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Une soirée avec la rappeuse Laeti, artiste entière et passionnée

A-t-on encore besoin de présenter Laeti ? Pour ceux qui n’auraient pas encore vu la saison 2 de Validé, peut-être ! A moins que vous fassiez partie des personnes qui ont contribué à faire de « Rider toute la night » un single d’or avec plus de 15 millions de streams au compteur. Artiste aux multiples facettes, Laeti s’empare de la scène française où elle se confie à travers un premier album, Un jour avec, un jour sans, sorti le 16 mai dernier. Elle qui, d’habitude, préfère s’exprimer sur scène plutôt qu’en interview, a pourtant accepté de jouer le jeu pour BACKPACKERZ lors de son passage au Festival les Escales fin juillet à Saint-Nazaire.

Quelles sont tes impressions à chaud après ce concert ? Parce que tu as dit que c’était ton dernier de l’été. On se sent un peu nostalgique ?

Oui, c’est pour ça que j’étais pleine d’émotions parce que là je sais que je vais passer août sans revoir mon public alors que c’est nouveau pour moi donc on a ce sentiment de quasi-dépendance ; presque accro quoi. Surtout quand ça vient de commencer, c’est tellement magique, t’as pas trop envie que ça s’arrête.  T’as peur que ça ne recommence plus après. Surtout que je sais que j’ai plein de dates en Septembre, en octobre, novembre, décembre.

Car ta tournée elle a commencé depuis juin c’est ça ?
Oui, elle a commencé à la Cigale en Juin. Et après le lendemain, je partais, le surlendemain, je repartais, et après ça ne s’est plus arrêté jusqu’à maintenant.

Tu ne vas pas te reposer ?
Non. On se repose quand on est mort.

Est-ce que c’est « un jour avec » alors quand tu es sur scène ?
En fait, on pourrait dire que quand je monte sur scène, ça ne devient plus un jour avec / un jour sans, ça devient plus une minute avec / une minute sans, une seconde avec / une seconde sans, parce qu’il y a toujours un petit moment où l’on rate une petite phrase (ndlr : elle avait dit Saint-Etienne au lieu de Saint-Nazaire sur scène), d’un coup sur le sol sur la scène y’a un truc un peu plus remonté, on croit qu’on va trébucher. C’est des minuscules secondes, des demi-secondes. T’as 25000 personnes autour de toi, en fait t’es seul dans ta te-tê, t’es toute seule sur la scène, et donc il y a un moment où je vois un regard, une personne qui me sourit, qui me fait un cœur, waw (…). C’est ce que je suis dans ma vie, c’est vraiment ce que je suis dans ma vie. Je le représente comme ça, que ce soit en seconde, en minute, en heure, en journée, en mois, j’ai l’impression qu’on a tous son « avec », son « sans », et que d’ailleurs même sans l’avec, on n’aurait pas le sans, et sans le sans on n’aurait pas l’avec. C’est ce que je ressens.

Et d’ailleurs, on va revenir sur le processus créatif de ton album : est-ce que tu l’as pensé comme une histoire qui commence avec « un jour avec » et finit par « un jour sans » ?
Et bien bizarrement pas du tout. Y’a pas du tout eu ce genre de réflexion-là. Même moi, à la fin de mes morceaux, je ne savais pas si tel ou tel morceau allait faire partie de mon album à part vraiment un. Voilà, je le sens, c’est les miens, j’ai l’exemple de Fantastique, qui avant s’appelait Dans ma vibe…enfin, au studio entre nous, on l’appelle dans ma vibe, des fois on se perd même parce qu’après on trouve les titres qui à la base n’étaient pas les titres des maquettes qu’on a faites, c’est trop bizarre en fait.

