Le duo Caballero et JeanJass confirme avec Double Hélice 2 son statut de groupe incontournable du rap francophone, renforce son univers artistique et pousse son délire à un niveau supérieur. Pas un hasard si nous avons retenu cet album dans notre récente sélection des meilleurs albums rap en français de 2017, première partie.
Les personnages cartoonesques et sympathiques du premier Double Hélice ont muté en de véritables aliens prêts à broyer les haters et à engloutir l’industrie du disque. Impossible désormais de les réduire au territoire belge, sur lequel ils ont bâti un véritable mouvement. Aujourd’hui, ce n’est plus le Thalys mais Caballero, JeanJass et leur entourage qui connectent le mieux Paris à Bruxelles, la Belgique au rap francophone.
Un hydre à deux têtes
Les liens fusionnels qu’entretiennent Caballero et JeanJass depuis quelques temps ont fini par engendrer un monstre. Chacun a trouvé en l’autre un alter ego complémentaire, sans oublier de travailler son propre personnage. Tandis que JeanJass se présente toujours comme le mec drôle, détaché et fin gastronome, avec une once de star en plus, le fumeur invétéré Caballero met l’accent sur ses origines espagnoles. Celui qui se nomme El Gordo Guapo va jusqu’à risquer un couplet en espagnol dans « Un endroit sûr ». Un test encore timide mais qui affine les contours de son auteur, lui qui aspire pourtant à grossir comme un cétacé (« On est haut »).
Néanmoins, le groupe se présente comme une seule entité. Dans chaque titre, les voix de Caba et JJ se répondent tel un écho, sans effet patchwork. La pochette de l’album en dit long : cheveux et barbe se confondent pour ne former qu’une figure unique. Chaque protagoniste n’est plus identifiable que par un signe distinctif : les grillz et les lunettes de soleil. Stylisés au maximum, leurs visages sont maintenant prêts à s’afficher dans tous les festivals d’Europe. Godzilla n’a qu’a bien se tenir, le nouveau poids lourd du rap est un hydre à deux têtes.
Le passage en ligue 1
Tel l’hélicoptère qui figure dans le clip de « Sur mon nom », le duo a pris de la hauteur. Double Hélice 2 est conçu pour exploser le plafond de verre du rap. Les deux compères, déjà lancés en orbite avec le volume un, visent ici la stratosphère. L’objectif ? Sortir de l’underground. Fini l’ambiance rétro new-yorkaise, le duo s’arme de ses meilleures punchlines et de dangereux bangers pour conquérir l’arène. La plupart des morceaux sont calibrés, à l’image des premiers singles. Les basses vrombissent, les shirleys s’en donnent à coeur joie et les vocodeurs s’intègrent facilement à l’ensemble.
Majoritairement trap, l’ambiance se fait parfois plus pop, et rappelle à certains égards les inspirations jamaïcaines de Major Lazer. Solides en défense, les deux joueurs placent en attaque le producteur très en vogue Eazy Dew, le jeune BBL, le canadien Freakey!, qui a notamment collaboré avec Krisy, l’immense Hugz Hefner, à l’origine de nombreux titres de Nekfeu, ou encore Ozhora Miyagi, un des producteurs de Nero Nemesis, le dernier album de Booba. Une équipe offensive bien entraînée, prête à décrocher le titre.
Effet choux à la crème
Sucré et gras, Double Hélice 2 est comme une gigantesque pièce montée dont on se goinfre jusqu’à plus faim. Les thèmes relativement légers font du bien, les vannes en pagaille suscitent des éclats de rire et l’alternance rap/RnB séduira autant les minettes adolescentes que les loubards au coeur tendre. Le nombre de références est impressionnant. Le groupe distille sa culture rap US au second degré, puise dans l’universalité de la « hip-pop culture » et se ré-approprie avec humour le langage courant (« Soin »). Auto-suffisants, les comparses ne font appel à Roméo Elvis, Angèle et Seven que comme une cerise sur l’énorme gâteau.
Toutefois, l’ensemble se montre légèrement indigeste sur la durée, et on est heureux de pouvoir reposer sa nuque le temps d’une chanson. Par exemple dans « Un endroit sûr », où les trublions du rap prennent du recul et laissent à voir une facette plus réfléchie. Bien qu’un peu ballonés, on se remet quand même à bouger la tête dès que la machine à hits repart. Attention, l’écoute de « FDP » engendre un grave syndrome De La Tourette, et le gimmick de « La Base » rend fou en l’espace de quelques secondes. Vous êtes prévenus.
À la fois une suite logique et une rupture notoire par rapport au premier album, Double Hélice 2 permet à Caballero et JeanJass de faire évoluer leur rap drôle et technique. Le disque est cohérent du début à la fin et la musique, même un peu stéréotypée, reste de qualité. Grâce au volume deux, les deux acolytes peuvent toucher un nouveau public tout en restant vrais. Il y a fort à parier que les fans suivront Caba & JJ dans cette nouvelle aventure.