10 couplets légendaires de Prodigy pour ne pas oublier
Prodigy ne pensait sûrement pas entamer son ultime apparition sur scène, ce 17 juin à Las Vegas. Quelques heures après ce concert aux côtés de son acolyte de toujours, Havoc, l’autre moitié du légendaire groupe Mobb Deep était admis en urgence à l’hôpital suite à une crise due à une maladie génétique, la dépranocytose. Quatre jours plus tard, Albert Johnson, de son vrai nom, décédait dans la même ville qu’un de ceux avec qui il avait jadis croisé le fer : 2Pac. Si l’ensemble de la planète rap a bien sûr été affectée par cette immense perte, on imagine la détresse de son comparse et amis depuis l’âge de 16 ans, Havoc, qui a depuis confié que la disparition brutale de son complice lui avait passer l’envie d’écouter un seul morceau de leur groupe.
Avec son style de débit posé en décalage sur les beats rugueux et saccadés (souvent signés par Havoc ou encore The Alchemist) Prodigy a laissé une trace indélébile parmi nous autres fans de rap. Son écriture âpre donnait une description sans concession des quartiers de Lefrak City et du Queensbridge où il puisait l’intarissable inspiration de ses contes urbains, réalistes et souvent macabres. Son aura a influencé une multitude de rappeurs aux quatre coins de la planète, à commencer par la fine fleur du rap français des années quatre vingt dix. En guise d’hommage à cet artiste indispensable du rap new-yorkais, nous avons souhaité partager avec vous 10 couplets devenus légendaires du regretté Prodigy. R.I.P Q.B Soldier !
(Les morceaux sont disponibles à l’écoute en cliquant sur leur titre ou via la playlist récapitulative en fin d’article)
Shook Ones Part II (1995)
« I’m only 19, but my mind is old
When the things get for real, my warm heart turns cold
Another nigga deceased, another story gets told »
Plus célèbre que l’original, la part II de « Shook One » a marqué des générations de fans de hip-hhop. Tournant sur une mélodie sombre et hypnotique, ce morceau pose les bases de l’univers musical de Mobb Deep. « Shook One » met aussi en évidence les qualités lyricales de Prodigy. Âgé seulement de 19 ans, il démontre dans son couplet son style incisif et concis, narrant les bas fonds lugubres de l’une des cités HLM les plus grandes du monde, le 41st side du Queensbridge.
I Shot Ya (Remix) (1995)
« While you wondered what we sayin on the records real
Yeah, you mothafuckin’ right Kid, you know the deal
My Mobb is Infamous just like the fuckin’ tittle read »
Après avoir défendu la grosse pomme après le titre polémique « New York, New York » du Dogg Pound, LL Cool J invite Prodigy sur le remix de « I Shot Ya » en compagnie de Keith Murray, Foxy Brown et Fat Joe. Prodigy vient juste de revendiquer l’origine de la réponse East Coast « LA, LA » de Capone & Noreaga se disputant au passage cette paternité avec son voisin Tragedy Khadafi.
Dans ce couplet, P s’adresse directement à Keith Murray, coupable de prendre l’interlude « Just Step Prelude » de The Infamous à son compte. La réponse est cinglante. D’autant plus que Keith Murray n’était pas au courant de la présence de P lors de l’enregistrement de sa partie. Il ne découvrira qu’à la sortie du disque la réplique assassine du membre de Mobb Deep.
Drop A Gem On Em (1996)
» I got a hundred arm niggas ready to rock your shit
Clock tick, your days are numbered in low digits »
« Drop A Gem On Em » n’est sûrement pas le morceau le plus connu du second album abouti de Mobb Deep, Hell On Earth. Cette chanson appartient à l’histoire du beef entre 2Pac et Mobb Deep. Réponse au titre « Hit Em Up » impliquant aussi Notorious B.I.G et Bad Boys Records, ce couplet possède un caractère prophétique. En menaçant Pac que ces derniers jours étaient comptés, Prodigy ne se doutait pas que Shakur se ferait assassiné quelques semaines après la sortie de Hell On Earth.
Après sa mort, Prodigy rendra hommage au talent de 2Pac en samplant sa voix pour les besoins du morceau « Return Of The Mac » en 2007.
Hoodlum (1998)
« I declared only live niggas rap this year
’96 I lost my Dun, ´97 I got worse… »
« Hoodlum » possède un statut particulier dans la discographie de Mobb Deep. Réalisé au départ pour les besoins de l’album demeuré inédit, The Dunn Langage, le morceau aura une destinée toute autre en se retrouvant sur la bande originale du film Hoodlum en 1997. La version définitive sera l’occasion pour P de côtoyer une de ses idoles, Rakim. Fidèle parmi les fidèles du duo, depuis leur premier album Juvenile Hell en 1993, Big Noyd apparaît également sur le morceau.
Se présentant comme l’initiateur du Dunn, l’argot pratiqué dans Queensbridge, Prodigy fait référence ici aux morts de son ami Scarface Twin et du frère de son complice Havoc.
