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Les 10 meilleures rééditions vinyle Hip-Hop de 2017

À l’heure des bilans de fin d’année, nous avions à coeur cette année de vous présenter une sélection des meilleures rééditions d’albums et EPs, car il semblerait bien que les ventes de vinyle (et de CD dans une moindre mesure) refusent de s’effacer totalement au profit des formats numériques. 

Pour commencer, faisons une rapide mise au point lexicale. Si vous êtes un utilisateur, même occasionnel de la plateforme Discogs, vous êtes sans doute déjà familier avec tout le vocabulaire utilisé dans la suite de cet article. Trois termes sont à distinguer afin de bien comprendre les différences qui existent entre plusieurs versions d’un même album.

Repress, reissue, remaster… qu’est-ce que c’est ?

Le repress, que l’on pourrait traduire en français par réimpression, désigne la reproduction identique à l’original d’un album. Le format, la pochette, l’enregistrement source, doivent être les mêmes que pour la première édition du disque en question. Pour faire bref, on parle de repress lorsqu’il s’agit de copies supplémentaires de la version originale afin de ré-alimenter les disquaires.

On parle de reissue (réédition en français) lorsque la nouvelle édition proposée au consommateur varie, même de façon infime, de l’original. C’est le cas lorsque l’album est enrichi de bonus, de versions démos, ou que la pochette change. Les maisons de disques ne manquent généralement pas d’imagination pour susciter chez le collectionneur l’envie d’acheter une nouvelle copie des grands classiques de la musique.

Lorsque l’on utilise dans le processus de réédition une source sonore différente, on emploie le terme remaster (version remastérisée en français). Le plus souvent, il s’agit de proposer un enregistrement plus « propre », plus conforme aux attentes du public contemporain à la réédition. Derrière une version remasterisée, il y a donc un ingénieur son qui retravaille la « master tape » d’origine. C’est un cas particulier très significatif de réédition.

Le palmarès 2017

Juger de la qualité d’une réédition, c’est d’abord juger de sa pertinence. Une bonne réédition est une réédition dont le public « avait besoin ». Bien souvent, c’est la rareté du disque originale qui justifie d’en proposer une nouvelle version pour abonder le marché. En ce sens Record Store Day (Disquaire Day en France), événement de plus en plus décrié chez les amateurs de vinyle, manque sa cible. Aucun intérêt par exemple de proposer une réédition des albums de Public Enemy, encore largement disponibles dans leur version originale. Une tendance très marquée depuis quelques années est la réédition sur vinyle de couleur, ou transparent. Une pratique qui n’a rien d’intéressant d’un point de vue sonore, qui n’a qu’une simple valeur esthétique (et encore…). Pour le mélomane averti, de nombreuses rééditions sont agrémentées de morceaux bonus qui valent généralement le détour. Nous avons donc considéré tous ces aspects afin de constituer notre palmarès pour l’année 2017.

Sean Price – Monkey Barz

Label : Duck Down | Sortie : Avril

C’est toujours la même chose lorsque disparaît une sommité des arts et de la musique. Prenant conscience que l’oeuvre de l’artiste est à jamais achevée, il nous prend l’envie de la redécouvrir dans son ensemble. Il n’y avait pas de raison que Sean Price échappe aux macabres bouffées de nostalgie des amateurs de rap. Seulement pour s’offrir une copie vinyle de Monkey Barz, son premier album solo sorti en 2005, il fallait débourser jusqu’à 100€ sur le marché de l’occasion. Duck Down, le label historique des membres de Boot Camp Clik, s’est saisi du problème et a réapprovisionné le marché avec de nouvelles copies du double album. 12 ans après, on constate que « Boom Bye Yeah » et « Onion Head » n’ont pas pris une ride. Cette nouvelles version est quasiment identique à l’originale. Les seules différences visibles concernent l’étiquetage des faces des vinyles. L’actu de Sean Price en 2017, c’était aussi la sortie, toujours chez Duck Down, de son album posthume intitulé Imperius Rex.

