Malgré le peu de recul qu’octroie une release si rapprochée et le fait que l’année ne soit pas encore complètement terminée, beaucoup s’accordent à dire que Little Simz vient de livrer le meilleur album de cette fin d’année. Difficile de leur donner tort à la découverte de Stillness In Wonderland.
Mais quel bonheur de retrouver la rappeuse adoubée en 2015 par Kendrick Lamar ! Après un premier album (A Curious Tale Of Trials + Persons) salué par la critique et reconnu des plus grands, après une mixtape (Drop X) de grande qualité sortie l’an dernier dans laquelle elle fait encore la part belle au lyrisme et à ses accointances artistiques, revoici la prodige de Londres avec son second album studio. Elle est jeune et progresse sans cesse, c’est clairement le constat qu’on peut se faire à l’écoute de ce projet. Elle évolue aussi, ça se sent. Le ton est plus posé et les morceaux paraissent toujours aussi travaillés. Elle le déclare elle-même lorsqu’elle évoque la genèse de cet opus : ce fut son projet le plus délicat à mener jusqu’à présent. Et pour cause : après ses premiers succès, elle a passé l’année 2016 en tournée et a du composer cet album sur un sol mouvant. Si le titre de cet opus fait directement référence au Pays des Merveilles du roman de Lewis Carroll, l’artiste y fait le parallèle avec ce que sa découverte de l’industrie musicale et du monde lui a inspiré.
Perché sur des volutes de musique soul et une musicalité recherchée, cet opus offre en 15 titres un aperçu de l’univers de Little Simz. En surfant sur des rythmiques plutôt downtempo indissociables de son ascendance trap, l’originalité de l’album tient à la fois dans la recherche musicale dont il est empreint que dans l’aise artistique de son auteure. En choisissant un thème finalement assez courant dans l’histoire artistique moderne (Alice au Pays des Merveilles), Simz prend autant de risques qu’elle prône son assurance dans sa démarche artistique. Une preuve ? Le sublime court-métrage qui accompagne la release de cet album et qui clippe quelques morceaux parmi les plus réussis de l’opus : « Doorways +Trust Issues » ou « Low Tides » pour ne citer qu’eux.
Si on fait remarquer que Simz a mûri et que sa proposition s’en ressent, il est aussi surprenant de noter que ceux qui contribuent à la réalisation artistique de son œuvre sont là depuis le début. On retrouve en effet les mêmes contributeurs que sur sa dernière mixtape ou son premier LP. Les petits prodiges qui ont déjà alimenté le hip-hop de quelques perles et envoyé Simz tutoyer les étoiles. Dans ce collectif et cette team de producteurs, mentionnons la présence de Wondagurl qui s’était faite remarquer sur la dernière mixtape avec le puissant morceau « Savage« , au featuring, les traditionnels Josh Arcé, Tilla ou Chuck20 les camarades du label Age 101 sur lequel sort cet opus. Malgré plusieurs références à son entourage tout au long de ce projet, il en est une qui se déclame comme une preuve d’amour dans le morceau « Doorways +Trust Issues » dans lequel elle déclare ne faire confiance qu’à ceux qui étaient avec elle depuis le début.
I don’t trust anyone apart who I came with
Justement ce morceau est l’illustration des sentiments contraires qui animent Simz qui, en accomplissant un rêve, en découvre les revers. L’analogie avec la porte du Pays des Merveilles était toute trouvée. Et malgré cette année de succès, Simz, au sommet de sa forme, livre une vision forcément contrastée de sa découverte de l’industrie musicale et de la renommée.
Dans le titre « Picture Perfect « , Simz décrit bien le caractère enjôleur de Wonderland et admet devoir lutter pour garder ses repères. Mais ce track est aussi une preuve de maturité de Simz qui sait s’entourer et cherche sans cesse à reconnaître son reflet. Reflet de fait de plus en plus trouble.
Et puisque ce projet est construit comme un voyage, Simz n’hésite pas a l’initier avec le titre « LMPD » (Let My People Down) dans lequel elle admet plonger dans Wonderland. Elle décrit d’ailleurs dans la première moitié de l’opus le mirage que peut être le succès. La seconde partie est d’ailleurs plus sombre et exprime davantage les revers de sa nouvelle vie. C’est en cela qu’au terme de cette œuvre aux relents expiatoires, elle jette avec « No More Wonderland « , un dernier regard sur l’attraction et le piège que représentent la renommée et les gens qu’ils attirent. En les assimilant au lapin blanc qui entraînait Alice dans le Pays Perdu, elle a conscience que sa vie et sa richesse sont ailleurs : dans le cœur de ceux qui l’aiment.
Une fois sorti du périple proposé par Simz, on ne peut qu’être séduit par la maturité du message, de sa forme (la parabole avec l’œuvre de Lewis Carroll) et surtout par le tour qu’elle donne à ses choix musicaux. Si à la première écoute, on est frappé par le côté plus mûr et plus “sage” des productions proposées par rapport à ses efforts précédents, les écoutes suivantes révèlent un gros travail en amont avec son équipe de production qui a parfaitement épousé son projet. Et le résultat s’en ressent ! Toutes les productions sont drivées par une rythmique downtempo les rapprochant de la trap ou du grime parfois (on note la présence de Chip et Ghetts, deux artistes grime sur « King of Heartz » par exemple). La plupart d’entre elles sont même d’une subtile composition où les producteurs n’hésitent pas à mêler des beats plutôt lents à des gammes harmoniques plus enlevées. Le résultat est riche et permet surtout d’apporter de nombreuses teintes à l’univers bigarré qu’elle décrit. Autre trait remarquable : l’absence de featurings prestigieux sur l’opus de cette artiste en pleine révélation. Et ça ne manque pas d’autant que ce constat appuie la cohérence du message. Ceux qui participent étaient la depuis le début et ils ont leur place. Au final, Simz a attendu les derniers jours de l’année pour livrer un album de très grande valeur. Complexe à réaliser et pourtant réussi. Si les titres qu’on aime écouter aujourd’hui vieilliront peut être mal (pourquoi d’ailleurs ?), on ne peut que recommander l’écoute d’un opus de cette qualité et regretter qu’il soit sorti si tard. Chapeau bas.
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"...l’absence de featurings prestigieux..." allez dire ça en Angleterre à Propos de Chip et Ghetts...les vues Youtube de ces 2 Grimers parlent d'elles-même !!