En 1996, j’ai 20 ans. Cela fait six ans, depuis la découverte du « Monde de demain » de NTM que je suis tombé profondément dans le rap. Je suis un enfant du rap français, mais même cela a du mal à arriver jusqu’à mon petit village d’Eure-et-Loir et réussir à trouver un disque sans passer par Paris relève quasiment du parcours du combattant. Les sorties ne sont pas aussi nombreuses qu’aujourd’hui, on se fait l’oreille avec ce qui nous tombe sous la main, ramené par un pote d’un pote, un mec qui a de la famille à Paris… Au départ, le rap américain est encore très loin. Mais avec l’âge, on débarque enfin aux Halles et à Châtelet pour fouiller chez les disquaires spés. Pour moi, les trouvailles se font via des mixtapes (format cassette évidemment). Rappelons qu’Internet n’existait pas et que les tapes étaient quasiment le seul moyen de découvrir les artistes internationaux. Petit à petit, on commence à prendre quelques gifles comme avec Enter The 36th Chambers du Wu-Tang Clan en 1993 ou Regulate de Warren G en 1994. Pour moi, ce sont les portes d’entrée vers un univers infini : le rap US. Comme tout néophyte, je commence par la base : Biggie, 2Pac, Snoop, Dre, N.W.A., Public Enemy…
Je découvre un monde foisonnant en évolution constante, un game où la compétition est si intense que sortir un album moyen n’est tout simplement pas envisageable. Si le zapping n’est pas encore la norme, les artistes installés ou considérés comme tels doivent lutter pour garder leurs places devant une horde d’affamés qui veut aussi sa part du gâteau. Personne ne renie le passé, mais à cette époque, il s’agit d’aller plus loin, d’expérimenter, de tenter des choses, de les pousser à fond, d’explorer de nouvelles voies. Le résultat est simple : l’auditeur en prend littéralement plein la gueule parce qu’aucun disque ne ressemble à celui du voisin et que le niveau est à une telle hauteur que si tu ne te mets pas au diapason, tu ne passes pas le cut. La génération qui arrive s’est nourrie des anciens qui ont essuyé les plâtres. Le niveau a donc progressé en termes de flow, de technique, de prods, de style… La compétition entre les rappeurs, les progrès techniques, une génération incroyable aussi arrivant à maturité, tout cela s’aligne parfaitement durant l’année 1996 pour une succession de classiques comme on l’a rarement vu dans un si court laps de temps avant mais aussi après.
Rappelons qu’un classique est un disque qui a marqué les auditeurs de l’époque mais qui a su conserver assez de fraîcheur et de modernité pour traverser les années et être toujours écoutable par des auditeurs plus jeunes. Quel amateur de rap, aujourd’hui, n’a jamais écouté All Eyez On Me de Tupac ? Une évidence, une référence. Qui ne connaît pas The Score des Fugees, un disque qui se vend encore par paquets ? Hell on Earth de Mobb Depp est sans doute leur dernier album de très grande qualité à ce jour… Et on en passe, tant, vous le verrez, la liste est longue. Ce n’est qu’avec le temps que l’on s’en rend compte. A l’époque, on prenait chaque album comme une claque. Internet n’était pas là, le nombre d’albums paraissant chaque année n’était pas si élevé que cela, il y avait de l’attente de la part des auditeurs et les artistes en étaient conscients. En plus de prouver à leurs concurrents, ils devaient respecter leurs fans afin que leur espérance n’ait pas été vaine. C’est comme ça qu’on vivait le rap en 1996, sans savoir que 20 ans plus tard, on parlerait encore de cette année comme une des plus grandes que le rap ait connu avec un nombre d’albums ayant traversé le temps plus important que la moyenne. Aujourd’hui j’ai 40 ans, je connais tous ces disques. Et j’envie ceux qui vont les découvrir via ce top… – Grégory Curot
Label : PayDay
Sortie : 15 octobre 1996
