EMF, un acronyme bien connu de tout bon fan de rap habitant ou ayant habité à la capitale. Il faut dire qu’en 10 ans, le collectif Excuse My French aura été à l’origine de pas moins de 200 événements dont tous avaient pour dessein la célébration d’un rap éclectique, ouvert et moderne. De C2C à Orelsan en passant par Gaël Faye ou encore Onra, on ne compte plus ceux qui sont passés par l’école EMF avant d’exploser au grand jour.
A l’occasion de la soirée anniversaire organisée par Excuse My French à la Bellevilloise le 25 novembre prochain – qui invitera un plateau d’exception composé d’une quinzaine d’artistes (à découvrir en fin d’article) – TBPZ est parti à la rencontre de Tom Routier, co-fondateur et Directeur artistique de l’organisation. Un entretien passionnant avec un activiste qui a écrit parmi les plus belles pages du Hip-Hop de la capitale ces dix derniers années.
Excuse My French (EMF) fête ses 10 ans, qu’est ce que cela représente pour toi qui est là depuis le début de l’aventure ?
C’est à peine croyable qu’on en soit déjà à 10 ans… le temps s’écoule beaucoup trop vite ! Avoir réussi à garder le cap toutes ces années constitue pour nous une grande fierté. Nous faisons un métier difficile mais incroyablement riche, avec des hauts et des bas mais le plaisir et la passion sont restés préservés. On a souvent pas le temps de se remémorer tous ces souvenirs et ces rencontres mais lorsqu’on se pose deux minutes pour y réfléchir, on se rend compte de la chance qu’on a de faire ce métier.
Je me rappelle de nos toutes premières soirées au Batofar, lorsque nous n’étions personne, que j’attendais devant la porte du club en scrutant l’horizon et en voyant les gens arriver par groupe de 2… Je me rappelle aussi les nombreuses soirées d’hiver où nous allions distribuer des flyers dans tout Paris et recouvrir les cabines téléphoniques de Châtelet de nos affiches, un vrai boulot de terrain, difficile mais nécessaire, et qui a fini par porter ses fruits. Je suis également super fier de toujours bosser avec Eva, ma collègue de toujours… car c’est la force de notre duo qui a permis au projet de durer aussi longtemps. Désormais, nous sommes liés par cette aventure et avons envie de l’emmener encore plus loin !
D’ailleurs parlons de ce début d’aventure. Comment ce projet est né ? Avec qui, où, à quelle occasion ?
Excuse My French est né à Brighton, en Angleterre. A l’époque, je finissais mes études et je bossais en stage dans une radio locale (Juice FM / Totally Radio). A force de saouler le big boss pour avoir ma propre émission, j’ai obtenu un rendez vous avec un de ses amis, qui m’avait été présenté comme « un petit jeune de mon âge ». Il se trouve qu’il s’agissait de Jean Daniel Beauvallet (co-fondateur des Inrockuptibles) ce qui m’a quelque peu tétanisé sur le moment.
Le stress dissipé, on a avancé sur un concept d’émission visant à casser les codes institutionnels de la francophonie en proposant une émission axée autour de la musique française mais présentée en anglais, afin de ne pas parler qu’à nos compatriotes. L’émission était mensuelle et relayée par un réseau internationale de radios via l’association Francophonie Diffusion. C’est cette même asso qui m’a proposé un CDI peu de temps après, accélérant mon retour en France et marquant un virage dans le projet (rencontre avec Eva, mutation d’EMF en évènements). Au delà de tout ça, ce qui m’a vraiment motivé c’est la perspective de créer quelque chose de nouveau, quelque chose qui m’appartiendrait vraiment. Je n’aime pas bosser pour les autres, même si il faut forcément y passer un jour ou l’autre. EMF est mon bébé et j’en suis fier !
Quel a été ton parcours avant de fonder Excuse My French ?