Personnellement, j’ai un regret. C’est qu’il n’y ait pas « La route est longue » dans cet album.
On me le dit souvent. (…) Je ne sais pas, tu sais des fois quand tu sors des trucs qui sont tellement intimes, qui sont tellement durs et personnels, t’as l’impression d’en perdre la créativité. Ça te met tellement à nu que t’entends plus la musique qu’il y a derrière, t’entends plus le flow, t’entends juste l’histoire que tu racontes à nu, et donc d’un coup j’ai eu peur, je ne voulais pas donner, je ne sais pas comment dire, pas de la pitié mais je ne voulais pas ce truc de « la vie est dure, les foyers, la famille d’accueil, (…), je m’en sers pour donner de la force et pour dire aux gens qui viennent du même milieu, qui viennent de là où j’étais que c’est possible, et pas pour me lamenter.

Parce que c’est un piano-voix en plus !
Exactement ! Donc je trouvais ça très mielleux, j’voulais pas (ndlr : elle répète ce verbe trois fois avec un ton ferme).

Je me suis dit : les gens qui vont kiffer iront le chercher ! Ils le trouveront. Ça, c’est pas un morceau que j’ai envie de le mettre sur la table et de l’offrir. Si tu as envie de chercher sur ce que je fais, tu vas le trouver !

On va revenir sur « Rider toute la night » à Radio France, le Hip-Hop Symphonique : comment on choisit le titre quand on est invité ? Déjà, comment on est invité à Hip-Hop Symphonique ?
Moi, comment j’ai été invitée à Hip-Hop Symphonique ? Bah déjà j’ai fait la série (ndlr : Validé). Avec Issam Krimi, j’ai fait le dernier truc. En gros, je suis au studio, je suis en train de faire mon son, Frank (ndlr : Gastambide) il passe parce qu’il a besoin d’un truc sur la berceuse…enfin bref un truc pour la série, il passe, et donc en même temps je suis en train de faire mon son. Il tombe en kiffe love sur le son, il me dit : « il m’le faut ! Il m’le faut pour la série ! Dernier épisode, un peu mainstream et tout ». Ouais c’est vrai il est mainstream, « Nous on va faire une version symphonique, truc grandiose ». Waaaw, trop stylé, truc de ouf ! En plus, avec mon son, trop stylé ! Je rencontre Issam Krimi, les musiciens, truc de ouf, tout un orchestre pour moi, et donc là, à la fin du tournage, il me dit : « et un jour, on le refera pour de vrai ! On fera le Hip-Hop Symphonique ».

Oui, car il y en a eu deux, t’es habillée différemment dans les deux (ndlr : clips) !
Exactement ! Et moi, je suis choquée. Il (ndlr : Issam Krimi) me dit : bah oui, comme une vraie star, tu vas le faire. Ah je lui dis (et là elle emploie un ton gêné) : « paaaaas dans le film ?! » J’avais les chocottes, je crois que j’ai fait quinze minutes de balance, j’avais jamais fait ça de ma vie, j’me suis complètement foirée.

Ah bon ?
Oh bah ouais ! J’aurai pu faire mieux. Je suis très, très dure avec moi-même. Je suis très rigoureuse avec moi-même donc je n’ai pas trouvé ça….ouais, je veux travailler encore, je veux travailler encore.

Et d’ailleurs, en parlant de travailler, au niveau de tes influences musicales, c’est un mélange beaucoup d’influences (reggae, soca music, bossa nova…). Comment t’as réussi à trouver une ligne directrice pour cet album-là ?
Ouais, c’est tout ce que j’aime. En fait, je n’ai pas de ligne directrice, c’est juste tout ce que j’aime. J’ai tout écouté : du ska, de la funk, de la soul, du RnB, j’aime beaucoup le punk aussi, j’aime le rock.

