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D.R.A.M. : les 5 raisons de son succès

Cela fait un peu plus de 2 ans que Shelley Massenburg-Smith a.k.a D.R.A.M. (pour Does. Really. Ass. Music.) a commencé à se faire connaître du grand public, grâce à « Cha Cha », extrait de son premier EP #1EpicEP. Avec ce tube, l’artiste originaire de Virginie a frappé un grand coup : le morceau rencontre très vite un vif succès sur les Internets (plus de 15 millions de vues sur YouTube à ce jour) et est acclamé par des artistes comme Chance The Rapper, Beyoncé ou même Rick Rubin, avant d’être finalement « plagié » par Drake pour le hit de l’année 2015 « Hotline Bling ». Pourtant, D.R.A.M. reste encore assez méconnu. Ou plutôt, il ne jouit pas encore par chez nous de la notoriété qu’il mérite. Alors à l’occasion de son concert au Badadoum de Paris le 24 février prochain, on a voulu rectifier le tir et vous prouver en 5 raisons pourquoi D.R.A.M. est inévitablement amené à devenir l’une des icônes du Hip-Hop US.

1. Il a su dépasser le statut de one hit wonder

C’est bien beau de faire un gros carton avec son premier morceau, mais cela ne prouve en rien le talent d’un artiste et n’assure aucunement la pérennité d’une carrière, encore plus de nos jours (ce n’est pas les Desiigner ou autres Fetty Wap qui viendront me contredire). Après « Cha Cha », D.R.A.M. fut capable de passer outre le « semi-camouflet » que lui a infligé Drake et prouver qu’il n’est pas qu’un simple one hit wonder, mais bel et bien un artiste sur lequel il faut désormais compter.

Il sort donc à la fin de l’année 2015 un second EP. Intitulé Gahdamn! EP, l’album confirme les bonnes choses jusque là entrevues sur son premier opus. La même ambiance enjouée et suave, mais avec un environnement musical encore plus riche et travaillé. L’ensemble manque certes de profondeur et aurait peut-être mérité plus d’ambition pour marquer durablement les esprits. L’album reçoit un bon accueil critique et le public ne boude pas son plaisir. Et même si l’on n’y retrouve pas de tube de la trempe d’un « Cha Cha », l’album possède quelques petites pépites et les morceaux que sont « $ » et « Caretaker » rencontrent un succès certain.

Mais c’est en 2016 que D.R.A.M. va prendre une toute autre envergure, à la grande surprise de tout le monde, y compris lui-même. Son album est prévu pour la fin de l’année, mais jusqu’au début du printemps, l’artiste fait peu parler de lui et les attentes sont jusque-là plutôt modérées. Mais ça, c’était avant le 6 avril 2016, date de la sortie du premier extrait, « Broccoli ».

Tous les ingrédients d’un tube sont là : un beat minimaliste hyper enjoué et entêtant, rendu inoubliable grâce à la rencontre aussi improbable que délicieuse d’un air de piano et d’une mélodie de flûte sur fond de trap. Par dessus, on retrouve D.R.A.M. et la sensation du moment Lil Yachty qui dressent un hymne joyeux à la gloire de la marie-jeanne. Calibré pour faire un tabac avec l’arrivée des beaux jours, le morceau cartonne hyper vite et se place tout naturellement en tête des classements, surpassant de loin le succès de « Cha Cha ». D.R.A.M. récidivera quelques mois plus tard avec la sortie du clip de « Cash Machine ». Le succès est moindre mais le morceau est un indéniable hit qui donnerait patate et sourire à n’importe qui, même ce bon vieux Jacques Santini.

Jacquot avant et après l’écoute de « Cash Machine ». Probant non ?

2. Il est le Mewtwo du hip-hop et le digne héritier du P-Funk

Car, en plus des tubes mentionnés plus haut, l’année 2016 a vu la sortie du premier album de D.R.A.M.. Intitulé Big Baby D.R.A.M., il est venu finalement parachever une année riche pour le MC de Virginie. Ce dernier y fait l’étalage de l’étendue de sa palette musicale, le plaçant ainsi définitivement à part dans le paysage musical du Hip-Hop US.

