Young Thug – JEFFERY

Septembre 2016

Young Thug

JEFFERY

Note :

Quand on l’a vu débarquer sur la scène rap US, comment prendre Young Thug au sérieux ? Ce grand échalas serré dans ses slims semblait à peine capable de tenir debout. C’est d’ailleurs ainsi qu’il danse, comme titubant, entre des filles pulpeuses qui pourraient l’écraser si elles lui tombaient dessus, mais auxquelles il prête à peine attention. Alors que beaucoup pensait qu’il ne ferait pas long feu, le rappeur à la silhouette d’allumette est revenu en ce mois de septembre 2016 avec un nouvel album intitulé JEFFERY et dont nous vous proposons la chronique ci-dessous.

Aidé par quelques hits et une productivité à faire pâlir notre ami Curren$y, Young Thug est toujours là, avec un JEFFERY qui semble poursuivre une conversation lancée dans une soirée enfumée et arrosée. L’album — qui ressemble plus à une mixtape — commence sur un rythme nonchalant, pratiquement reggae avec « Wyclef Jean », titre du morceau introductif et d’un prestigieux invité de l’album, curieusement de retour auprès de ce représentant de la jeune garde.

On s’en doutait vu le rythme auquel il sort ses albums, mais Young Thug est le parfait représentant des rappeurs de 2016 : il rappe aussi vite qu’il tweete, et référence la pop culture d’une manière plus rapide qu’aucun autre rappeur auparavant. Les titres de ses chansons ont d’ailleurs autant à voir avec les Twitter Trends qu’avec ses idoles, puisque la quasi-totalité fait référence à des collègues qu’il admire (Kanye West, Rihanna, Swizz Beatz, Gucci Mane, Webbie, Wyclef Jean donc, Future…). Mais ce qui tend à montrer que Young Thug n’est pas juste un poseur, c’est qu’il s’inspire des thèmes de chacun, fait des références, mais garde son style propre à chaque fois.

Ce qui ferait plus douter, ce sont les featurings, à l’exception de celui avec Wyclef Jean, franchement puissant : sur les autres, les invités sonnent comme l’hôte, avec des variantes minimes. En entendant à peine la différence, on se dit qu’Atlanta et le vocoder ont malgré tout vilainement tendance à anonymiser… Mais, encore une fois, cela prouve aussi que YT maîtrise l’outil, et s’est trouvé une manière de rapper bien à lui.

Young Thug, ou plutôt JEFFERY, comme il souhaite qu’on l’appelle après cet album, a des tics qui ne manqueront pas d’énerver, et un côté superficiel indéniable, qu’il doit sûrement parfaitement assumer. Le type est maniéré, ne rappe que sur la lourdeur de son portefeuille et de son pénis, mais il le fait avec du style (dans sa prononciation et son rythme, pas dans son écriture, assez pauvre) et, surtout, sur des sons proches de la perfection, taillés par une écurie de producteurs au top (TM88, Wheezy, Cassius Jay, Billboard Hitmakers, notamment). Évidemment, JEFFERY perpétue aussi le côté freak de Young Thug, pour le meilleur : non seulement aucun autre rappeur ne porterait de robe, mais en plus la pochette de cet album est l’une des plus classes de l’année.

Ce qui sauve encore et toujours Young Thug, c’est son phrasé bizarre : il garde l’aspect saccadé de la trap, mais a également un côté mélodique qui devient carrément dramatique lorsque Thugger casse sa voix brusquement. Dans ces moments, malgré ses textes futiles, le rap de Young Thug prend une dimension émotionnelle assez saisissante comme sur « Harambe », un des plus réussis, où il modifie sa voix comme une chanteuse jazz (ou une Nicki Minaj d’il y a longtemps). C’est bien simple : le rap de Young Thug, qui a parfois pu se résumer comme « rap à gimmicks » (avec plein de petits cris pour souligner son aspect chaloupé) devient soudain la bande originale d’une soirée où un Mel Gibson viendrait étaler sa folie sur le dancefloor.

Ecouter JEFFERY de Young Thug (Stream)