Le pansement, le médicament, le composant pharmaceutique qui apaise les douleurs et referme les blessures. La source éternelle de jouvence, le remède miracle qui soigne tous les maux. Quel est-il ? L’amour, répond tout naturellement Mick Jenkins avec The Healing Component, premier album studio en forme de point d’interrogation existentiel. Après avoir exhorté les enfants de Chicago à boire davantage d’eau, puis filé la métaphore pour aborder subtilement les problèmes liés à la drogue et au racisme qui gangrènent sa ville, le rappeur continue sa quête de sens dans une œuvre riche et complexe, à la fois bien pensée et superbement exécutée.
L’amour de la culture, l’amour de soi, l’amour d’autrui. L’amour que l’on récolte et que l’on sème. L’amour dont on manque et qui se change en haine. L’amour, l’amour, l’amour. Toujours l’amour… Alors que Chief Keef et ses comparses continuent de pointer leurs flingues vers l’objectif des caméramans, le hip-hop est las de ces simagrées ridicules et revient progressivement à sa source. Quelque chose de plus simple, de plus profond et de plus authentique, qui caractérise notamment la plume de Mick Jenkins. Un œil lucide, le même que Kendrick Lamar et son « i », qui admet l’existence d’une réalité difficile sans en faire un fond de commerce bête et méchant.
Mick Jenkins – « Drowning » feat. BADBADNOTGOOD
Exit le bling-bling, les Lexus et les pinkie rings, la vraie pépite de Chicago est sous vos yeux. Car si The Healing Component brille, c’est avant tout par l’intelligence de ses couplets et ses joyaux de production, dont les audacieux THEMpeole sont en grande partie responsables. Quinze pistes et rien à jeter. Un concept-album entre ombre et lumière, comme le suggère sa pochette mystique, qui s’écoute d’une traite, sans temps mort. Côté feats, c’est le même collectif qui accompagne Mick Jenkins dans ses pérégrinations, mais sous un nom différent : celui de theMIND. À noter, ses amis de la cité des vents Noname et Donnie Trumpet qui viennent également lui prêter main forte.
Mick Jenkins – « Spread Love »
Tantôt douce et chantante, tantôt grave et rugueuse, la voix de Mick Jenkins se love d’abord dans les nappes abyssales composées par Sango sur les titres « Spread Love » et « Daniel’s Bloom ». Sous l’influence minimaliste de BadBadNotGood et d’IAMNOBODI, elle devient rauque et sifflante, presque aussi sournoise et imprévisible qu’un reptile. Dans « Communicate » et « 1000 Xans », les synthés filtrés et la rythmique disco insufflés par Kaytranada achèvent la mue, et donnent à l’ensemble une nouvelle dimension. Le Montréalais et le Chicagoan n’en sont pas à leur coup d’essai, puisque c’est déjà le même son lumineux qui parcourt « Your Love », extrait de l’EP Wave[s].
The Healing Component se déguste sec ou sur glace, tel un cocktail Chicago à base d’eau, sans brandy ni triple sec. Notre expert en mixologie a sélectionné des ingrédients de choix et invité les meilleurs barmans de l’Illinois à sa soirée. Chaque artiste présent sur ce disque ajoute sa goutte de bitter maison pour relever une boisson déjà gouteuse. Et puisqu’un bon cocktail s’apprécie mieux entre amis, Mick Jenkins sera à Paris le 29 octobre pour défendre son premier album lors d’un concert au Showcase en compagnie de la rappeuse Noname. Coïncidence ou facétie, le club parisien situé en bord de Seine et submergé par les flots durant la crue printanière, a également un rapport particulier à l’eau…
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