Wrath Of the Math est souvent oublié au profit de son prédécesseur, The Sun Rises In The East. Pourtant, ce deuxième album de Jeru The Damaja est encore plus abouti que son premier opus. Alors que toutes les productions sont assurées par DJ Premier, Jeru y développe son personnage de MC prophète préservant la culture Hip-Hop en le purifiant du matérialisme ambiant. Avec une certaine arrogance, le rappeur de la Gang Starr Foundation n’hésite pas à attaquer frontalement les nouveaux rappeurs/homme d’affaire ayant la main-mise sur cette industrie fleurissante. Sur « One Day », l’un des meilleurs titres de l’album, il sauve le Hip-Hop des griffes de Biggie, Suge Knight, Puff Daddy et Foxy Brown pour le ramener à ses origines. A l’instar de Guru, Jeru défend donc une vision à la fois urbaine et consciente du Hip-Hop. Les productions de DJ Premier sont pourtant bien plus sombres que celles des albums de Gang Starr. Les beats sont percutants et lourds. Les samples sont minimalistes et souvent triturés et même dissonants sur « Physical Stamina ». Wrath Of The Math est donc un album difficile d’écoute : pas de tubes évidents, peu d’invités sur l’album, le flow de Jeru est puissant mais monocorde. Pour autant, il représente un album essentiel car profondément à contre-courant de la quête de suprématie des rappeurs new-yorkais de l’époque (Notorious B.I.G., Puff Daddy, Jay-Z…). Jeru restera le prophète qui n’aura pas convoité le trône et sera resté fidèle au Hip-Hop. – Gentle Rain
Label : Priority Records
Sortie : 22 octobre 1996
Pour un premier essai, c’est un coup de maître. Définition même du gangsta rap, Bow Down est le premier album du groupe Westside Connection créé et mené par l’emblématique Ice Cube. Ce dernier souhaite voir la côte pacifique dominer sur l’atlantique, surtout après la mort de Tupac quelques semaines avant la sortie de l’album. Avec le Blood Mack 10 et le Crip WC, Westside Connection fait passer la grande rivalité locale derrière la fierté nationale qui met en jeu le titre de ville hip-hop entre LA et NYC. Avec les titres « All the Critics in New York » ou « Hoo Bangin », ce sont des réponses très énervées à Big Apple qu’apportent les trois rappeurs à l’étendard West Coast. Pourtant, c’est une véritable guerre interne qui est le véritable fil conducteur de cet opus. Et c’est Cypress Hill qui en fait les frais. Même ville, différentes cultures. Le passage à tabac est violent, tout ça pour une démo dont Ice Cube auraient repris des éléments sans permission. Deux titres visent directement les latinos-américains : « King of the Hill » et « Cross ’Em out and Put a ’K ». L’album Bow Down, produit essentiellement par Ice Cube, Bud’da et QDIII, aura permis au groupe de chopper un disque de platine et des singles bien placés dans les charts. – Ber2Fly
Label : Priority Records
Sortie : 25 juin 1996
Là où beaucoup de collègues « hovaphiles » voient dans l’Album Noir et ses innombrables hits le meilleur opus de Jay-Z, j’opte sans hésiter pour Reasonable Doubt, ses lignes de basse pleines de groove, ses pianos a queue et ses textures granuleuses. Premier album studio de Hova et pierre angulaire de la dynastie Roc-A-Fella, son ambiance champagne, flingues et paillettes digne des années vingt est un manifeste du gangstérisme sur disque. Le boss de Marcy pose sur la jaquette en costume trois pièces, étoffe autour du cou, cigare à la main et chapeau en feutrine vissé sur la tête. Entre le brut de la rue, l’intérieur luxueux d’une vieille Mercedes et la moiteur d’un speakeasy, les prods de DJ Premier, Clark Kent et Ski délimitent à merveille l’univers musical de Jay-Z. Ses acolytes Memphis Bleek et Foxy Brown sont là pour représenter La Familia et le regretté Biggie assurer le passage de témoin. L’avènement d’une nouvelle ère dans le paysage hip-hop new-yorkais, la preuve irréfutable du talent de Shawn Carter et la justification de sa future suprématie. – Voquab
Label : Death Row Records
Sortie : 13 février 1996
All Eyez On Me est l’avant-dernier album que Tupac a fait de son vivant. C’est sans doute son meilleur disque, le plus connu en tout cas et le plus vendu. L’originalité, c’est que c’est un double album, un des tout premiers de l’histoire du rap, mais qu’il n’a rien à jeter. Tous les morceaux sont bons, et il contient une ribambelle de tubes planétaires dont le fameux « California Love ». Moins de politique et de conscience, Pac célèbre la « Thug Life » et consacre l’avènement du gangsta rap sur des prods très funky. Un album essentiel dans l’histoire du rap. Une évidence en 1996, une évidence en 2016. – Greg
