Rencontre avec Brice Miclet, digger de samples
Après une nuit agitée, au Hangart, dans le cadre de la promotion de son premier livre Sample : aux origines du son hip-hop, c’est dans un bar à Pigalle que je retrouve Brice Miclet. Auteur et journaliste pour Slate – et depuis peu Konbini – Brice nous a accordé un entretien pour évoquer son premier ouvrage paru aux éditions Le mot et le reste, le 18 janvier.
Pourquoi as-tu décidé d’écrire sur ce sujet en particulier ?
J’ai toujours été fan de hip-hop, même si ma curiosité m’a portée vers une multitude de styles de musique dont le jazz, les musiques jamaïcaines, ou encore le rock. Pour moi, le sampling fait un pont entre l’ensemble de ces cultures et musiques-là.
As-tu eu un élément déclencheur dans ta vie, où un fait particulier qui t’a poussé à écrire ?
Disons que cela faisait deux ans que le projet était dans les tuyaux et c’était corrélé avec mon activité journalistique puisque j’écris un certain nombre de papiers sur la musique au sens large. En plus, il y avait très de peu de « littérature » sur le sampling en France, je me suis aussi dit qu’il fallait donc se lancer et ouvrir une brèche. Surtout que nous sommes à un moment en France, et même plus globalement en Europe, où le hip-hop explose ! Puis surtout, il y a cette idée que le sampling n’est pas un vestige du passé, mais que le son que l’on écoute aujourd’hui est nourri de références musicales passées, et qu’il y a donc une dimension historique très forte.
Pourquoi avoir choisi la maison d’édition Le mot et le reste ?
Je connaissais déjà Le mot et le reste qui est une maison d’édition marseillaise, réputée pour propulser les jeunes pousses écrivaines et qui édite généralement un gros volume d’ouvrages sur la musique. Qu’il s’agisse de musique dite « savante » ou des musiques plus actuelles. Ils sont très actifs, et sur une année, ils ont à peu près sorti une quinzaine de bouquins – dont un livre sur l’anthologie du rap new-yorkais New York State Of Mind : une anthologie du rap new-yorkais – donc c’était assez spontané de collaborer avec eux vu leur positionnement !
Comment la maison d’édition a travaillé avec toi sur le projet ?
On a défini un cadre, il a fallu faire un certain nombre de recherches, lire des bios et surtout faire du tri. Même si évidemment, le côté cool c’est que tu ne fais qu’écouter de la musique les trois quarts du temps. Au départ j’avais fait une liste assez fournie qui comprenait notamment trois titres de Gang Starr, trois autres de Dr. Dre et quand tu as des pépites comme celles-ci, c’est difficile de se rationner et d’affiner ta sélection (…) Or là, il a fallu que je fasse cet exercice et que je me limite à un titre par artiste, et c’était en partie la difficulté. C’est vrai que sur le coup je me suis dit « Attendez les gars, c’est comme si vous me demandiez de faire une anthologie du jazz, avec un seul titre de Miles Davis, ça n’a pas de sens » (rires). Et finalement ça a été un mal pour un bien, car ça t’oblige à ouvrir ton scope et te diversifier ; et à porter ton dévolu sur d’autres artistes que tu n’aurais pas nécessairement mis en avant.
Dans le cadre de ce projet d’écriture, j’imagine que tu as rencontré des producteurs, si oui lesquels ?
Oui, j’ai rencontré Sully Sefil, des gars de Rap Olympics. Après c’est avant tout un long travail de recherches. Mais là, où il y avait une difficulté aussi, c’est que j’ai choisi de me concentrer sur le rap américain et que bien souvent on te demande de la thune de manière assez implicite dès que tu veux rentrer en contact avec des artistes US.
Y-a-t-il un second bouquin en gestation ?
Déjà je vais me remettre du premier (rires) et attendre que la promotion soit passée ! C’est du boulot, ça a dû me prendre un an et demi, en m’y mettant à fond entre août et octobre. Dans l’idéal, mon deuxième bouquin sera très certainement une biographie d’un rappeur (…) je ne sais pas encore lequel. Peut-être un bouquin sur le sample dans le rap français, mais je pense que ça serait un peu un sujet de niche, et je ne suis pas sûr qu’il y ait une audience suffisamment large pour ça.
As-tu deux/trois artistes de hip-hop pour lesquels tu as une admiration particulière ?
Pff, il y en a plein. Dernièrement, j’ai bien aimé le dernier album de Grems (Sans titre #7), je suis fan aussi de Jay Prince.
Tes titres samplés phare ?
J’aime beaucoup “My Mind Playing Tricks On Me” de Geto Boys et “Hung Up On My Baby” de Isaac Hayes dont je parle dans le bouquin. Dernièrement, celui qui me plaît beaucoup, c’est le titre samplé de Billy Paul « How Good Is Your Game » sur le titre « YAH » de Kendrick Lamar, finalement il n’y a que deux notes utilisées sur le titre original mais en plus l’effet reverse fait un effet de ouf ! Il y a aussi « Mamacita » de Travis Scott, où c’est le titre de Bobby Bland’s « If Loving You Is Wrong » qui est samplé.
Un prochain concert de prévu ?
Kendrick évidemment !
Et sinon, les prochains projets ?
Bientôt le festival Hip Opsession à Nantes le 5 mars ! Ils organisent une table-ronde « parlons sampling » et je ferai également la promotion de mon bouquin. Mais grosse pression, aussi parce qu’il y aura Lord Funk. Il y a Gracy Hopkins, Infinit, bref la programmation est cool. Sinon, je suis jury dans le tremplin Bretagne de Buzz Booster, et ça fait 3 ans maintenant que je suis dans l’aventure. C’est une super expérience, et un bon tremplin pour les jeunes talents.
Pour en savoir plus sur le livre de Brice Miclet, on vous invite à lire notre article sur Sample ! Aux origines du son Hip-Hop.
Crédit cover photo : Alan Sca