Cinquième album studio du emcee natif de Kinshasa, Polaroïd Experience n’a, au final, rien de révolutionnaire dans son esthétique. Ce projet peut se voir comme le prolongement et l’approfondissement des thèmes chers à Youssoupha. Son amour pour les siens, son parcours d’immigré, son regard sur la société qui l’entoure. Avec en prime la sagesse et le recul que peut avoir un homme aujourd’hui quarantenaire, marié et père de famille.
Pour ce faire, celui qui a passé une bonne partie de sa jeunesse à Cergy nous livre un disque dépouillé et concis. Douze titres, pas de featurings, et une production sobre forment un ensemble où le superflu n’a décemment pas droit de cité.
La famille a toujours été un élément central de la vie et de l’oeuvre du rappeur. Ici, il choisit de la mettre en avant à travers la pochette de l’album. Photographie nostalgique inspirant directement le nom du disque, c’est un Youssoupha enfant que l’on retrouve au milieu de sa fratrie, et entouré de sa mère. Un aperçu supplémentaire nous est offert pour le visuel de « Polaroïd Experience », clip éponyme annonçant la sortie de l’album.
En l’analysant de plus près, Polaroïd Experience est un projet beaucoup plus court, moins dense, et plus généralement moins véhément que ses deux grands frères, Noir Désir et NGRTD. Dans « Devenir Vieux », Youssoupha revient sans amertume sur son adolescence, en balayant les conséquences du temps sur les amitiés à l’heure du passage à l’âge adulte et en faisant le bilan, quant à son statut de rappeur aujourd’hui (presque) quadragénaire.
Si le Prims Parolier nous offre un regard toujours pertinent sur les difficultés qu’il a du surmonter pour faire de son rêve de devenir rappeur une réalité avec « Le Jour Où J’ai Arrêté Le Rap », il arrive encore à nous surprendre. D’abord sur « Par Amour » et ses relents clairement pop. « Devant » n’est pas en reste sur ce point là, si on parle interprétation. Ensuite sur « M’en Aller » et sa production importée du temps où la République Démocratique du Congo s’appelait encore Zaïre.
Mais un album de Youssoupha ne serait pas réellement un album de Youssoupha sans une petite démonstration technique de l’intéressé. Chose faite sur « Alléluia / 1989 », morceau qui nous rappelle que son intense couplet délivré pour Dinos dans « Bloody Mary » n’était pas un cas isolé.
Que retenir de cet album ? Entre souvenirs d’enfance, espoirs déchus, doutes inhérents à son statut et ironie, force est de constater que Youssoupha est un rappeur qui a encore des choses à dire, même si on peut reprocher à cette oeuvre une sagesse qui limitera sans doute sa portée à travers le temps. Contrairement à ses deux derniers albums, Noir Désir et NGRTD, qui se révèlent avoir un cachet supérieur à celui-ci.
Ce Polaroïd Experience se révèle tout de même être un disque de qualité. Bien produit, assez varié, et techniquement fort. En somme, c’est un projet d’un rappeur au succès critique et commercial établi, qui n’a plus rien à prouver sur la scène rap français, et qui évite les écueils dans lesquels son statut aurait pu l’emmener.
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