Label : Geffen Records
Sortie : 24 septembre 1996
Avec ce troisième album, The Roots, le crew légendaire de Philly, signe un testament qui l’installe définitivement dans le fauteuil des chercheurs du hip-hop. Leur style et leur rythmique grêlée de jazz ne sont plus à démontrer, ils peuvent alors, avec ce troisième opus, avoir les coudées plus franches et taper où ça fait mal. Leurs textes se font plus acerbes et les instrus qui les accompagnent s’en ressentent : elles sont résolument plus sombres et la place n’est plus à la concession. Pourtant, la violence est ici dans la composition et dans la dénonciation, si le propos est brutal, les mots sont doux et élégamment choisis. Il faut dire qu’en termes de style, le crew s’est fait accompagner de quelques têtes pensantes du jeu. Si Q-Tip n’hésitait plus à fricotter avec les Soulquarians, D’Angelo et Common ne pouvaient en être dissociés et toute cette veine s’en est ressentie. Album précédant le magnifique Things Fall Apart, ce dernier n’aurait jamais pu être aussi bon sans la rampe de lancement Illadelph Halflife. A réécouter les yeux fermés. – Abacaxi
Label : LaFace
Sortie : 27 août 1996
ATLiens est le second album studio d’Outkast et, à mon sens, le plus réussi. Sorti à la fin du mois d’Aout de 1996, soit plus de deux ans après le manifeste de rap sudiste qu’est Southernplayalisticadillacmuzik, ce sophomore album prend le contre-pied quasi total de la recette gangsta qui régnait sur le premier opus. Exit le vocabulaire de pimp et de player de Southernplaylist…, sur ATLiens Big Boi et Andre 3000 nous parlent du futur, d’extra-terrestres et de voyage inter-stellaire. Surtout, le message se veut plus conscient et critique envers le hustler lifestyle qui enferme les populations des quartiers d’Atlanta dans la violence, le drogue mais aussi le non respect des femmes, qui est particulièrement bien adressé par le duo sur le magnifique « Jazzy Belle ». Côté production, l’album consacre les plus grandes heures du collectif Organized Noize, qui produit deux tiers de l’album. Le reste est assuré par le groupe Earthtone III qui n’est autre qu’Andre 3000, Big Boi et Mr. DJ. Vingt après sa sortie, ATLiens n’a rien perdu de sa superbe et des titres tels que « ATLiens » ou « Two Dope Boyz (In a Cadillac) » continueront encore longtemps de marquer des générations d’auditeurs. – 2one
Label : Big Beat Records
Sortie : 13 février 1996
A quoi tient la réussite d’une carrière ? À de menus détails qui feront au final la différence. Prenez l’exemple de Mad Skillz. En 1996, l’avenir du jeune rappeur de 22 ans est plein de promesses : il s’est fait une bonne réputation dans des compétitions nationales de freestyle et a obtenu un contrat chez Atlantic Records. Son premier album, From Where???, doit être la première étape d’une glorieuse carrière. Mais voilà, tout ne se passe pas comme prévu, l’album ne reçevant que peu d’attention de la part du public et de la critique.
Pourtant l’album en lui-même avait tous les ingrédients d’un classique en puissance : d’excellentes productions signées par Buckwild, Jay Dee, The Beatnuts ou encore Large Professor, une écriture très solide, toute en egotrip et bourrée d’humour, de nombreux titres au potentiel de banger certain, et même la présence d’un Q-Tip au sommet de sa forme..
Oui, mais voilà, Mad Skillz a le malheur d’être originaire de Virginie. A une époque où le rap est extrêmement polarisé autour de New York et Los Angeles, cela ne pardonne pas. Quelques années plus tard, la Virginie se fera une place certaine sur la carte du Hip-Hop US grâce à Timbaland, The Neptunes et Missy Elliott. Pour Skillz, le train est passé et il n’arrivera jamais à le prendre en route. Il deviendra alors l’un des plus gros ghostwriter du rap US, bossant entre autre pour Diddy, Mase et même Will Smith. From Where??? finira lui en l’un de ces nombreux « best kept secrets » qui pullulent dans le rap US, classique de l’underground dont la valeur est seulement reconnue par quelques Hip-Hop heads avertis.
