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YG – Stay Dangerous

En pleine phase de reconstruction suite à l’épisode paranoïaque de Still Brazy, son projet précédent. Où YG nous comptait sa vision cauchemardesque de l’Amérique pré-Trump, entre le shooting qui a failli lui ôter la vie et les messages politiques acerbes, le tout servi sur de délicieuses productions G-Funk remises au goût du jour. Il exécute un virage catégorique en terme d’atmosphère sur ce troisième album. En réemployant les tourments qui irriguaient le troublé Still Brazy, il fait ici naître une rage délirante et quasi incontrôlée, qui laisse penser que cet opus et le précédent représentent les deux faces d’une même pièce. Cependant, l’aspect foutraque de ce dernier projet se révèle être à double tranchant pour notre truand préféré. Explications.

Ivresse et gueule de bois

L’ambassadeur des Bloods nous avait bien prévenu. Stay Dangerous reviendrait aux sources du gangsta rap californien et réunirait tous les ingrédients qui en font le sel, c’est du moins ce que laissait penser cette phrase lâchée lors du teasing de l’album :

I made this album off tequila, real life stories, morals, and bad bitches.

En effet, tous ses éléments divers et variés, si représentatifs du mode de vie de YG et de ses homies se retrouvent bel et bien au coeur du projet. Et pour nous partager ce mélange explosif s’il en est, le rappeur californien endosse toute une nouvelle panoplie de flow, allant du plus excentrique au plus déconcertant. Comme sous l’emprise d’alcool, YG paraît totalement désinhibé et ses étranges dictions semblent lui venir de la plus spontanée des manières. Il s’amuse à faire traîner sa voix – déjà dotée d’un certain accent propre à son quartier de South Central – puis à soudainement l’accélérer pour un effet digne des montagnes russes. Lorsque ses expérimentations sur le flow prennent, le résultat est véritablement fun comme sur « Too Cocky » et « Big Bank ». Le plaisir évident que prend YG à rapper sur ces deux tracks est communicatif. Sa décontraction au micro met en avant une facette de sa musique qu’on ne connaissait pas : l’humour. Le banger cartoonesque « Big Bank » avec son casting All-Star en est le parfait exemple. Les invités, très intelligemment choisis, délivrent des performances mettant au diapason leurs talents respectifs d’entertainers, sans jamais nuire à l’équilibre du morceau. Ainsi, ils transforment une simple réunion de emcees aux styles hétéroclites en un hymne décomplexé où l’excès est le maître mot.

Mais l’euphorie qu’apporte la boisson laisse toujours place à la gueule de bois. Et lorsque que l’heure de la redescente arrive, YG n’affiche pas vraiment son profil le plus flatteur. L’exubérance qui rendait Stay Dangerous jouissif se change par moment en roue libre assez grotesque. Le natif de Compton, porté par l’élan tout à fait louable d’explorer de nouveaux terrains de jeu, se livre sur quelques morceaux à une démonstration de style laborieuse. Il y a en premier lieu « Cant Get In Kanada », où il s’approprie le triplet flow popularisé par Migos de manière plus ou moins inspirée. Puis, le très mou « Slay », où au côté de l’erreur de casting Quavo, il délivre une interprétation tout ce qu’il y a de plus fade. Et enfin, le single « Handgun » en collaboration avec A$AP Rocky, morceau étrange qui rassemble à la fois le meilleur et le pire de ce que peut produire le Young Gangsta. Au sein du même morceau, on trouve cette cohabitation ambivalente entre démesure et ridicule. L’énergie qu’il affiche durant le refrain le rend catchy, indiscipliné et plutôt comique. Mais à y regarder de plus près, les nombreux gimmicks et répétitions qui le parsèment mettent en lumière les faiblesses de YG. Soit un delivery qui tombe dans la facilité et des lyrics franchement bas du front, bien qu’on sache que la finesse ne soit pas son domaine de prédilection. Voici les premiers signes d’irrégularité qui traversent l’album et qui l’empêche d’être pleinement convaincant.

West Coast Flavor

De nouveau en bons termes avec son ami d’enfance et collaborateur de la première heure, Stay Dangerous marque les retrouvailles entre YG et DJ Mustard. Pour les amateurs de ratchet music, cette réunion avait de quoi enthousiasmer au vu de leur carte de visite commune (le tube « Left, Right » étant probablement la plus grande ode au twerk des années 2010). Mais il n’en est rien sur cet LP. Si le producteur de la Bay Area reste fidèle aux gimmicks qui ont fait sa réputation, il parvient tout de même à donner un nouvel élan à son style fait de mélodie minimaliste et de hands claps. Bien plus orienté street que club, ses compositions gagnent en texture et dégagent une ambiance véritablement oppressante. L’infernal « Bulletproof » avec son acolyte Jay 305, est une criante illustration de ce climat tendu dégageant une odeur de souffre. Avec des couplets très solides de part et d’autre, DJ Mustard emprunte des éléments de la musique orientale pour construire un beat ténébreux, retranscrivant musicalement l’enfer que doit être la vie de gangster dans la jungle de LA.

Dans un tout autre registre, les deux hommes allient leur force de la plus belle des manières sur l’émouvante conclusion « Bomptown Finest ». Que ce soit YG qui livre une prestation poignante, s’excusant auprès des siens pour s’être éloigné du hood à cause de la célébrité, ou bien Mustard qui nous sert sa production la plus élégante à l’heure actuelle, marquée par une guitare plaintive à souhait. Le duo à l’alchimie toujours intacte livre un sublime hommage à leur territoire.

Hélas, ces très bons points se retrouvent encore une fois entachés par de fâcheux travers qui affaiblissent l’ensemble. Cela est en grande partie du à certains choix douteux de collaborations venant diluer l’identité West Coast ainsi que la pression installée en début d’album. En effet, si la présence au générique du producteur superstar d’Atlanta, Mike Will Made-It, permet à YG de sortir un peu de sa zone de confort, le résultat, lui, nous laisse dubitatif. Face aux basses profondes de « 666 » auxquelles vient s’ajouter le flow ravageur du rookie YoungBoy NBA, le MC de Compton ne délivre rien de mémorable. Preuve de son manque d’inspiration flagrante, il en est réduit à commenter la composition concoctée par l’auteur de « DNA » sur le refrain : « Damn this beat got bass ». On note également la présence des têtes d’affiches, Asap Rocky et Quavo, qui n’arrivent pas vraiment à tirer leur épingle du jeu.

Simãozinho

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