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Vhoor, nouvelles vibes au pays du baile funk

« À Belo Horizonte on est encore dans la phase de distanciation sociale, avec la suspension des shows et des performances j’essaye de me réinventer dans ma manière de communiquer sur les réseaux et comment je peux utiliser au mieux les plateformes digitales pour faire connaitre ma musique », autant dire que Vhoor ne chôme pas pendant cette période de confinement. Et alors qu’il revoit ses plans de communication en toute indépendance, Victor Hugo De Oliveira, de son vrai nom, célèbre par la même occasion, et malheureusement en isolement, la sortie récente de son nouveau album, Baile & Vibes. Les premiers retours qu’il reçoit des quatre coins du monde sur les réseaux sont très enthousiastes et confirment un peu plus que Victor a fait le bon choix de se dédier sans relâche au beatmaking, lui qui se destinait dans un premier temps à une carrière d’économiste il y a six ans de cela. 

Troquer les tableaux de statistiques pour les tutoriels de Fruity Loops, Victor ne le regrette pas une seule seconde et son application à la tâche commence à porter ses fruits depuis quelques temps maintenant. « C’est très cool, j’ai l’impression d’avoir beaucoup évolué, j’ai plus confiance en mon travail et dans mes ambitions ». Modeste, « le gamin de Belo Horizonte », comme il est de coutume de le voir nommé dans les journaux locaux, vient pourtant d’être cité par le très prestigieux The Guardian comme un des meilleurs artistes actuels de la musique brésilienne, parmi toute sa diversité. Rien que ça. De Los Angeles à Paris en passant par Londres, où le gros de son audience internationale se concentre, les plus curieux savent depuis 2017 et les premières sorties de Vhoor que le jeune homme cultive une vision artistique singulière qui le différencie inévitablement d’un simple producteur rap. Retour sur l’itinéraire de ce jeune prodige qui explore le sentiment de ‘brésilianité’ au travers de ses productions pour le moins éclectiques.

© Danilo Silva

De Soundcloud à Sango

« Quand j’ai commencé c’était bien compliqué, il y avait très peu de contenu en portugais sur internet concernant la production de beats, et encore moins dans ce que je recherchais », rembobine Vhoor, se remémorant l’époque pas si lointaine de ses premiers pas pénibles dans la production. Si les débuts se sont fait à tâtons, Vhoor a rapidement trouvé appui et appris auprès d’autres beatmakers plus aguerris qu’il rencontre en échangeant sur internet : « Les forums sur internet m’ont beaucoup aidé, échanger des références avec d’autres producteurs brésiliens a été essentiel pour mon évolution en tant que beatmaker ». Vhoor apprend vite et ne brûle pas les étapes, une fois les bases acquises, il se lance dans la foulée sur Soundcloud début 2017 et fait alors de la plateforme à l’onde nuageuse son terrain de jeu et d’expérimentation. « Soundcloud, c’est vraiment une plateforme incroyable pour se developper en tant qu’artiste et découvrir de nouvelles références », raconte-t-il. 

De remixes en edits à la création de ses propres beats, Victor est particulièrement productif d’emblée de jeu et montre rapidement ses obsessions, notamment ce mélange des genres constant avec la musique brésilienne comme noyau dur. Ses melting-pots entre samples vocaux et rythmiques de pagode (sous genre populaire de la samba), de MPB (música popular brasileira) ou encore et surtout de baile funk, croisants des beats au groove house digne de Kaytranada ou davantage trap engrangent des milliers d’écoutes plus vite qu’il ne le pensait. En travaillant très tôt sa propre signature sonore plutôt que de suivre une quelconque tendance et avec de telles références, la musique de Vhoor fini par tomber dans l’oreille du producteur de Seattle connu pour être atteint de « brasileirismo » (sentiment d’amour pour le Brésil), Sango.

« Sango est un de ces artistes que j’ai rencontré sur le chemin de ma carrière et qui m’a donné la base pour me situer dans le style que je fais aujourd’hui », se souvient-il non sans admiration pour celui qu’il considère comme son ami et mentor. Entrés en contact au printemps 2017, après que Sango ait placé le morceau « Tudo » de Vhoor en introduction de son mix pour le fameux programme OVO Radio sur Apple Music, ce n’est qu’en 2019 que les deux hommes viennent à collaborer ensemble. Acima, c’est le nom de cet excellent mini-EP de trois titres où le Brésilien et l’Américain joignent leurs forces autour d’un concept inspirant : l’idée de ne pas laisser la négativité s’emparer de nos motivations profondes dans la vie, toujours être au-dessus de la négativité. Acima (au-dessus). Et quand l’ensemble arbore les nouvelles impulsions esthétiques que peut prendre la fusion du baile funk et de la trap, instantanément cette rencontre artistique sonne comme une évidence.