Je viens vraiment de la radio. A la base, c’est ma passion. J’ai commencé à animer de fausses émissions chez moi quand j’avais 12 ans, à faire des canulars et à jouer les faux animateurs. Puis avec le temps, j’ai réussi à réaliser mon rêve et avoir ma propre émission sur Fun Radio (attention c’était il y a super longtemps, genre 1999).
Après mes études et une fois mon retour en France acté, j’ai eu la chance de tester pas mal de métiers tout en poursuivant le développement d’EMF. Je pense que c’est la transversalité de ces expériences qui m’a permis d’avoir une vision assez complète des métiers de la musique et de devenir polyvalent et plus efficace. La pratique sur le terrain est essentielle et lorsqu’on bosse dans l’évènementiel, il est à mon sens important de savoir comment travaillent les partenaires (médias, tourneurs, labels, attachés de presse, distributeurs, etc…)
J’ai aussi eu la chance d’avoir ma propre émission sur Le Mouv il y a quelques années et d’y greffer des mixs EMF et autres captations de nos soirées.
Ce qui m’a poussé à me lancer dans cette aventure ? L’envie d’être mon propre patron et de garder une indépendance dans mes choix artistiques. Mes expériences professionnelles m’ont conforté et poussé dans cette direction. Lorsqu’on est au Mouv ou dans des structures hiérarchisées, on est souvent bridé dans ses choix et je n’appréciais pas du tout cela. Tout en apprenant des structures dans lesquelles j’ai eu la chance de bosser, j’ai ressenti un vrai besoin de liberté que j’ai eu la chance d’assouvir. Je mesure la chance que j’ai et je sais bien que ce n’est pas donné à tout le monde. Mais quand on croit en soi, on peut soulever des montagnes, même si il faut accepter de se planter aussi, ça fait partie du package.
Tu peux me parler un peu de l’équipe EMF ?
Nous sommes 2 à piloter EMF et travaillons depuis peu avec des nouveaux collaborateurs, afin de développer les activités d’EMF en élargissant le spectre de nos projets. Nous allons petit a petit nous éloigner du clubbing et axer notre travail sur des formats type « concerts » mais enrichis… Je ne peux pas en dire plus pour le moment mais les nouveaux arrivants sont plus jeunes et apportent une vision plus fraiche et un recul certain par rapport à notre stratégie, qui évolue en partie grâce à eux.
Avec ces arrivées récentes, nous sommes désormais plus nombreux et pouvons donc gérer un volume de travail plus conséquent et concrétiser certains projets jusque là un peu relégués au second plan.
Quels sont tes souvenirs de la première soirée EMF ?
La première soirée EMF était extraordinaire. C’était en août 2006 au Batofar. A l’époque, j’étais encore DJ et j’avais fais le warm up. Nous avions ce soir là invité Tekilatex, Aline (l’animatrice emblématique de Nova) mais aussi JD Beauvallet (co-créateur d’EMF) et l’un des tous premiers live des gars de C2C, qui revenaient de New York ce jour là. On est allés les chercher à l’aéroport, j’étais un peu intimidé et au final, ils sont devenus des amis proches avec lesquels nous avons écris une bonne partie de l’histoire d’EMF. Il y a des rencontres comme ça…
Ce jour là, nous avions rempli la salle et il s’est passé un truc, on sentait que c’était le début de quelque chose de magique.
Il y a d’autres soirées qui t’ont particulièrement marqué ?
Oulalala il y en a plein alors je vais essayer d’en isoler quelques uns…
Une soirée mémorable au Batofar où Cut Killer a accepté de faire une battle avec Netik, ce qui était pour lui un vrai défi. Jouer le jeu de cette manière sans se préoccuper du contexte était classe de sa part et cela a donné un moment magique sur scène. Je pense que le public présent ce soir là s’en souvient encore. C’est l’un des moments les plus magiques de la genèse de nos évènements.