Main Source – Breaking Atoms

Label : Wild Pitch Records | Sortie : Septembre

En 1990, la planète rap découvre Large Professor et son groupe Main Source avec deux singles incroyables : « Looking At The Front Door » et « Watch Roger Do His Thing ». On retrouve ces morceaux l’année suivante dans le premier album du groupe, Breaking Atoms. On ne se rend plus tellement compte aujourd’hui de l’importance de ce classique. Les instrus ont été conçus à l’aide d’une machine très sophistiquée : la SP-1200. Peu de producteurs la maitrisaient avec autant de dextérité que Large Pro. La richesse sonore qui découle de l’utilisation de cet outil est incomparable. L’album est une merveille de rap jazzy. Il n’avait pas été réédité depuis 1995, il était donc devenu difficile de se le procurer. Pour célébrer ses 30 ans d’existence, le label Wild Pitch Records a décidé de commercialiser une nouvelle version de Breaking Atoms. L’album a été remasterisé, et pressé sur deux vinyles translucides bleus. Le vinyle de couleur est monnaie courante dans l’industrie du disque contemporaine, on se demande bien pourquoi. Le vrai plus sur cette nouvelle édition, c’est l’ajout de 4 morceaux bonus, dont le mythique « Fakin’ The Funk ».

Pete Rock & Deda – The Original Baby Pa

Label : Vinyldigital.de | Sortie : Août

On vous en avait parlé en avril dernier, deux albums classiques entièrement produits par Pete Rock ont été ajoutés au catalogue du label allemand Vinyldigital.de. Je veux bien sûr parler de Center Of Attention de INI et The Original Baby Pa de Deda. Ce dernier est un peu moins connu que le classique d’INI, mais tout aussi important dans la carrière de Pete Rock. Enregistrés en 1995, les deux album ont été tué dans l’oeuf par le label Elektra suite à un désaccord avec Pete Rock. En 2003, Center Of Attention et The Original Baby Pa ont été révélés au public sous la forme d’un double album CD : Lost & Found – Hip Hop Underground Soul Classics. Des copies vinyles ont été pressées également, mais à l’époque le disque microsillon est en crise donc ils seront en nombre très limité. Trop limité, à l’évidence. C’est donc un véritable plaisir de redécouvrir ce chef d’œuvre du boom bap en 2017, 22 ans après sa non sortie. Pour l’occasion, Vinyldigital.de a fait simple, mais efficace. 2 disques dans une pochette reprenant l’artwork d’origine, et rien d’autre. La musique de Pete Rock et Deda n’a pas besoin d’artifice.

Buckwild – Diggin’ In The Crates

Label : Smoke On Records | Sortie : Juillet

Buckwild est un producteur important. Moins prolifique que DJ Premier et Pete Rock, il n’en a pas moins marqué son époque. On pourrait situer l’âge d’or de sa carrière entre 1993 et 1997. C’est exactement le constat que faisait le label Ground Floor Recordings en 2007, en compilant ses meilleurs contributions au panthéon rapistique sur cette période de l’histoire du rap. Ce florilège prit la forme d’un double CD intitulé Diggin’ In The Crates – Rare Studio Masters : 1993-1997. On peut y trouver un grand nombre de remixes de morceaux de Nas, Lord Finesse, Big L, mais aussi des productions originales pour certains rappeurs un peu moins connus. L’intérêt de cette compilation était de regrouper sur un seul et même support tous ces morceaux qui n’existaient jusque là qu’au format single. Cette louable initiative n’en a pas moins frustré les inconditionnels du vinyle (encore eux!) en boudant le format roi, progressivement délaissé au profit du CD, puis du mp3. L’affront a été lavé pas plus tard qu’au printemps dernier par un discret label basé en Allemagne : Smoke On Records. Il s’agit donc de la première version vinyle existante. Il ne faut pas moins de 4 disques couleur or pour recueillir l’ensemble des 39 titres de la compilation. Même si le packaging est un peu léger, on ne peut que se réjouir de voir paraître ce « best of » de Buckwild sur vinyle.