L’album est hyper hétérogène, laissant transparaître tout au long de son écoute des influences très diversifiées (trap, funk et même pop ou rock). La vraie réussite de D.R.A.M. réside dans le fait d’avoir réussi à façonner un album qui intègre harmonieusement toutes ces influences. Le jeune rappeur impressionne vraiment, brillant dans tous les styles, comme par exemple le très trap « In a Minute », le très enjoué « Cash Machine » ou encore le suave « Wifi ». Big Baby D.R.A.M. est au final hyper accessible et chacun peut y trouver son compte, de l’auditeur qui cherche quelque chose de dansant et pas prise de tête au passionné pointu et pointilleux. D.R.A.M. voulait que son album soit à la fois « profond et simple, avec des hits et de la bonne vibe » (GQ, 2016). C’est une mission accomplie avec brio.

Si l’on se fie aux dire de celui-ci, il n’y a finalement rien d’étonnant à se retrouver avec un tel « pot-pourri » musical. D.R.A.M. se compare en effet au Pokémon Mewtwo, car sa musique est « hyper rare » (Billboard, 2015). Si cette dernière est à ce point unique, c’est parce que D.R.A.M. puise son inspiration dans des tas de choses différentes. Du gospel, qu’il a pratiqué dans son enfance à la soul, que ses parents lui faisaient écouter. Mais aussi dans des jingles pubs et même dans le film La Mélodie du Bonheur. Le rappeur de Virginie est une vraie éponge qui arrive à extraire le meilleur de ses influences sonores et réussir à les mixer, à accorder à la perfection. C’est cela qui donne à sa musique ce côté all-around : à l’aise partout, calibrée pour tous.

Et si D.R.A.M. devait définir une influence majeure, étonnamment cela ne serait pas le rap. Non, il cite plutôt le P-Funk, et inévitablement les deux groupes à l’origine de ce genre musical : Parliament et Funkadelic du génial Georges Clinton. Il apprécie tout particulièrement leur capacité à « faire varier leur son de bien des façons, et surtout à mixer tant d’influences de manière originale et unique » (GQ, 2016). Au vu de ce qu’il nous a montré jusque là, D.R.A.M. semble être indéniablement à la hauteur de ses modèles, et ce, pour notre plus grand bonheur.

3. Sa sincère bonhomie est contagieuse

Au delà de la singularité de ses sons, la première chose qui frappe dans la musique de D.R.A.M. est la putain de vibration positive qui s’en dégage. Entre chill et allégresse, détente et festivité intense, cette « positive attitude » (spéciale dédicace Lorie, on ne t’oublie pas) transpire par tous les pores de la plupart des morceaux. Elle est contagieuse, et je vous mets au défi de ne pas vous trémousser sur « Cash Machine » ou dodeliner de la tête avec un grand sourire à l’écoute de « Sweet Ya Breeze ».

Il n’y a rien d’étonnant à l’omniprésence d’une telle coolitude : la personnalité de D.R.A.M. se retrouve tout simplement pleinement transposée dans sa musique. Le bonhomme est en effet décrit par son proche collaborateur Gabe Niles comme quelqu’un « vraiment toujours joyeux et enjoué, capable d’être hyper chill puis super excité la seconde d’après » (Noisey, 2016). Niles renchérit même en disant que « le D.R.A.M. que vous entendez sur « Cha Cha » est à peu de choses près la même personne que le vrai D.R.A.M. ». Il décrit même le fait de travailler avec le jovial interprète de « Broccoli » comme n’étant « même pas du travail ». La plupart du temps, les morceaux qu’ils produisent sortent de nulle part, et en quelques secondes on peut retrouver D.R.A.M. « chanter comme Bobby Womack sur une espèce de riff qui n’a strictement aucun rapport avec ce qu’il joue en même temps sur sa 808 (ndlr : Roland TR-808, drum machine iconique du rap) ».