Nous avons écrit les plus belles pages de l’histoire d’EMF avec ce groupe, que nous avons également accompagné sur les différentes sorties d’albums dans l’hexagone mais également sur la partie « tour ». Chacune de leurs apparitions était mémorables et ils ont en grande partie contribué à la réputation de nos évènements. C’était de la folie à chaque fois et je pense que le public ne connaissait pas cette incroyable énergie « made in UK ». Une de nos forces a été de mélanger les scènes anglaises et françaises, et de casser les codes habituels des soirées communautaires en proposant des plateaux évolutifs basés sur un vrai mélange des genres.
On a eu l’opportunité d’inviter DMC de Run DMC il y a quelques années lors de notre passage au Showcase (nous étions à la DA du lieu). Ils ont refait les grands classiques avec lesquels j’ai grandi, la salle était comble et ils m’ont même offert une paire d’Adidas dédicacées. C’était un peu comme un rêve d’ado devenu réalité ! Une bien belle soirée….
La rencontre avec La Roux est assez incroyable aussi. Elle était adolescente et je sortais avec sa grande soeur sans avoir la moindre idée de la carrière qui lui tendait les bras. Quelques années après mon retour à Paris, elle a explosé et nous avons eu la chance d’être les témoins privilégiés de cette ascension fulgurante. Fan de la légende française de la disco Marc Cerrone, elle nous a demandé de faciliter leur rencontre, qui a débouché sur un évènement exceptionnel à la Machine du Moulin Rouge au cours duquel elle a repris des titres phares du répertoire de Cerrone et interprété quelques morceaux de son projet. Cet évènement restera gravé dans nos mémoires car c’était vraiment la rencontre improbable entre deux générations et styles musicaux. Cela avait fait pas mal de bruit à l’époque.
Lors du lancement de Rider Radio (autre projet maison), Orelsan est venu nous soutenir et avait joué les DJ pour la toute première fois en compagnie de notre ami Mr Viktor et d’une brochette de MC’s prestigieux (Sages Poètes de la Rue, Beat Assailant, Dizraeli et bien d’autres).
La rencontre avec Gaël est un des moments charnière de ces dernières années pour nous. Cette soirée avait été programmée en collaboration étroite avec lui, nous ne nous connaissions pas à l’époque et j’étais loin d’imaginer que ce serait là le premier chapitre d’une des collaborations les plus magiques de ma carrière. Aujourd’hui, nous avons la chance d’être ses manageurs et les producteurs de son prochain album. Une histoire qui continue de s’écrire aujourd’hui et qui est née à la Bellevilloise, sur une EMF absolument dingue sur le plan artistique. Un très très beau souvenir.
Certains des artistes que vous avez invités ont depuis explosé (C2C, Orelsan…) Est-ce que vous arrivez tout de même à rester en contact avec eux ?
Oui ! Notre marque de fabrique c’est l’accueil et le relationnel que nous entretenons avec les artistes. Nous n’invitons que ceux qui nous paraissent être à l’image du projet : ouverts d’esprit, talentueux, exigeants, fun et professionnels.
Nous avons donc gardé des liens très étroits avec beaucoup d’entre eux. Difficile cependant de le faire avec tous tellement il y en a… mais à l’image du line up de nos 10 ans (le 25 novembre prochain, plus de détails en fin d’article), il y a énormément de belles histoires humaines qui ont marquées ces 10 années. L’un des challenges consiste à leur donner une suite sur le terrain, en ouvrant de nouvelles pages blanches avec eux, quelque soit le terrain d’expression.
Les artistes que tu as envie de faire jouer ?
Je passe la main aux nouveaux DA qui vont pouvoir vous en dire plus sur l’avenir de la programmation.