L’histoire dit que
Label : Mo’Wax
Sortie : 19 novembre 1996
Au moment de sa sortie aux États-Unis, Endtroducing….. trône déjà en bonne place chez les disquaires britanniques depuis quelques semaines : au Royaume-Uni, DJ Shadow s’était déjà taillé une solide réputation, ce qui n’a rien d’étonnant à l’écoute des sonorités qui dominent ce premier album. Avant tout ambient et downbeat, Endtroducing….. penche clairement du côté sombre du son hip-hop, ce qui constitue déjà une rareté à l’époque. Les albums de producteurs existent depuis un moment dans le rap US, mais Shadow donne un nouveau sens à l’expression en assemblant des centaines de samples, au point de se passer de rappeur. C’est un album solo, unique sur tous les plans : Endtroducing….. est le produit de deux années à écumer les disquaires pour en tirer des échantillons rarement entendus sur les platines, tout en dissimulant au maximum les interventions du DJ (les scratchs sont pratiquement indécelables, comme un adieu à la old school). À l’aide d’une simple MPC60, Shadow tisse un canevas complexe, le tissu opaque qui recouvre un fourmillement électronique pour mieux mettre en valeur les batteries les plus puissantes et expressives de l’année 1996. Endtroducing….. oscille entre violence et retenue pour chuchoter à l’oreille du monde un hip hop progressif qui louvoie avec le trip hop et la musique classique (écoutez « Organ Donor », toccata de Bach version hip hop) : un chef d’oeuvre comme une carrière n’en a qu’un. – RZOM
Label : Columbia
Sortie : 2 juillet 1996
Après ATLiens, voici un nouveau « sophomore album » qui est lui aussi entré dans la légende. Une légende qui avait débuté avec un album souvent considéré comme le meilleur disque rap de tous les temps : Illmatic. Difficile pour Nas de donner une suite à un projet qui aura été autant encensé par la critique. Pour l’assister dans cette périlleuse mission, le rappeur du Queens a fait équipe avec le duo de producteurs Trackmasters qui avait largement fait ses preuves les années précédentes en signant des tubes pour Biggie, Big Daddy Kane mais aussi Kool G Rap, dont Nas était un grand admirateur. Avec It Was Written, Nas s’aventure pour la première fois sur le territoire du mainstream, qui permettra à des tubes tels que « Street Dreams » mais surtout « If I Ruled The World » avec la jeune Lauryn Hill (dont l’album The Score était sorti 4 mois auparavant) d’assurer le succès commercial de l’album. Mais la force de ce disque est d’avoir également réussi à satisfaire les fans de la première heure, qui ont pu retrouver sur des titres tels que « The Message », « Shoutouts » ou le génial « I Gave You Power » toute la science de la rime dont Nas avait fait preuve sur Illmatic. De note côté l’atlantique, l’album restera gravé dans les mémoires pour l’incroyable featuring « Affirmative Action (Saint Denis Style Remix) » qui réunit Nas, AZ, Foxy Brown mais surtout NTM, pour une des meilleures collaborations rap franco-américaines de l’Histoire. – 2one
Label : Ruffhouse
Sortie : 13 février 1996
Voilà 20 ans que The Score, album pharaonique des Fugees a marqué l’Histoire et règne en maître sur les meilleures ventes d’albums hip-hop. 20 ans qui ont consacré cet album comme l’un des meilleurs opus de l’histoire de la musique et, paradoxalement, sonné le glas des Fugees dont chacun a souhaité exprimer son talent en solo. The Score est un disque immense, et à plusieurs titres : il a offert au hip-hop une couverture internationale jusqu’ici inédite, il a contribué à l’ouverture au hip-hop de nouvelles musicalités (inspirées de la soul ou du reggae) et enfin, il lui a permis de s’éloigner des thèmes habituellement échus au rap en le sortant du ghetto et en traitant de sujets plus universels. Produit par une flopée de producteurs parmi les plus talentueux de la musique noire moderne (The Fugees, Salaam Remi, John Forté, Jerry Duplessis ou Diamond D), l’album est un bijou d’inspirations diverses originaires de la Caraïbe. Dans leur message, dans leur musique et surtout dans leurs racines, les Fugees ont livré un monument dont l’ombre dépasse le hip-hop. 20 ans et toujours de puissantes vibrations. Un exploit et un bonheur. Ready Or Not ? – Abacaxi