Quiet Storm (1999)
« You try to stop mines from growin
I’ll make your blood stop flowin
Take affirmative action, to any ass if he askin »
« Quiet Storm » est le premier single annonçant l’arrivée tant attendue du quatrième album de Mobb Deep, Murda Muzik. Comme le titre l’indique, le morceau s’ouvre sur le bruitage d’un orage lointain. Murda Muzik sera un ouragan, et le meilleur succès commercial du groupe avec un peu plus d’un million de copies vendues. « Quiet Storm » produit par Havoc, plus en retrait dans ce titre, est également une des chansons les plus populaires du groupe. Initialement prévues pour son album solo, Prodigy marque les esprits avec ces trois rimes très gore.
Un remix avec Lil Kim sortira en single. Le titre apparaît également dans la bande originale du film In Too Deep avec LL Cool J.
Keep it Thoro (2000)
« I’m no shorty, nigga, I stop your glory
I’m a thorough street nigga for real, you just applaud me »
Prodigy démarre le nouveau millénaire avec un album solo H.N.I.C. Loin de se séparer de son complice de toujours, Havoc, ce premier album solo est une envie de développer un univers plus personnel. La vie de Prodigy prend alors un tournant dangereux. Attiré par un lifestyle fait de drogues, alcool et violence, cet album représente une sorte de catharsis. Cette quête d’identité sera plus évidente à cette période., puisqu’il co-signe aussi son autobiographie, My Infamous Life: The Autobiography of Mobb Deep’s Prodigy en 2001.
The Rotten Apple (2007)
« New York made me this way; I’m all about a buck
My close friends was murdered, I bullet proof my truck »
Prodigy a souvent décrit avec beaucoup de noirceur les projects du Queens. Il a passé des heures à rapper leurs vices et vertus. Le morceau le plus réussi sur la description de ce quartier demeure « Temperature’s Rising » présent sur The Infamous. Néanmoins, « The Rotten Apple » est assez symbolique des rapports entre haine et amour qu’entretient P pour cette pomme pourrie de New York. Si tout est contenu dans le titre, ces quelques vers montrent l’attachement de P pour cette ville et ses dérives. Prodigy doit tout à New York. Et New York lui a enlevé ses plus valeureux soldats. Jusqu’à la fin, il affichera un amour indéfectible pour ce mafia rap dépressif façonné par les rues ombrageuses de ce New York moins clinquant.
Get It Forever (2011)
« I’ll be back inside the cage, my rage is unchanged »
Libéré de leur contrat avec G-Unit Records, les Mobb Deep reprennent leur indépendance financière, et surtout artistique. Passé quelque peu inaperçu, le mini album Black Cocaine marque un de leur meilleur projet depuis Murda Muzik. « Get It Forever » entame leur retour vers un rap plus épuré que les joutes rutilantes de Blood Money avec un 50 Cent omniprésent.
« Get it Forever » est surtout l’occasion pour le duo de retrouver leur compatriote Nas, avec qui ils formèrent le groupe Infamous Mobb en 1994. Prodigy partageait avec Nas la même passion pour l’écriture sur l’envers du décor des cages d’escaliers du Queensbridge. P exprime surtout son attachement pour ses racines, et ce malgré la richesse accumulée grâce à sa musique. Six ans plus tard, Nas sera le premier artiste à annoncer sur les réseaux sociaux la disparition de son ami…
Death Sentence (2013)
« So keep talkin’ that ho shit
And I’mma part your 360 waves like Moses »
The Alchemist a joué un rôle prépondérant dans le succès de Mobb Deep. En 2013, Prodigy et le kid de Beverly Hills conjuguent leur talent pour un album en commun intitulé Albert Einstein. L’alchimie opère immédiatement. Sûrement motivé par le titre de l’album, P se surpasse dans l’écriture de ses textes. Entres autres, il y aborde un côté spirituel souvent présent dans son œuvre à travers ses références récurrentes à G.O.D. Dans ce couplet, il cite Moise et l’épisode biblique de la Mer rouge.
Accompagné de Roc Marciano, autre spécialiste du genre Rap Mafia, Prodigy utilise beaucoup de métaphores pour conjurer un mauvais sort, difficile à identifier. La partie de P. peut être considérée comme une métaphore filée d’une quête mystique vers l’élévation des siens.
Macfuckin USA (2017)
« I must hold down the fortress
Stay alive and stay out the penitentiary« ,
« Macfuckin USA » comporte un message très en décalage avec le reste des textes de Prodigy. Autrefois adepte des fameux illuminatis, l’auteur semble remettre en cause cette théorie dans ce titre extrait de son dernier projet en date. Comme l’intitulé philosophique de l’album l’indique, The Hegelian Dialectic, le rappeur paraît plus apaisé. Il tient même un discours proche du prêcheur. Entre fierté noire et meneur d’hommes, il s’impose un rôle de guide. Les vers extraits ci-dessus démontrent cette nouvelle mission que s’est astreint P. Par certains côtés, cette chanson ressemble à une sorte de bilan de vie comme s’il tenait à partager ses enseignements avec les générations futures. Se savait-il déjà condamné par la maladie ?