Près de deux ans après la sortie du très réussi The Incredible True Story, Logic est de retour en ce mois de mai 2017 avec un troisième album studio. Alors que Everybody souffre d’un accueil critique pour le moins mitigé chez certains de nos confrères, nous avons décortiqué pour vous cet opus de 13 titres qui regorge pourtant de sérieux arguments.
Avec « Hallelujah », l’album s’ouvre sur une track longue de 7min qui d’entrée plante le décor. Spiritualité, positivité et célébration de la vie, voici en trois mots ce qui pourrait résumer ce premier track qui se clôture par une chute brutale qui permet à Logic d’introduire la série d’interludes mettant en scène Adam, un jeune père de famille qui meurt d’un accident à la fin de ce morceau et dont nous suivrons un intense et tordant dialogue avec Dieu tout au long de l’album. Un procédé d’écriture que Logic avait déjà utilisé sur son précédent album (sur lequel on suivait alors les aventures de deux astronautes : Quentin Thomas, William Kai) et qui fait encore une fois mouche par une écriture superbement réalisée et un jeu d’acteur digne d’Hollywood.
Dans la continuité de cette introduction, le titre « Confess » en troisième position de cet album, convoque également les valeurs spirituelles et de repentance dans un superbe morceau aux accents gospel qui invite sa femme Jess Andrea au refrain et surtout l’excellentissime Killer Mike pour un prêche aussi poignant que virulent, digne du légendaire « Ezekiel 25:17 » de Samuel L. Jackson dans Pulp Fiction.
Entre ces deux tracks à l’inspiration spirituelle s’élance le lead single « Everybody » qui aborde le thème central de cet album, à savoir le douloureux métissage porté par le jeune Logic et la double ostracisation dont il a souffert toute sa jeunesse.
« Not accepted by the black or the white
I don’t give a fuck, praise god, I could see the light »
Le message est clair et d’autant plus explicite lorsqu’il explique comment, étant enfant, il entendait des blancs lui dirent qu’il devrait avoir honte d’avoir « une part de noir en lui ». Ou encore comment il a du essuyer les commentaires d’un public black embarrassé par le fait qu’il rappe et parle de la condition afro-américaine dans ses morceaux. On notera d’ailleurs que l’album devait initialement s’appeler AfricAryaN. Mais, sous le poids de la controverse, Logic a finalement fait le choix de reléguer ce néologisme en dernière track de son nouvel album, sur lequel on entends également J. Cole (autre artiste issu d’un métissage).
Sur l’instru sur-vitaminée de « Everybody », Logic lance à la vitesse de la lumière un véritable appel à la tolérance et au respect de chacun, par delà les communautés pré-établies. Et si ce côté bon samaritain peut agacer certains fans et observateurs, on louera pour notre part, le courage de l’artiste d’adresser un message d’optimisme et de bienveillance auquel les rappeurs ne nous avaient plus habitué depuis l’époque des Native Tongues et leur « hip-hop hippy ».
Comme il l’explique dans une interview pour nos confrères de Genius, en partant à la rencontre de ses fans lors de ses immenses tournées aux quatre coins de l’Amérique, Logic a découvert une chose essentielle qui se ressent particulièrement dans Everybody : son rap peut sauver des vies, changer des destins.
C’est donc avec une nouvelle conscience de responsabilité que Logic a enregistré ce troisième album que l’on sent plus personnel, comme sur « Take it Back » sur lequel le rappeur originaire du Maryland revient en détails sur son histoire, entre un père absent et une mère accroc au crack. Un enfant écorché vif qui parviendra pourtant à se construire et atteindre les sommets du rap américain. Le récit d’un destin extra-ordinaire – qu’il est difficile de ne pas comparer avec celui d’Eminem deux décennies plus tôt – et qui a pour objectif d’inspirer et de donner un élan positif à ceux qui, comme lui, ont débuté la vie dans les plus mauvaises conditions.
Logic adopte un ton plus grave et personnel à deux autres reprises sur l’album. Tout d’abord avec le poignant « 1-800-273-8355 », qui n’est autre que le numéro de la National Suicide Prevention Lifeline. Un morceau que Logic avoue avoir longtemps hésité à sortir et qui a été écrit sur plusieurs années. Traiter du suicide, un sujet délicat s’il en est mais que l’artiste s’est senti la responsabilité d’assumer dans un morceau qui semble à la fois empathique et quasi-thérapeutique.
A la suite de ce morceau, Logic tente d’éveiller les consciences sur un autre mal touchant de plus en plus de jeunes de sa génération : les troubles de l’anxiété. Dans « Anziety », il explique dans un superbe morceau entre rap et spoken word comment son anxiété chronique a été jusqu’à lui faire perdre connaissance et comment il tente de gérer ce trouble psychologique par la méditation et une bonne dose d’optimisme. Encore une fois, le message est sincère et positif. Une vraie preuve de maturité provenant d’un rappeur pourtant plus jeune que la plupart des autres stars du game US (27 ans).
En conclusion, ce nouvel LP de Logic a tout pour compter parmi les meilleurs albums rap US de cette cuvée 2017. La production, comme d’habitude assurée en grande partie par 6ix, le producteur in-house de Logic, est un modèle du genre avec un équilibre parfait entre bangers aux accents trap maitrisés (« Killing Spree », « Everybody ») et ambiances downtempo très modernes qui paraissent taillées sur-mesure au thème de chaque morceau (« 1-800-273-8255 » ou « Ink Blot »). Côté rap, le rappeur du Maryland continue de prouver sur Everybody qu’il est un des meilleurs techniquement parlant. La ressemblance de son timbre de voix avec un certain Kendrick Lamar est désormais de l’histoire ancienne tant les deux rappeurs se sont depuis illustrés dans une palette de flows d’une immense variété. Enfin, on ne peut que saluer la perfectionnisme de l’artiste que l’on retrouve jusque dans la magnifique cover de cet album, hommage aux célèbres « Noces de Cana » de Paul Véronèse et expliqué en détail par son auteur dans cet article.
Mais alors, que peut-on reprocher à cet album et surtout pourquoi est-il tant critiqué ?
Si cet album reste à mon sens d’une excellente facture, on peut tout de même lui reprocher quelques écueils. Un de ceux souvent cité est la tendance de Logic à parfois tomber dans la facilité. Je pense notamment à quelques refrains qui partent de temps à autres en concours d’onomatopées ; ou encore à certains passages de l’album où Logic arrête tout simplement de rapper pour laisser place à des passages parlés pas toujours réussis. Un des autres points qui peut également énerver certains est l’enthousiasme pour le moins débordant dont fait preuve le rappeur du Maryland sur des morceaux tels que « Hallelujah » ou encore « Black SpiderMan ». Le tout donnant parfois un côté « rap guimauve » qui peut s’avérer agaçant notamment lorsqu’il est mélangé à une certaine dose de « moralisme » qui peut être perçue comme condescendante.
Mais rien de tout cela ne devrait vous empêcher de profiter de ce superbe album sauf si, comme certains confrères, vous ne supportez pas qu’un rappeur métisse se sente lui aussi légitime pour défendre et célébrer la cause afro-américaine dans sa musique…
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