèmes ». Alors que l’ego trip est ce qui ce dégage principalement de l’album à la première écoute, on remarque que cet opus a en réalité une dimension très personnelle. Grems glisse dans presque tous les morceaux quelques lignes au sujet de la situation familiale très compliquée à laquelle il a dû faire face ces dernières années. Il adresse même le morceau « Apple » à sa fille en donnant son prénom au titre de la chanson en question.
« Je me suis fais baiser j’assume, je serais la pour tes éraflures
Daron rap en pegasus, je parle ton nom je te fais de la pub »Apple
Au travers de références culturelles en pagaille, allant de Gustave Courbet à Count Bass D en passant par Street Fighter, Grems affirme son statut d’artiste passionné par la musique et l’art (étant à la fois rappeur et graphiste/designer), comme le montre le titre « Michael ». Le titre même de l’album et la pochette (qu’il a lui même réalisé) renvoient aussi aux tableaux des maîtres de l’art abstrait comme Pollock ou Twombly. Un goût de l’esthétisme qu’on retrouve bien sûr jusque dans ses clips.
En fin de compte, Sans Titre #7 est un condensé de ce que Grems fait de mieux. Rien de très étonnant, mais une maîtrise parfaite à tous les niveaux : choix des productions, rimes, adaptation du flow, et contenu. Et si finalement, cet opus, que Michael Eveno considère comme son premier « vrai » album, était aussi son meilleur projet ?