Et c’est dans le cadre de joyeux bordels de ce genre que se produisent parfois des moments de grâce à l’origine des meilleurs morceaux du Big Baby. Prenez l’exemple de « D.R.A.M. Sings Special », le troisième titre d’une des tapes/albums de l’année, Coloring Book. La genèse du morceau : un simple échange entre Donnie Trumpet et Massenburg-Smith alors qu’ils sont au studio de Rick Rubin sur leur souhait commun de faire de la musique pour enfant. D.R.A.M. se lance alors, avec l’idée de faire un truc qui aurait sa place sur Sesame Street. Rien de plus qu’un délire à la base. Sauf que Trumpet et Nate Fox (un des producteurs de Chance The Rapper) s’enjaillent grave sur ce que fait le rappeur de Virginie et concoctent un beat pour accompagner son délire. Sur ces entrefaites, Chance arrive, adore l’ensemble, et insiste auprès de D.R.A.M pour qu’il lui laisse l’utiliser sur sa tape. Et voilà, le tour est joué.

D.R.A.M. fait la musique qu’il aime, et il la fait naturellement, sans arrière-pensée, sans faux semblant. Cela se ressent dans ses morceaux, et la jovialité qui s’en dégage plaît d’autant qu’elle apparaît immédiatement et très clairement aux auditeurs comme authentique.

4. Il fait l’unanimité dans le milieu

S’il est réellement le personnage attachant qu’il semble être, rien d’étonnant à ce que D.R.A.M. ait réussi à se mettre pas mal de ses pairs dans la poche. Mais il ne suffit pas à expliquer l’impression d’unanimité dont le bonhomme semble jouir dans le milieu.

Dès la sortie de « Cha Cha », D.R.A.M. a reçu une attention toute particulière. Chance The Rapper a très vite exprimé tout le bien qu’il pensait de la chanson sur les réseaux sociaux, avant que quelques mois plus tard Beyoncé ne vienne se déhancher sur le refrain du tube dans une vidéo qui deviendra vite virale. On a vu pire comme promo pour un artiste qui perce à peine. Mais bon, certaines mauvaises langues diront qu’aujourd’hui ce genre de soutien est intéressé car profite parfois plus à celui qui l’initie que son destinataire. Pourquoi pas.

Mais le truc, c’est que D.R.A.M. ne se contente pas de recevoir le soutien assez superficiel de grands noms. Non, l’artiste originaire de Virginie va très vite attirer l’œil de Rick Rubin himself, qui va rapidement prendre sous son aile le jeune rappeur. Ce dernier se met à fréquenter Shangri-La, le fameux studio du collaborateur proche de Kanye West. Cela lui offre la possibilité de collaborer avec notamment Neil Young et Nico Segal, des noms qu’on accole rarement à côté de rappeurs. Mais voilà, D.R.A.M. n’est pas comme les autres.

Non content d’avoir un tel soutien de poids, il se met dans la poche au même moment un autre poids lourd du hip-hop : l’inusable vétéran E-40, pas le dernier pour dénicher les jeunes talents de demain et surfer sur leur succès. D.R.A.M plait aux vieux donc, mais aussi aux jeunes : de Lil Yachty à Chance The Rapper en passant par Young Thug ou encore les moins connus Allan Kingdom ou Michael Christmas, Big Baby collabore vite avec de nombreux artistes de la jeune génération et il ne serait pas étonnant de le voir étendre la liste de ses collaborateurs dans les années à venir.