[Maxime Evrard, nouveau DA d’EMF] « Alors forcément nouvelle équipe dit renouvellement d’une partie de la DA. Mais d’un coté, si on est arrivé chez Excuse My French c’est justement parce qu’on est fan de ce qui s’est fait pendant 10 ans. On a d’une part envie de continuer à soutenir des artistes en développement qui sont déjà dans la famille Excuse My French et avec qui ont a encore envie de travailler comme Senbei, Cheeko, Weedim …
A coté de ça, on suit énormément ce qui se passe sur la nouvelle scène francophone que ce soit dans l’hexagone ou en Belgique, en suisse, au Québec. On a eu de gros coups de cœur pour L’Or du Commun et pour Loud dont on a eu la chance de découvrir l’album assez incroyable avant tout le monde. Ce mec va clairement tout exploser en France, c’est inévitable !
Des collectifs comme la 75ème Session avec Sopico, Sheldon et Népal nous parlent bien également. Et bien entendu, l’essence d’EMF c’est de rapprocher ces artistes des scènes UK, US et du monde entier qu’on découvre chaque jour et qui nous touchent tout autant. Il y a toujours ce coté dénicheur de nouveaux talents à mettre en avant qui nous plait et qui rend le job de DA excitant. A coté d’EMF on est managers d’artistes, donc forcément c’est une dimension qui nous touche.
Le but c’est de continuer dans l’état d’esprit de ce qui s’est fait il y a 10 ans, et toujours agrandir la famille EMF. Tom parlait des premières dates de C2C, Foreign Beggars … un jour on aura peut-être aussi la fierté d’aller voir des copains sur une scène de Zenith et savoir qu’on y est pour quelque chose. »
Les futurs projets EMF ?
Nous allons lancer et développer de nouveaux formats d’évènements, mettre un pied dans la réalité virtuelle mais également être les ambassadeurs de nouveaux projets made in UK. Tout cela sera dévoilé prochainement mais à l’heure actuelle, nous nous concentrons vraiment sur les 10 ans d’EMF car c’est un évènement très important pour nous tous.
Nous avons également le plaisir de faire venir le rapper TOKEN (qu’on vous présentera bientôt en détail sur TBPZ, NDLR), à coup sûr l’un des futurs grands de la scène américaine. Ce sera le 2 décembre à la Bellevilloise. Pour le reste, il est un peu tôt pour rentrer dans les détails.
Et pour finir, un artiste rap qui t’impressionne le plus en ce moment ?
Clairement je vais pas être super objectif en disant « Gaël Faye » que j’estime être largement sous côté. Il a une plume incroyable, un superbe flow, un talent scénique et un charisme incroyable. A mon sens, il a une vraie place à prendre dans le paysage du rap français, trop médiocre et superficiel à mon goût.
Son dernier EP « Rythmes et Botanique » est excellent et l’album (en cours de préparation et d’écriture) va sans aucun doute faire très très mal tant il y a une exigence au niveau des lyrics, du flow et de la recherche instrumentale. J’en profite également pour saluer le travail de génie de Guillaume Poncelet, qui est à la réalisation et la compo des nouveaux titres. Gaël et Guillaume partagent une histoire commune et forment un redoutable duo créatif.
Affaire à suivre !
Si cette interview vous a donné envie de tester l’ambiance d’une soirée EMF en live, ne manquez pas la soirée événement « EMF : 10 Year Anniversary » qui aura lieu à la Bellevilloise le samedi 25 novembre. Au programme, plus de 11h de rap non-stop avec à l’affiche les anglais de Foreign Beggars, le collectif 9 O’Clock mais aussi Gaël Faye, Les Poètes de la Rue, Ceeko, Hippocampe Fou, Green-T, DJ Weedim, Mr Kiktor, Aociz, Tha Trickaz, Netick, Dizraeli et Dj Downlow.
The BackPackerz étant partenaire de cet événement, on vous propos de tenter votre chance pour gagner quelques places. Pour participer, rien de plus simple :
Les gagnants seront tirés au sort et prévenus par message privé quelques jours avant le concert.
Plus d’informations : Event Facebook
Billetterie : Digitick
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Super article ^^