5-elementz – Yester Years EP

Label : Chopped Herring Records | Sortie : Août

Ce n’est pas véritablement une surprise de trouver le label Chopped Herring Records dans un article consacré aux meilleures rééditions vinyles. Cette année, Bob (le manager et unique employé de la maison) a ajouté une vingtaine de références à son tableau de chasse. Une de ses plus grosses prises, c’est sans doute l’EP Yester Year de 5-Elementz. Le nom de ce groupe ne vous dit peut-être pas grand chose, à moins bien sûr que vous soyez un fan hardcore de J Dilla. Car c’est bien ce dernier que l’on retrouve à la production sur cet EP. Il s’agit là d’un des plus vieux enregistrements de Jay Dee qui soit. Les autres membres du groupe se nomment Thyme, Proof, Mudd et DJ Head. Aucun d’entre eux n’a eu la même carrière que Dilla, bien entendu. Les morceaux présents sur cet opus ont été enregistrés durant les années 93 et 94. Le projet était sorti en 1996 au format cassette, en 600 exemplaires. Il existe aussi 100 copies d’un test pressing datant de 1997. Autant vous dire qu’il était illusoire de vous en procurer une un jour avant cette réédition chez Chopped Herring. La nouvelle version de l’EP comprend un titre bonus, intitulé « Clear ». Comme d’habitude, le packaging est assez minimaliste. Disque en vinyle noir ou coloré dans une pochette cartonnée blanche, avec un simple autocollant. Ceux qui connaissent bien le label le savent, le marketing n’est pas le point fort de Bob. Peu importe, c’est la musique qui nous intéresse.

Black Moon – Enta Da Stage

Label : Fat Beats, Duck Down | Sortie : Octobre

Enta Da Stage fait partie de ces rares albums qui ont bousculé le rap à jamais. Le classique signé Black Moon constitue le chainon manquant entre la « golden era » et le « boom bap ». Sortie en 1993, moins d’un mois avant Enter The Wu-Tang (36 Chambers), pose les bases d’un nouveau style de Hip Hop. Le flow de Buckshot rompt avec la tradition, les instrus de Evil Dee troquent les samples funky contre une atmosphère plus jazzy. Malheureusement la version vinyle de l’album, sur un seul disque, ne rend absolument pas justice à la musique de Black Moon. Il en sera de même des rééditions et bootlegs sortis depuis. Le volume sonore est beaucoup trop bas, et le mix contient beaucoup trop de basses. Cette injustice est enfin réparée, puisqu’une version double LP est maintenant disponible grâce aux efforts de Fat Beats et Duck Down Records. Le son a été remasterisé, avec un mix plus équilibré se rapprochant de ce qu’on pouvait entendre sur les maxis 12″ de l’époque. Pour les collectionneurs les plus pointus, un coffret 6 vinyles regroupant le remaster double LP, ainsi que les versions instrumentales et deux disques de remixes a été mis en vente. C’est un réel plaisir de pouvoir redécouvrir cet album essentiel de l’Histoire du rap.

MC Destruction – Blow Of Death EP

Label : Dope Folks Records | Sortie : Mai

L’Histoire du Hip Hop est scindée en périodes bien distinctes. L’une d’elles, située entre les années 1987 et 1992, est désigné par le terme flatteur de « golden era ». Il s’agit des années fastes du rap, celles qui ont vu émerger LL Cool J, Run-D.M.C., Public Enemy, De La Soul et bien d’autres. Les nostalgiques vous diront que tous les disques sortis à cette époque là tapaient dans le mille. MC Destruction fait partie des rappeurs de cette « golden era ». Malheureusement pour lui, il n’a jamais réussi à percer. À une époque où les maisons de disques recevaient les demos par brouettes entières, il fallait vraiment être capable de se démarquer et de frapper les esprits. Les 4 morceaux rassemblés par Dope Folks Records figuraient à l’origine sur la même face d’un maxi sorti en 1990, l’autre face étant allouée à un autre rappeur : Corey Pee. Sous le titre Blow Of Death EP, le label Dope Folks a regroupé « Blow Of Death », « Maria », « Murderin’ MC’s » et « Comin’ Off », quatre petits bijoux de rap oldschool. Enregistrés dans le Bronx en 1989, ces morceaux regorgent de breaks de batterie et de samples signés James Brown. Ce disque plaira forcément aux fans de Big Daddy Kane ou Biz Markie, qui ont visiblement beaucoup inspiré MC Destruction.

Funkdoobiest – Which Doobie U B?

