Tout comme son prédécesseur Blue Gospel, Papillon Monarque est un EP qui paraît sur Foufoune palace, le label de Luidji. Selon les dires de Tuerie, ce cadre lui permet dès le départ de garder une liberté artistique et d’expérimenter de nombreuses sonorités issues de styles musicaux variés, avec des passages chantés assumés. Alors que le premier EP de l’artiste, sorti en 2021, mettait en valeur l’ambivalence entre la douceur du gospel et l’intensité de ses propres tourments, Papillon monarque se présente plutôt comme un voyage rouge et groovy teinté de nostalgie.
Le tout introduit par un film de 8 minutes sur la chaîne Youtube de Tuerie, sorti 4 jours avant l’EP. Ce court métrage dirigé par Mohamed Ali et réalisé par Steven Norel est ponctué de photos d’enfants, avec des flashs où figurent des échographies et des incrustations de papillons.
Des archives marquées par une sanglante mélancolie et un soupçon de cruauté, à la Tarantino. Ce visuel va de pair avec l’écoute du projet, qui s’ouvre directement sur la prise de parole, comme dans une comédie musicale ancienne, comme un spectacle de
théâtre monté de toute pièce, d’un personnage principal :
C’est l’histoire d’un garçon triste (Encore une) / C’est l’histoire d’un garçon triste (Un garçon avec des larmes de clown)
dans le morceau « Garçon triste/Federico ». La victime parfaite d’un Truman Show, torturé entre son ego d’artiste et les démons de son passé.
Les liens intimes de Tuerie avec le gospel amorcés dans son premier EP gagnent l’entièreté du projet Papillon Monarque, et prennent une coloration plus chaleureuse et plus soul. D’abord à travers les voix aigües, mais aussi avec les lignes de basse plus continues et dynamiques, et les instrus organiques marquées par des mélodies jazz au piano.
Dans la première partie du projet, le personnage de Tuerie est particulièrement défaitiste. Il dépeint un monde imprégné par ses blessures intérieures, notamment à travers des refrains chantés : « Personne t’entend crier, personne va te sauver, personne va prier pour toi », dans « Numéro vert », qui font naître de la rage, traduite par un egotrip puissant mobilisant punchs sur punchs de manière assez crue, comme ce à quoi son écriture nous a habitués.
C’est aussi une manière pour l’artiste de rappeler que bien qu’il s’imprègne de tous les styles musicaux qui lui parlent, il est un rappeur avant tout, ce que l’on retrouve sur la fin du morceau « G-bounce », dynamique et kické à souhait. Dans cette partie de l’EP, Tuerie se présente comme un « fils du soleil », l’empereur des Incas, avec une rage identifiable dans sa voix qu’il éraille volontairement. Mais ces accès de colère et de confiance cachent des faiblesses qui se dévoilent dès la seconde partie de cet EP en 9 titres.
« Avec le temps, on garde toujours la personne qu’on a perdu dans notre esprit », proclame la voix d’une femme dans le film de 8 minutes qui présente son EP.
Papillon Monarque, c’est un projet profondément nostalgique où de multiples souvenirs s’enchaînent tour à tour. Cette face B s’ouvre avec le morceau « Reconnu sans être riche ». Un retour à la réalité, une grosse claque qui fait redescendre de l’ivresse de la célébrité. Tuerie prend le rôle d’un personnage plein de paradoxes, à la fois très imbus de lui-même, mais surtout très blessé « ça pue la merde d’être reconnu sans être riche », dans le morceau « Reconnu Sans Etre Riche ». A l’inverse d’autres rappeurs qui pourraient mettre en avant leurs possessions et leur statut, il assume complètement la réalité des artistes à l’heure du digital, où la reconnaissance, non monétaire, prend le pas sur le gain d’argent par la musique.
Le rappeur fait un détour vers une instru R’n’B kitsh aux côtés vintages sur « Handicap Match » :
J’ai commencé la vie en Handicap Match
J’compte pas mourir sans avoir une fucking card black
remanié avec un refrain plus soul et porteur d’espoir. « Là où on dort heureux » est un morceau personnel et émouvant où l’artiste livre ses sentiments, notamment traduits par une voix brute, naturelle et vulnérable. Le voyage de Papillon Monarque s’achève avec un air funk à la Parliament et Funkadelic sur le morceau « Juste pour nous », avec des chœurs synchronisés avec la ligne de basse et une guitare pleine de phaser.
Ce projet touchant cristallisé par un court métrage introductif est un collage de pensées qui, regroupées les unes avec les autres, constituent la personne qu’est devenu le rappeur, qu’il essaie d’accepter telle qu’elle est, avec ses failles, ses craintes, son ego et sa musique, pour que la chenille qu’il était sur Bleu Gospel se mue en insecte majestueux. Une pensée pour Kali Uchis qui a aussi utilisé le papillon cette année sur son album sucré et mielleux Red Moon in Venus. Papillon Monarque de Tuerie est un bel exemple que la soul et la Funk peuvent fusionner avec le rap en faisant un ensemble cohérent, moderne et marquant. Encore en 2023.
Chronique signée Marjolaine Bérisset.
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