Parlons maintenant de Diam’s, parce que t’as reposté sur Insta quelqu’un qui avait dit « la nouvelle Diam’s » et dans « Canapé bleu » dans Validé quand on ferme les yeux, c’est vrai qu’on entend du Diam’s dans ta voix. 
En tout cas, j’ai l’impression que Diam’s elle avait un côté, où déjà elle rappe, ce qui est rare aujourd’hui. Je parle vraiment de rapper, écrire, conscient ou pas conscient, mais juste rapper. Et en tant que femme, apporter d’autres sujets que sur l’homme, je trouvais ça magique, donc c’est pour ça que moi j’ai mis qu’un seul titre (elle commence à le chanter : planqué mon cœur, bloqué mon ex, nous deux c’est mort comme le jour et la night, aïe aïe aïe, aïe aïe aïe
Michto, t’as claqué toutes mes thunes (ndlr : Rien à sauver), j’en ai fait qu’un et c’était celui-là, il était complet ! Et il est en entier, et encore c’est pour dire « Michto t’as claqué toutes mes thunes ! » Je ne suis pas en train de dire : « bébé, tu m’as quitté, je meurs sans toi ! » En tant que femme, je ne voulais pas du tout être…j’étais vraiment contre ça !
J’ai l’impression que, en tout cas dans ce que j’écoute en ce moment, que ce soit homme ou femme, que tout le temps ça parle de relation, de « il m’a quittée / elle m’a quitté » alors que y’a tellement de choses d’autres à dire ! En tout cas, si humblement (elle insiste sur ce mot) je devais me trouver un seul point commun avec Diam’s, ce ne serait pas sa voix car elle est magique, ce ne serait pas elle parce qu’elle est unique, mais juste le fait de parler de plein d’autres choses que l’homme ou la femme quoi. J’ai l’impression qu’elle a parlé de sujets tellement…de T.S., dans ma bulle, enfin y’a plein de trucs où elle parle d’elle entièrement, la manière dont elle n’a pas peur d’être vraiment honnête. Par exemple, moi, dire un jour avec, un jour sans, ce n’est pas forcément me mettre en valeur parce que dans la société dans laquelle on vit, avoir un jour sans, faut pas forcément le dire, et moi je m’en fous, je l’dis.

Je regardais aussi une interview de Kalash et de Kaaris qui disait que le rap c’était pour éduquer. Est-ce que tu penses qu’on arriverait à éduquer à travers des messages ?
Alors tout honnêtement, le rap m’a éduquée. Le rap a bercé mon enfance.

Tu écoutais quoi par exemple ?
Elle chante « Bons moments » de Sniper :

« Laisse moi ça me fait kiffer
Je suis dans mon élément ma ghetto réalité
C’est tellement de choses comment te l’expliquer
Ici les vibes sont trop bonnes
Car le bonheur est dans les choses simples
Zinc on n’est pas des malheureusement
Y’a que le négatif que retiennent les gens
La téci amène aussi de bons moments
Devant le hall quand ça charrie malment »

C’est des trucs où comme dit Casey, « apprends à écrire stp ou apprends à te taire », la Rumeur, IAM, Sniper, bah c’est les bons moments…

J’ai vu que t’as réécrit « Nwaar is the new black ». Comment on arrive à avoir l’audace de réécrire un tel morceau ?!
Ouais, surtout que je parle de choses très personnelles et très intimes. C’est un de mes rappeurs préférés (ndlr : Damso) : il incarne un calme, une poésie dans sa violence qui est pour moi magnifique. Et de pouvoir créer de la lumière comme ça dans de la violence, de la beauté, je trouve ça magique, et aussi d’assumer. Parce que comme on disait dans la société dans laquelle on vit, moi ce que je ressens aujourd’hui c’est qu’on doit faire semblant que tout est beau, qu’on ne ressent rien et que tout est lisse, et quand il fait « Amnésie », et qu’il dit « pourtant je l’ai tuée ».
Pour moi, je le vois comme un féministe. Je le vois comme un mec qui fait de la poésie, et pas du tout comme un écrivain, ni pas du tout comme un macho, et d’assumer autant, mais faut pas être bête quoi ! C’est comme quand Orelsan fait « Sale pute ! » Faut réfléchir !