Label : Music On Vinyl | Sortie : Février

Au début des années 90, les californiens Son Doobie, DJ Ralph M et Tomahawk Funk évoluent dans le premier cercle des rappeurs affiliés à Cypress Hill. Ils forment le groupe Funkdoobiest et la production de leur premier album sera très largement supervisée par DJ Muggs himself. Sur, Which Doobie U B? (c’est ainsi qu’il s’intitule), la patte du DJ de Cypress Hill se reconnait aisément. Bien sûr, Funkdoobiest souffrira éternellement de la comparaison avec les pionniers du rap latino. Mais il faut admettre qu’avec les années, le flow de Son Doobie passe toujours aussi bien. Certes, sa façon de rapper est très datée et n’a rien de moderne, mais il a une identité toute personnelle. D’ailleurs sur le marché du disque, les deux premiers albums du groupe s’apprécient encore face à d’autres références de l’époque aujourd’hui délaissées. Les copies vinyles de Which Doobie U B? en bon état commençant à se faire rare, on était en droit d’attendre qu’une maison de disque se saisisse du problème. Le géant du disque Music On Vinyl n’a pas été sourd aux complaintes des fans de Funkdoobiest et a racheté la licence de l’album. Si la qualité n’a pas toujours été en rendez-vous avec ce label par le passé, cette fois on n’a rien à leur reprocher. Le son n’a pas été délaissé au profit du marketing façon « réédition sur vinyle 180g ». La nouvelle version de ce classique vient compléter la réédition du deuxième album de Funkdoobiest, Brothas Doobie, sortie l’année dernière sur le même label.

Jazz Spastiks – 12 Bit Spit

Label : Chopped Herring Records | Sortie : Mai

On sait peu de choses de Jazz Spastiks, si ce n’est qu’il s’agit d’un duo de beatmakers écossais, et que leur musique est incroyable. On pourrait aller jusqu’à dire que dans la catégorie boom bap jazzy, ils figurent parmi les meilleurs producteurs en activité. Leur album 12 Bit Spit, sorti en CD en 2010, n’avait pas encore été pressé sur vinyle. C’est désormais chose faite grâce à Chopped Herring Records. Bob avait déjà collaboré avec le duo, qui se faisait alors appeler The Slipmat Brothers. 12 Bit Spit est un véritable album composé de 17 pistes, en comptant intro, outro et quelques interludes. Coconut Delight et Mr. Manyana sont deux producteurs un peu anachroniques. Ils privilégient toujours les sonorités d’un clavier Rhodes et les samples de jazz poussiéreux. Ça ressemble parfois à du Pete Rock ou du A Tribe Called Quest. La nostalgie est assumée, voire même revendiquée. 12 Bit Spit n’est pas un pur album de beatmaking. De nombreux emcees ont répondu à l’appel et sont venus lâcher quelques rimes : Junclassic, Rebels To The Grain, Selph Conscious… Si vous ne connaissez pas encore Jazz Spastiks, je vous invite à visiter leur Bandcamp, qui est truffée de trésors.

Rascalz – Cash Crop

Label : Back 2 Da Source Records | Sortie : Avril

Si vous ne jurez que par le rap US, vous êtes sans doute passés à côté de ce classique underground canadien. Pourtant à l’écoute de Cash Crop, on ne peut que constater l’influence du rap new yorkais sur les Rascalz. Il y a une ambiance très Queens Bridge sur certains morceaux : « Solitaire (Remix) », « Clockwork » ou « Fitnredi ». On pense aussi parfois à Smif-N-Wessun, O.C., Da Bush Babees… Bref Rascalz pourrait bien vous donner envie d’en savoir un peu plus sur le Hip Hop du grand nord. Comme vous pouvez l’imaginer, Cash Crop fut tiré à très peu d’exemplaires à sa sortie en 1997. Quelques centaine tout au plus, à des fins promotionnelles uniquement. Il fallait donc jusqu’à aujourd’hui se contenter de la version CD. On doit au label belge Back2DaSource Records une superbe édition spéciale 20ème anniversaire, avec en prime une pochette illustrée par les soins de Piet Pado, qui a par ailleurs travaillé avec Chopped Herring Records. Inutile de préciser qu’il s’agit bien d’une réédition officielle, et que l’intérieur de la pochette présente des photos d’époque du groupe en concert ou en studio.

Ed Pays

Envoyé spécial à Bordeaux. Spécialiste du rap de vieux, qui passe son temps à débattre de l'autotune. La dernière fois qu'il a écouté PNL, on l'a retrouvé en PLS.

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