Label : Loud RCA
Sortie : 19 novembre 1996
Un an après la bombe The Infamous, le duo de Queensbridge remet le couvert pour une promenade en enfer. Hell on Earth est une suite logique à The Infamous. L’album nous entraîne dans un univers encore plus sombre, plus violent à l’image du titre « Animal Instinct » qui ouvre l’album ou encore « G.O.D. Pt. 3 ». En pleine période des conflits East vs West, Prodigy et Havoc affirment dans ce troisième opus toute la force du rap new-yorkais étant de plus épaulés par quelques pointures tel que Nas, Raekwon ou encore Method Man. Le titre de ce projet prend tout son sens à travers les beats (entièrement auto-produit) et les lyrics d’une grande violence. Encore 20 ans après sa sortie Hell on Earth reste un album très marquant notamment en raison de son atmosphère si particulière et beaucoup de gens le considèrent comme le meilleur disque de Mobb Deep… enfin tous ceux pour qui ce n’est pas The Infamous. – Lex Luthor
A lire aussi: notre interview de Mobb Deep
Label : Epic Records
Sortie : 29 octobre 1996
La première salve traumatisante de projets solo issus du crew des abeilles tueuses se ponctue fin ’96 par un nouveau coup d’éclat. Après Liquid Swords du GZA, Only Built 4 Cuban Linx de Raekwon, ou encore Return to the 36 Chambers du facétieux Ol’ Dirty Bastard – tous 3 sortis un an plus tôt – Ghostface Killah a la lourde tâche de clore la marche. Entouré de Raekwon et de Cappadonna au micro et de l’éternel RZA à la production, Tony Stark distille là l’album le plus fouillé et luxuriant du Wu-Tang d’alors. A prédominance soul, l’album mêle également des influences boombap, gospel et R&B. Parsemé de nombreux samples, tous plus pertinents les uns que les autres. Les beats sont massacrés par un casting de performers de luxe tous plus affamés les uns que les autres. A la technique et au flow agressif (comme sur le détonant morceau d’introduction « Iron Maiden »), se mêle des performances plus mesurées (le très mellow « Camay »). Considéré à juste titre comme du gangsta rap, l’album possède, néanmoins, son lot de morceaux à vocation plus « personnelle ». Ainsi, le morceau « All That I Got Is You » en featuring avec une jeune Mary J. Blige, est un témoignage poignant et sans détour sur les conditions de vie des Afro-Américains résidants dans les ghettos. Même esprit avec l’intemporel « Motherless Child ». L’album atteindra sans peine le statut de platine, et ouvrira à son auteur le bal de l’une des discographies les plus qualitatives du Hip-Hop. – Anto
Label : Duck Down
Sortie : 29 octobre 1996
Da Storm est le quatrième tableau du quadriptyque complété par Enta Da Stage (Black Moon), Dah Shinin’ (Smif-N-Wessun) et Nocturnal (Heltah Skeltah). C’est albums sont les trois piliers du Boot Camp Clik, crew qui a fait vibrer Brownsville, et tout le milieu du Hip Hop underground avec lui. Cette team composée de huit emcees apparaît pour la première fois sur « Cession At Doghillee » extrait de l’album de Smif-N-Wessun en 1995. Da Storm est peut-être l’album le moins accessible dans la discographie du Boot Camp, le plus sombre aussi. Cela colle à l’attitude très underground du groupe, véritable code d’honneur. Les emcees Louieville Sluggah, Starang Wondah et Top Dog jouent la carte du rap authentique, ça sent la weed et la sueur. Ils n’hésitent pas à égratigner l’image de Biggie au passage, sur l’indémodable « No Fear ». À la première écoute, les instrus composées par DJ Evil Dee, Baby Paul et Mr. Walt des Beatminerz paraissent quelque peu austères et sèches. Là encore, il s’agit de créer une atmosphère poisseuse et nocturne. On est plus proche de Cypress Hill que de Black Moon sur certains morceaux. Mais si Da Storm a tant marqué les esprits, c’est avant tout grâce au talent incroyable des emcees de O.G.C., dont aucun ne cherche à voler la vedette à ses partenaires. L’équilibre est parfait entre les trois rappeurs au flow rythmé et habité, presque chantant. Da Storm n’est certainement pas un album festif, mais il vous fera bouger la tête pendant 50 minutes, puis tout le reste de votre existence. – Ed