Mais la où D.R.A.M. est plus fort que tout le monde, c’est que les rares fois où il pourrait y avoir matière à embrouille, le garçon est capable de passer outre et d’en ressortir plus fort. Revenons un temps sur l’épisode « Cha Cha« / »Hotline Bling » : lorsque ce dernier a été passé à l’antenne pour la première fois en juillet 2015 sur la radio Beats 1, il avait été nommé « Cha Cha Remix«  et Drake avait lui-même admit que c’était une « quasi-cover ». D.R.A.M. avait donc eu la sensation de se faire légèrement enfler dans l’histoire, à raison. Sentiment renforcé au de vu l’énorme succès que connaîtra par la suite « Hotline Bling », qui deviendra le plus gros succès d’Aubrey Graham depuis 2009. Mais le protégé de Rubin a vite fait de tourner la page, préférant se focaliser sur le succès de « Cha Cha«  et l’avenir radieux qui semble se profiler pour lui. Bingo ! Quelques mois plus tard, Erykah Badu, qui avait elle-même repris le beat d’ »Hotline Bling » sur sa mixtape But You Can’t Use My Phone et eu vent de l’affaire, émet le souhait de collaborer avec D.R.A.M.. En résulte l’excellent « WiFi », et d’après les dires deux artistes, un LP collaboratif pour 2017. Ou comment tirer le meilleur d’un échec.

D.R.A.M. plait donc à tout le monde et esquive aussi facilement les embrouilles qu’Isaiah Thomas les défenseurs. Or, si l’on se fie à l’ascension vertigineuse du meneur de poche depuis son arrivée en NBA, tout porte à croire que D.R.A.M. fera incessamment sous peu parti du gratin du hip-hop US. Oui la comparaison est capillotractée et alors ? Cela n’empêchera pas les conclusions qui en sont tirées de se réaliser.

5. La Virginie n’a toujours pas donné sa star des années 2010

Comme il a été dit en préambule de cette article, D.R.A.M. est originaire de Virginie. Il est certes né en Allemagne, mais il a très vite emménagé à Hamptons où il a passé la plus grande partie de sa vie. Or, la Virginie a une place un peu spéciale dans le paysage du hip-hop US : ce n’est pas une scène majeure comme peuvent l’être New York, Atlanta, L.A. ou la Bay, mais elle a fourni au rap américain certaines de ses figures les plus emblématiques. Que ce soit Missy Elliott ou Mad Skillz dans les années 90, Timbaland, Clipse et Pharrell Williams dans les année 2000, ils ont tous eu un impact certain sur cette musique, révolutionnant parfois même le son de l’époque. Mais voilà, depuis, personne n’a été en mesure de reprendre le flambeau. Et il n’est pas possible d’avoir une décennie sans artiste majeur venant de Virginie. Il n’y a rien d’officiel là-dessus je le conçois. Mais je suis sûr qu’en fouillant un peu, Nostradamus ou ce bon vieux Paco Rabanne ont du faire une prophétie à ce sujet.

Et si l’heureux élu était D.R.A.M. ? Il réunit en effet toutes les conditions : une machine à tube, à l’univers musical qui lui est propre, une personnalité haute en couleur qui a su très vite nouer de solides relations dans le milieu. Le bonhomme le dit lui-même : il se sait spécial. Cela, depuis ses 5-6 ans, et les soirées en famille où la tradition voulait que chacun chante tour à tour une chanson et « qu’il était acclamé à chaque fois que c’était le sien » (Billboard, 2016). Il a galéré pendant plus de 5 ans à écumer les salles de concerts où lui faisaient face à 50 à 60 personnes au maximum, quand ce n’était pas une toute petite dizaine. Alors les gros concerts devant plus de 10 000 personnes, il les savoure. Ils lui ont même ouvert l’appétit. D.R.A.M. a faim et il est prêt à tout exploser sur son passage. Comme l’atteste la pochette de Gahdamn!, qui le voit coller une beigne monumentale à Godzilla. Oui D.R.A.M. est à coup sûr prêt au succès auquel il est destiné. Que Pharell et autre Pusha T se rassurent, la relève est bien là et elle est d’une indéniable qualité.

Credits photos Billboard et Milk.

Arthur Delaborde

L'un des seuls à apprécier Danny Brown à sa juste valeur. Supporter malheureux du Stade Rennais, il espère tous les ans voir ses favoris gagner les AWARDZ, nos trophées du rap.

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