Michael Christmas, Noël avant l’heure

Michael Christmas, Noël avant l’heure

Depuis que j’ai craqué pour un abonnement Spotify il y a maintenant un peu plus de trois ans, j’ai pu constater à quel point la fonction « artiste similaire » de la plateforme était un outil redoutable pour mon digging quotidien. C’est d’ailleurs en me baladant sur le profil d’un beatmaker du New Jersey (Thelonious Martin) que j’ai eu la chance, il y a une dizaine de jours, de tomber sur le profil d’un artiste dont je n’avais absolument jamais entendu, un certain Michael Christmas. Comme souvent, c’est la pochette de l’album (What A Weird Day) qui attire mon attention et le curseur glisse quasi-automatiquement sur le bouton play lançant ainsi le titre le plus « populaire » de l’artiste : « Are You Around ».

Un suave beat West Coast retenti alors dans mes oreilles, refrain chanté bien senti façon DJ Quik puis une voix démarre. Elle ressemble à s’y méprendre à celle d’Earl Sweatshirt, que j’adore. Le flow est légèrement off-beat mais toujours juste. De plus, les quelques références adressées au Hip Hop head que je suis finissent de me convaincre. Je continue l’écoute.

Le second morceau proposé par Spotify est un featuring … avec Mac Miller. Le kid n’est peut-être pas si underground tout compte fait. La balade me parle moins mais ce n’est qu’une affaire de goût puisque le beat tout comme le flow sont toujours de bonne facture. Next ! Ouah, on change totalement d’univers, une instru 8-bit qui, je le sens, va partir en trap dans 5-4-3-2-1, ça y est, je tressaute  comme un épileptique. Christmas hausse d’un ton (on dirait toujours plus Swearshirt bordel). Le rythme est plus rapide mais ça ne semble pas trop l’emmerder. Au contraire, il est en train de plier le beat ce con. « This is why I’m hot like I MIMS« . Haha je vois qu’on a eu la même adolescence lui et moi … Ce « Hate » déboite ! C’est décidé, je donne une chance à l’album entier.

« Everything Burrito » ! Faut vraiment n’avoir rien à perdre pour appeler un morceau comme ça sérieux… Bon, je comprend plus loin que le mec a une grosse obsession pour la bouffe…J’aurais pu m’en douter vu le bon quintal qu’il semble faire sur la cover de What A Weird Day. La track se coupe à 2’00 et un nouveau beat en mode « rewind », comme je les affectionne tant, démarre (note à moi même : faire une Heavy Rotation sur ce sujet à l’occasion). Damn ! Ce kid est impressionnant de facilité, et c’est rare d’entendre un rappeur avouer qu’il n’avait pas de pote quand il était gosse, ça change du braggadocio habituel. Tiens il me rappelle un peu Jonwayne maintenant.

Ah, il y aussi un feat avec Logic. Ça tombe bien, je me bute depuis une semaine avec son dernier album (The Incredible True Story) découvert un certain (triste) vendredi 13 … Le beat est bordélique mais a un petit quelque chose ultra moderne qui sonne bien. On en apprend encore un peu plus sur le jeune prodige qui, rejeté par les autres gamins à l’école, est vite tombé dans le rap pour canaliser toutes ses frustrations. Mais le vrai message de ce titre est à chercher ailleurs, du côté du « temps qui passe ». C’est peut-être un des sujets les plus évoqués dans l’histoire de l’art et de la philosophie mais malheureusement, trop peu de rappeurs n’ont les balls d’aller placer un texte sur ce type de réflexion. Michael Christmas lui, les a.

Michael Christmas – « Where You Been ft. Logic »

Quelques tracks plus loin, le kid de Boston (oui je suis allé lire une interview sur Noisey entre temps…) continue de me convaincre qu’il est à l’aise sur tous les styles avec « Write a Poem« , une magnifique prod jazzy aux allures madvillain-esque, sur laquelle Christmas partage le micro avec la sensuelle Njomza, au chant.

La découverte de l’album se poursuit, sourire aux lèvres. Je ne cesse de m’étonner de la qualité des prods qui, à quelques noms prêts (Thelonious Martin, celui du début, le mec de Soulection Lakim et Rich Kidd) , sont pour moi de parfaits inconnus : Ra$hid, Qreamybeat, 6ix ou encore Casper & B… Une preuve supplémentaire que le modèle « multi-producteur » a encore de beaux jours devant lui.

Avant d’arriver à la track 15, mon opinion sur cet album était déjà plus que favorable. Un bon 14 bien mérité pour un premier album d’un mec qui part quand même avec deux gros inconvénients dans le rap : 1) il n’est pas spécialement attractif (euphémisme pour le « quintal » dont je parlais tout à l’heure), 2) il est de Boston ! Plus sérieusement, je pensais avoir mon verdict bien défini après avoir écouter un bon 3/4 de l’album. Et pourtant, 3 des 4 tracks restantes s’avèrent finalement être parmi mes préférées de ce What A Weird Day.

michael-christmas-rapper-boston

« Witness » tout d’abord est monumentale. La track s’ouvre sur un faux sermon totalement délirant signé par notre weirdest / coolest kid Michael Christmas. La suite n’est que pur lyrisme balancé sur un beat démentiel signé Casper & B. Les métaphores pleuvent de la bouche du gosse surdoué qui risque d’avoir de plus en plus de witness s’il continue sur sa lancée.

Je ne m’attarderai pas sur le terrible « Shadows » qui ravira bien les fans de balle orange tant les références sont aussi nombreuses que pointues. Quant à « Gay Black Model Remix« , qui a pour dure mission de clôturer ce sublime album, c’est pour moi LE banger de ce What A Weird Day. L’instru est un train lancé à pleine balle entre Boston et NYC, assis sur la locomotive, Christmas balance de grosses bars à peine dérangé par le rafales de vent qui malmènent son afro. Ecoutez plutôt :

« Its sad to me
That it had to be
A whole tragedy
That this shit is a masterpiece
What a Weird Day
Like when I dropped an album that one time it
Made more sense talking ’bout my problems in punchlines »

Michael Christmas – « Gay Black Model Remix« 

Vous l’aurez compris, cet album est pour moi une véritable révélation. Nous tenons peut-être là le futur « coolest rapper alive ». Quoi qu’il en soit, Michael Christmas (21ans), possède un potentiel énorme de par son flow et sa capacité à choisir ses instrus (qualité non partagée par tous les rappeurs). En sus, il excelle dans ce côté rappeur-décalé qui n’hésite pas à affirmer sans aucune gêne « … I still have no bitch » en plein milieu d’une track. Déjà reconnu par certains de ces pairs et pas des moindres (Logic, Mac Miller), le talent de Michael Christmas ne mettra à mon avis pas longtemps à exploser à la face du monde. Comme le dit si souvent l’intéressé : « tick tick »…