Label : Duck Down
Sortie : 18 juin 1996
Sean Price a laissé un vide énorme depuis sa disparition l’année dernière. Il avait traversé deux décennies dans le rap game et était encore debout. Une performance rare. 1995 est pour lui l’année zéro. On le découvre sur « Cession At Doghillee » et « Headz Ain’t Redee! », premier single sur lequel on retrouve l’ensemble des membres du Boot Camp Clik. À l’époque il est connu sous le blaze Ruck, et il forme au côté de Rock (Jamal Bush) le duo Heltah Skeltah. Leur premier album s’intitule Nocturnal et sort en 1996. Interrogé sur l’origine de ce titre, Ruck évoque son passé de dealer, activité essentiellement nocturne comme toute activité criminelle. Comme sur Da Storm l’ambiance est feutrée et sombre. Les instrus sont elles aussi produites par les membres de Da Beatminerz, mais en comparaison avec l’album d’O.G.C. la sonorité est plus marquée par les samples de jazz. Même si à l’époque l’album a reçu un accueil très favorable au sein de la « raposphère », c’est avec les années qu’il s’est fait une place de choix dans le coeur des amateurs de rap. Certes Nocturnal reste un album « rough », probablement à cause des voix intimidantes de Ruck et Rock, mais il réserve à ses auditeurs quelques moments de pure extase. Le morceau « Leflaur Leflah Eshkoshka », véritable bijou du rap underground, est présent sur une quantité incroyable de mixtapes de l’époque. Le morceau a fait (et fait encore) danser dans tous les clubs Hip Hop. – Ed
Label : Rush Associated Labels
Sortie : 10 décembre 1996
En 1996, Redman fait déjà figure de référence dans le game. Actif depuis 1992, il a déjà deux albums au compteur. Whut? Thee Album et Dare Iz A Darkside ont par deux fois fait trembler la planète rap. Entre temps le rap s’est imposé comme le style musical le plus populaire aux États-Unis. Muddy Waters sort donc fin 96, dans un contexte de concurrence exacerbée. Qu’importe, Reggie Noble ne tremble pas, et avec le style décontracté qu’on lui connait donne une nouvelle fois la leçon à tous les rappeurs de la côte est. Le emcee de Brick City se hisse au niveau des meilleurs new yorkais. Entouré de ses collaborateurs de toujours que sont Erick Sermon, Keith Murray et les autres membres du Def Squad, il délivre un véritable concentré de rap léger et funky. La production est plus lisse et moins inspirée par le P Funk que les opus précédents, mais Muddy Waters est incontestablement conçu pour la fête. Impossible de rester assis à l’écoute de « Pick It Up », « Smoke Buddah » ou « It’s Like That (My Big Brother) ». Comme d’habitude avec Redman, les featurings sont discrets mais efficaces. Method Man est en grande forme sur « Do What Ya Feel », mais Redman reste maître chez lui. Ce qu’on admire chez lui, c’est sa fraîcheur après trois albums, son sens de l’humour inchangé et son flow tellement entraînant. Muddy Waters est un classique parmi les classiques, et il n’est pas prêt de quitter les platines des DJs Hip Hop nostalgiques de l’âge d’or du rap east coast. – Ed
Label : Jive/BMG Records
Sortie : 30 juillet 1996
Quatrième et avant-dernier album avant la séparation d’un des plus grands groupes de rap US de l’Histoire, Beats, Rhymes & Life est généralement considéré comme l’album le plus sombre d’A Tribe Called Quest. Un changement de style qui a, à l’époque, été reçu avec énormément de critiques par une partie des fans du groupe, qui regrettait l’atmosphère légère et les productions organiques des 3 précédents opus. Mais la force du trio originaire du Queens était justement d’avoir toujours proposé une musique en avance sur son temps. Et si le message de Q-Tip et Phife se fait plus sombre et pessimiste sur ce quatrième album, c’est tout simplement qu’ils commencent à