Avec Bianca Costa, Chilla, Soumeya et Vicky R, vous avez parlé de la construction de l’identité aussi (ndlr : vidéos A seat at the table d’Anoük Tikoudane-Trégane) en tant que rappeuses, en tant que femmes.
Avec Bianca, on s’est rejoint souvent (ndlr : sur des festivals par exemple), Chilla aussi est sympa, là je parle en tant que femmes qui donnent la force, c’est cool. Parce qu’on est dans une compétition, et comme moi je suis dans une certaine égalité entre l’homme et la femme, si les hommes dans le rap sont en confrontation, moi aussi je suis en confrontation, c’est normal ! Je n’ai jamais autant respecté un MC qu’en voulant faire mieux que lui (rires) mais pour autant, c’est quand même cool quand on se dit « Selem ! ». Par exemple, là je finis ma scène et je dis : « Faites un maximum de bruit pour Suzane qui va passer ! » J’aime bien ce côté quand même on est ensemble même si après on est en compét’ ! Je trouve que tout le monde ne fait pas ça et Chilla, elle le fait, j’aime bien ça ! Doria Do aussi !

Et pour terminer, si tu devais choisir un de tes morceaux pour trouver de la force quand ça ne va pas ?
Mmm, laisse-moi réfléchir ! (elle chante un bout de la chanson choisie)

Future millionnaire
Ils savent pas encore
Pour l’instant on fait le job
Bien sur qu’on va l’éteindre
Que des vrais à ma gauche
J’préfère traîner dans le hood, moi
Traîner dans le hood, bah ouais

A l’inverse, un morceau pour se détendre plutôt.
(Ndlr : elle se met à chanter) : « le cœur serré, les yeux vers la lune, j’suis dans la brume, je n’ai que ma plume », celle-là (ndlr : un jour sans) « pour t’expliquer », j’ai du mal à m’arrêter !

Il conclut bien l’album car ça montre que derrière t’as encore du chemin à faire et que c’est que le début en fait.
Ouais, en fait je voulais bien faire comprendre, que les gens sachent que je ne me crois à un stade où…, au contraire, qu’ils sont là avec moi, et que c’est vraiment le début du parcours.

En fait, j’ai écouté ce morceau et après j’ai mis toutes mes impressions que j’avais en écriture automatique. Je peux te lire ce que j’ai écrit ?
Ouais, trop stylé !!!

« Le dernier morceau permet de dire au revoir à ce voyage musical, on sent que c’est le dernier titre car musicalement, la fin du voyage est très bien retranscrite. Et on sent que ce premier opus n’est que la 1ère étape d’un long voyage mais qu’une pause va s’imposer quand même ».
De ouf ! Putain, tu m’as grave cernée hein !!!

« L’héroïne reviendra car elle a encore beaucoup de choses à dire, qu’elle a encore faim mais qu’elle doit d’abord reprendre ses esprits pour revenir encore plus forte. »
C’est vrai, c’est carrément vrai ! C’est fou ! Clairement, si tu disais ça à mon équipe, ils seraient choqués ! C’est ce qu’il vient de me dire, mon régisseur, juste avant, parce qu’il me disait que là ça ne va pas, que je donne trop, et que ça y’est, qu’il faut que je fasse une pause, il m’a dit exactement ce que tu viens de me dire en fait. C’est fou !

Et bien on terminera sur cette note alors !


Propos recueillis par Agnès Ryo, au cours du festival Les Escales de Saint-Nazaire (édition 2022).

La Rédac

BACKPACKERZ, c’est une grande mif de NERDZ réunis par l’amour du son et le goût du partage. Une équipe d’explorateurs passionnés, qui sillonnent la galaxie rap et les nébuleuses voisines, à la recherche de ses futures étoiles.

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