Baile & More

Au beau milieu de cette collaboration avec Sango, la poignée d’autres EPs réalisée en son nom et ses participations aux compilations du très bon label de global bass Team Oneself auquel il est affilié, Vhoor a tout de même trouvé le temps d’entamer en 2018 une série de beat tapes intitulée Baile &. Un format jusqu’alors peu adopté par les beatmakers brésiliens et dont il souhaitera voir la tendance s’inverser : « Au Brésil, le concept de beat tapes est très rare, c’est un étendard que j’ai décidé de porter avec d’autres beatmakers locaux. C’est très important pour le développement de la scène beatmaking locale ». 

Avec le premier volume du nom de Baile & Beats (2018), le Belo-Horizontino établit la base du concept et s’amuse à triturer dans tous les sens le ‘tamborzão’, la signature rythmique reconnaissable entre tous, du baile funk. Boosté sévèrement avec de la trap ou de la house, puis adoucie de-ci de-là par des samples vocaux obsédants, comme celui de la diva de la pop funk brésilienne Ludmilla sur le majestueux « Assim », ce premier essai est une petite merveille de combinaisons imaginées par Vhoor, et où la grande majorité des morceaux n’excèdent même pas les deux minutes. Tandis que sur son successeur plus expéditif Baile & Trill (2019), l’ambiance y est radicalement différente. L’atmosphère qui plane le long de ces treize minutes se fait bien plus menaçante. C’est justement ce qu’il cherchait à obtenir, une version dark du baile funk, en puisant ses inspirations du côté du penchant sombre de la trap et surtout du phénomène drill qui sévit plus que jamais actuellement.

© Camilaalda

Jamais deux sans trois, Vhoor a dévoilé il y a peu sa nouvelle pièce : Baile & Vibes, pour compléter la trilogie, en attendant une éventuelle suite. Partir sur les mêmes bases mais en allant plus loin et plus fort, voilà comment on pourrait résumer le programme que nous réserve Vhoor sur ce nouvel opus. « Baile & Vibes c’est l’opus le plus expérimental de la série jusqu’à maintenant, c’était un défi de parvenir à adapter les éléments percussifs du baile funk mais avec un BPM plus rapide. J’ai cherché des références dans des styles réputés pour avoir justement une esthétique plus rapide comme le footwork, le kuduro et la trap », explique-t-il. Avec ces onze nouveaux morceaux à peine plus longs qu’à l’accoutumée, Vhoor offre son travail le plus abouti jusqu’à présent et parvient bel et bien à créer une tout autre dynamique, moins spontanée mais mieux équilibrée, plus radicale et diverse.

Quant à la musique brésilienne qui l’inspire tant, elle y fait toujours office de fil rouge : «  J’ai tenté d’utiliser la musique brésilienne davantage comme concept que comme simple fragment », analyse-t-il. Si cette idée de concept n’est pas forcément très discernable à l’écoute, Vhoor tente d’expliquer sa démarche en racontant de quelle manière il s’y est pris pour façonner son fabuleux single « Colômbia » et son sample spectral : « ‘Colômbia’ est née d’une coupe que j’ai fait à partir de la voix de MC Ysa sur son morceau « Baile da Colômbia ». J’ai essayé d’apporter une vibe plus sombre et mélancolique. Je m’inspire beaucoup des musiques de Burial et de la scène hip hop de Los Angeles. J’aime quand il y a des progressions harmoniques simples et profondes ». 

À force de dévouement, le gamin de Belo Horizonte s’est émancipé à une vitesse hallucinante et figure aujourd’hui parmi les producteurs nationaux les plus doués de sa génération, aux cotés du duo de São Paulo DKVPZ et de son comparse de Team Oneself, JLZ. Son prochain objectif maintenant serait de collaborer davantage avec des rappeurs, ce qu’il à déjà commencé à faire, notamment avec Well, rappeur également originaire de Belo Horizonte. Et il se dit plus que jamais prêt pour cela : « J’ai déjà pu discuter avec quelques rappeurs pour un prochain projet, je pense que ça va être une expérience incroyable pour moi. ». C’est tout ce qu’on lui souhaite.

Découvrez Vhoor sur son Bandcamp ou sur son Soundcloud

Simãozinho

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