Dans la catégorie ‘Groupe à suivre’ depuis 2015, l’heure est venue pour la formation Villain Park de nous présenter leur tant attendu premier album. Un vent d’air frais, ou plutôt chaud, sorti tout droit des rues de Los Angeles avec une ambition à toute épreuve.
Entre leur début il y a maintenant plus de 4 ans avec leur EP Same Ol Shit et ce projet The Recipe, le groupe Villain Park a connu quelques changements importants qu’il est important de souligner. Tout d’abord le line up du crew a évolué avec les départs des rappeurs kilaM et Niftee. Et autour du duo fondateur, composé de Smokey Vendetta et Bunge (connu précédemment comme Classicko), est venu ensuite se greffer DJ Coly Cole pour former dorénavant un trio avec donc deux MC’s
Ensuite, il y a aussi eu du changement dans la partie production. Sur ce premier album, elles sont assurées intégralement par Smokey Vendetta qui occupe donc la double casquette de rappeur/beatmaker. De son côté c’est bien évidemment DJ Coly Cole qui fournit les différents scratches. Avec The Recipe, on a donc un projet qui nous expose une évolution subtile par rapport à leur précédente sortie Same Ol Shit, présentée et décryptée sur ce site lors de sa parution.
Le teaser de ce premier album, mélangeant images d’archives des émeutes de Los Angeles avec des visuels récents du trio, donne un aperçu fidèle de ce qu’on peut attendre de cet opus. Un lien entre deux époques qui présentent toujours les mêmes caractéristiques, que ce soit au niveau sociétal ou musical. Une trame qui servira de fondation à ce projet The Recipe.
Une salle, deux ambiances
C’est un début en deux temps qui nous est offert en ouverture de cet album, avec pour commencer une introduction prophétique suivie par le warm up « Elm Street ». Un échauffement qui va chercher ses origines sonores dans l’héritage West Coast actuel et à la fois passé, comme le G-Funk. Un premier indice sur ce projet qui indique déjà, pour les plus attentifs, que le style boom bap aperçu à leur début pourra être complété par une touche West beaucoup plus affirmée.
Le trio jongle habillement entre ces deux styles et ce n’est pas le single clipé « Visions » qui va contredire cette sensation. Un morceau énergique sur lequel Smokey Vendetta et Bunge croisent le mic pour un exercice parfaitement exécuté qui met au grand jour toutes les qualités de ces deux rappeurs. Du flow et des lyrics à revendre !
« Cold Game », avec Levii et Jay 305, est une nouvelle plongée au cœur de la Californie accompagné par cette ligne de basse tellement typique de cette région. Un morceau qui nous offre une nouvelle fois un lien intemporel entre deux périodes du rap game. Même constat pour le titre suivant « Thang On Me » précédé par la transition « Black Out Radio Interlude » animée par DJ Coly Cole. Une performance qui transpire les rues de West L.A. et les bonnes rimes. Les deux MC’s du groupe, souvent comparés aux rappeurs des années 90, sont des capteurs d’attention avec leur rythme effréné.
I never take an L, I learned a lesson
Après l’écoute de « We Out Here », premier très bon single de cet album et sorti il y a maintenant plus d’un an, il est temps de faire un constat simple : la reprise en main par Smoke de l’ensemble des productions du groupe est une vraie réussite. Le petit frère de Double K (du duo People Under The Stairs) permet véritablement à Villain Park de se projeter dans le rap game contemporain et de ne plus être seulement ‘le groupe West Coast qui fait du boom bap’. Une mise à jour nécessaire et qui est surtout très bien exécutée.
Le show Augustine
Le morceau « Black Meadow » est l’occasion idéale pour faire une petite parenthèse sur leur invité, Hugh Augustine. En 2015 il se fait remarqué avec la sortie de son très bon projet Massimo Ciabatta (sur lequel il utilise et détourne le logo de l’OM pour sa pochette). Puis c’est l’année suivante qu’il obtient la grosse exposition qui change tout avec une apparition dans l’album The Sun’s Tirade d’Isaiah Rashad, sur le titre « Tity And Dolla » aux côtés aussi de Jay Rock. Tout ça pour finalement dire qu’il est grand temps de se pencher sur cet artiste, et qu’il a sorti l’année dernière un tout nouveau projet intitulé Dubius qui mérite lui aussi le détour.
La parenthèse refermée, revenons au morceau « Black Meadow » sur lequel Augustine lâche deux excellents couplets. On assiste à une ballade de plus de cinq minutes où les BPM ralentissent pour l’occasion, tout en laissant place à une ambiance plus décontractée mais toujours engagée. Un titre emmené par cette gimmick entêtante « let me go where the flowers grow » faisant directement référence au discours placé intelligemment en introduction de ce morceau.
Sur ce même titre nos deux MC’s maison élève eux aussi le niveau, fidèles à leurs principes hérités d’un âge d’or du Hip Hop où les propos l’emportaient sur tout le reste : « As soon as that mic is on, I’m never wasting time I speak my mind and speak the truth ».
Évolution et continuité
« Stuck On It » démontre une nouvelle fois l’évolution sonore du groupe entre leur précédente sortie et ce nouvel album, un titre court qui permet à Bunge de s’offrir une sortie solo de haut vol. « Smoke Break » revient immédiatement à un style plus jazzy avec cette interlude instrumentale concoctée par Smoke. Le morceau bascule ensuite sur une apparition isolée de la rappeuse Pookie Blow qui vient appuyer le 8-Ball Villain Crew et s’offrir par la même occasion une nouvelle exposition de choix après son featuring sur le dernier projet récent de Murs.
Et pour finir la revue d’effectif de cette tracklist, les deux derniers titres sont à l’image du pont qui existe pour Villain Park entre quelque chose de plus moderne comme ce « Rare Form » et une vibe beaucoup plus nostalgique sur « 5 Fingaz ». Des performances marquées par cette application toujours présente de construire des morceaux pertinents, que ce soit dans le contenu ou la tenue des flows qui s’adaptent parfaitement à l’environnement sonore proposé.
Ce dernier titre introspectif est le témoin de quelques confidences de la part des deux protagonistes. Bunge y déclare : « Now that I’m older I’m wiser and got a different view / Like how the government lie and try to conceal the truth / Cops wanna kill the youth / They’ll leave you on your back paralyzed and won’t feel for you », quand Smoke se remémore « That thirty day notice put my family in the break down face down / Talking to the law, ‘Where the hell we supposed to stay now?’ / That was my first introduction to stress / It fit great, showing up to school feeling depressed ».
Une recette réussie
Pour conclure, cet album marque une sorte de nouveau départ pour ce désormais trio. Les quelques changements affichés sont tous pertinents, que ce soit au niveau de la couleur sonore ou du choix de se contenter de seulement deux MC’s principaux. Une lecture de l’ensemble qui gagne en clarté et en efficacité, et qui fait de The Recipe une véritable réussite. L’aventure Villain Park ne fait que commencer mais nous laisse déjà présager de belles perspectives. Déjà impatient d’écouter la suite !