percevoir les dérives du rap game de l’époque mais aussi l’érosion progressive du groupe. Rappelons que l’année 1996 marque tout d’abord le pic dans la guère East Coast vs. West Coast, dans laquelle Q-Tip se retrouve mêlé à cause d’une futile embrouille entre lui et Tupac lors des Sources Awards de 1994. Un beef que Q-Tip tente de désamorcer habilement dans le morceau « Keep It Movin ». Beats, Rhymes & Life marque également l’arrivée dans le groupe de deux membres non officiels. Le premier est Consequence, le cousin de Q-Tip, présent sur 7 des 15 morceaux de l’album, dont le tube « Stressed Out » où il remplace même Phife Dawg. Le second n’est autre que J Dilla, à l’époque inconnu, qui forme avec Q-Tip et Ali Shaheed Muhammad, le collectif The Ummah, qui est responsable du son si particulier qui habille cet l’abum. Qu’on aime ou non, Beats, Rhymes & Life renferme l’un des plus grands tubes du groupe, « Once Again« , qui depuis le 22 Mars dernier, a pris une résonance toute particulière puisque nous n’aurons plus jamais l’occasion d’entendre le célèbre : « You on point Tip ? One again Phife… ». RIP Phife ! – 2one
Bonus : la playlist Spotify pour écouter ces 16 albums en intégralité : écouter sur Spotify.
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Je m'en souviens comme si c'était hier (on a le même âge à 1 an près). Et je n'arrive toujours pas à imaginer que ça fait déjà 20 ans. Quelle époque, j'en garde beaucoup de nostalgie même si je ne suis pas passéiste. Pour moi l'âge d'or du HH. Chaque album qu'on allait acheter avait une histoire. On le saignait après l'avoir souvent payé à prix d'or en import dans des petites boutiques aujourd'hui toutes disparues ou presque. Il y avait parfois de mauvaises surprises et parfois des bijoux. Et dire qu'un an plus tôt on avait Only Built 4 Cuban linx, The Infamous, Me Against the World, Liquid Swords, E1999, Soul Food, Dogg Food, Dah Shinin...
Chaque sortie était particulière et on attendait fébrilement le nouvel album d'un tel ou d'un tel ou le nouveau prodige. On vivait, on respirait au grès des sorties. Aujourd'hui le plaisir est toujours là mais le charme a perdu de son intensité. On consomme aussi vite que le permet notre connexion ADSL. Les albums sont aussi nombreux que les étoiles et les plus brillants se perdent dans la masse. Combien d'opus écoutés une fois ou deux et mis de côté ?
Je suis heureux d'avoir connu cette époque.
Moi aussi je suis heureux d'avoir connu cette époque même si ça fait vieux combattant ! Aujourd'hui, c'est sûr que j'écoute des dizaines de sons différents par jour mais si un album passe la semaine c'est une sorte d'exploit et je ne retrouve pas cette effervescence quand tu attendais un disque pendant des mois ! Quand tu l'avais dans les mains, c'était quasi une libération. Surtout, chaque disque c'était une gifle. Aujourd'hui, il y a la quantité mais moins de qualité, à l'époque c'était l'inverse il me semble. Nostalgie quand tu nous tiens !
Puisque vous avez oublié le Firing Squad de M.O.P. Je vais m'en occuper . Date de sortie : 22 octobre 1996 . Label : Relativity. Après avoir un sorti un album sans concessions ( To The Death qui contenait le bien nommé How About Some Hardcore ?!!
) 2 ans plus tôt le duo de Brooklyn ( Billy Danze et Lil' Fame ) récidive en 96 donc avec un album .... assagi ? Non aussi hardcore que le 1 er . DR Period ( il contribue à celui ci aussi mais beaucoup moins que sur TTD) qui assurait la production complète sur le 1 er opus a laissé de la place à DJ Premier et tous les amateurs de hardcore que nous sommes pouvons dire que cette combinaison est un " match made in hardcore hip hop heaven " , les textes sont toujours violents parlent des mêmes thèmes que dans le 1 er album mais cela reste d'une efficacité redoutable , Brownsville , Firing Squad , l'extraordinaire Stick to your Gunz avec Kool G Rap , le 1 er volet des Downtown Swinga , New Jack City sont des joyaux de rap énervé qui tout fan se doit d'écouter au moins une fois dans sa vie .