Propulsé en quelques mois à peine au poste de révélation rap du moment, difficile de passer à côté du phénomène YBN Cordae tant il suscite déjà les louanges des plus grands. De Dre à Diddy, on ne compte plus les anciennes gloires du rap qui veulent s’afficher avec ce jeune prodige à la tête de bambin. En France, c’est Orelsan qui a offert le meilleur tremplin au jeune artiste du crew des Young Boss Niggas (YBN) en l’invitant sur son titre « Tout ce que je sais », présent sur la version deluxe de son album La Fête est finie.
Débarqué sur les plateformes début juillet, son premier album The Lost Boy a profité d’une visibilité habituellement réservée à des rappeurs confirmés grâce au buzz généré par ses quelques apparitions depuis fin 2018 et à une flopée de featurings impressionnants : Anderson .Paak, Pusha T, Chance The Rapper entre autres…
Alors faut-il croire à la sensation Cordae ou bien le vieil adage de Public Enemy « Don’t Believe the Hype » est-il encore une fois confirmé ?
Bien qu’il soit passé par trois fois par l’exercice de la mixtape, le jeune Cordae (22 ans) prenait un certain risque en livrant un premier album à une fan base en pleine construction. Mais celui qui a délaissé le pseudonyme « Entendre » pour son prénom au civil a des choses à dire et est doté du fameux « gift of the gab », ce don d’éloquence dont parle les américains et que la langue française a choisi de ne pas traduire.
Dès les premières notes de « Wintertime », on comprend que The Lost Boy ne sera pas un album de rap comme il en est sorti des centaines déjà cette année. Exit les productions trap stéréotypées. Ici, les basses vrombissantes de la 808 sont remplacées par un kick/snare à l’ancienne assorti d’un cuivre et d’un piano classique… Les puristes boombap exultent.
Mais qu’ils ne se réjouissent pas trop vite car le rythme s’accélère et le flow se modernise dès la track suivante avec le bouillant ego trip « Have Mercy » que Cordae avait lâché en single quelques mois plus tôt et qui a longtemps squatté notre playlist ROOKIZ.
L’album continue de défiler et la première chose que l’on remarque est la direction très soulful du projet. Entre la douceur organique de « Bad idea » ( et son refrain emprunté au classique de Gil Scot Heron « Home is where the hatred is »), le couple sample / piano de « Thanksgiving » ou encore le skit gospel « Sweet Lawd » ; tout ici pourrait être issu d’un disque de Talib Kweli ou encore des Little Brother époque début 2000, donnant à l’auditeur un sentiment mitigé de nostalgie et de parfait anachronisme.
Si « RNP », le feat lui aussi déjà sorti avec Anderson .Paak, ne m’emballe pas outre mesure, il est amusant de découvrir qu’il est produit par J. Cole, que le jeune Cordae avait malicieusement remis en place en revisitant son titre « 1985 », un brin condescendant envers les plus jeunes générations de rappeurs.
On arrive ensuite au temps fort d’un album qui se fait plutôt avare en banger. Mais celui-ci compte pour triple tellement il est de ces morceaux qui vous collent la face par terre et vous fait sauter dans tous les sens dès la première écoute. Sur une production MONSTRUEUSE signée par pas moins de cinq compositeurs (Take a Daytrip, Smoko Ono, Russ Chell, Kid Culture et Coop the Truth), Cordae braque l’instru comme la supérette dans le clip qui accompagne ce terrible « Broke As Fuck ».
Sur « Thousand Words », l’album prend un tournant plus social puisque YBN Cordae y dresse un portrait de sa génération. On y comprend que le besoin d’attention et la dictature de l’image ne sont que causes et conséquences d’un mal être profond, exacerbé par les réseaux sociaux.
I think we all wanna be a little Instagram famous
Deep down inside, nobody really wanna be nameless
Afraid of being forgotten, so this troll shit, we plottin’
Sittin’ on this phone for hours, feel my brain getting rotten
A la manière d’un J. Cole, Cordae semble investi de la mission de panser les maux de sa génération par la musique. Aussi, il prêche ça et là l’élévation tant spirituelle que sociale de ceux qui l’entourent et l’écoutent. Une nouvelle version d’un rap positif qui se faisait de plus en plus discret depuis le déclin d’une scène rap alternative portée notamment par des artistes comme Mos Def, Common on encore Talib Kweli de la fin des années 90 aux débuts des années 2010.
Impossible également ne pas mentionner le thème le plus présent sur ce The Lost Boy : la famille. Dès le festif « Thanksgiving » puis dans « Way Back Home » et a fortiori dans « Family Matters », le natif du Maryland semble placer la famille au centre de ses priorités. A travers ces morceaux, le rappeur livre des tranches de vie assez personnelles avec une sincérité déconcertante.
On y comprend notamment que le jeune ado a brutalement basculé dans l’âge adulte après le décès de sa grand-mère et qu’il apprenait au même moment que son jeune cousin s’était fait tirer dessus. Sur un sample magnifique de Charles Bradley, « Family Matters » apparaît comme une version afro-américaine crue et brutale de la fête de famille d’Orelsan. Un portrait de famille qui laisse entrevoir les désillusions d’un « rêve américain » qui ronge le moral et la santé de ses classes les plus populaires.
Dans un rap game qui a tendance à crier au génie un peu vite et à transformer de jeunes rappeurs en devenir en « one hit wonder », YBN Cordae semble faire mentir ces statistiques avec un premier album aussi réussi que prometteur. Doté d’une maturité artistique étonnante pour son jeune age, il parvient à réconcilier plusieurs générations de fans en combinant la technique et l’écriture chères aux plus anciens avec la musicalité et l’énergie des productions qu’une nouvelle génération de rappeurs a contribué à populariser.
Aussi, Cordae renoue avec la tradition d’un rap plus engagé et qui remet au goût du jour une musicalité très soulful (par ces choix de samples et d’instrumentation). A ce titre, difficile de ne pas voir dans la musique de ce jeune rappeur du Maryland la figure tutélaire d’un J. Cole ou d’un Logic qui tout deux sont parvenus au sommet des charts avec un rap qui réconciliait plusieurs générations de fans.
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