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TSB, parcours du prodige anglais de la production

Peux-tu te présenter à nos lecteurs et lectrices ?

Je m’appelle TSB, je suis un producteur, artiste et DJ du sud de Londres.

Comment as-tu commencé à faire de la musique ?
La musique a toujours était importante dans ma famille donc ça a toujours été en moi. Mon frère aîné est producteur et compositeur (NDRL : c’est le producteur Maestro). Dès mon plus jeune âge, je le regardais créer de la musique et cela m’a inspiré à créer moi-même à ma manière.

À quel âge as-tu commencé à faire tes premiers beats ?
J’avais 16 ans. J’ai commencé pendant les vacances d’été, juste après avoir terminé le collège. Mon frère avait commencé à faire des beats, il était au lycée à ce moment-là. Moi j’avais tout l’été pour m’amuser et c’était ça qui je kiffais faire.

Quelle est la différence d’âge avec ton frère ?
Il a trois ans de plus que moi. Je le regardais beaucoup faire et je l’admirais musicalement. Il jouait de nombreux instruments, notamment du piano à l’Église et quand il a commencé à produire, il a tout de suite était bon. Donc je pouvais voir que c’était possible pour moi aussi.

J’imagine que ça a joué un rôle dans le fait que tu prennes la musique au sérieux. Tu te souviens du moment où tu as décidé que tu voulais en faire une carrière ?

Quand il avait 21 ans, mon frère a produit un titre pour Rihanna (NDLR : le titre « What Now »), donc ça a vraiment ouvert la porte aux possibilités de ce qui peut arriver dans la musique à un jeune âge. Je n’ai jamais eu l’occasion d’étudier la musique à l’université mais je savais que j’aimais vraiment ça et j’ai commencé à avoir de petites opportunités avec des rappeurs.

Tu as dis que la musique faisait partie de ta famille. C’était quoi la musique qui passait chez toi quand tu as grandi  ?
Beaucoup de jazz, de gospel, de R&B et de soul. Mon père nous a élevé avec tous types de musique. C’est lui qui m’a fait découvrir le rap, que ce soit Jay-Z ou 50 Cent et la musique R&B des années 2000. Nous écoutions aussi des artistes comme George Benson, The Gap Band, Fleetwood Mac ou The Brothers Johnson. J’ai grandi en écoutant du blues et de la funk, tu sais où ça joue vraiment de la musique live avec plein de synthétiseurs, ce genre d’ambiance.

Ça explique pas mal de choses sur ta musique !
Oui, dès mon plus jeune âge, mon père s’assurait toujours qu’on fasse attention aux producteurs ou soulignait certains détails dans les productions. Je ne pense pas qu’il réalisait quel allait être le résultat de ses actions!

Comment as-tu placé tes premières productions ?
Je dirais une nouvelle fois grâce à mon frère parce qu’il m’emmenait à certaines sessions avec des artistes et je voyais cela comme une opportunité de leur jouer mes prods. Je contactais aussi des gens sur les réseaux sociaux. Twitter a été très utile par exemple. J’envoyais des messages aux artistes sur leur timeline en disant « Hé, j’ai un beat pour toi, je pense que tu aimeras, c’est quoi ton email ?« . C’est comme ça que j’ai contacté beaucoup d’artistes avec qui j’ai travaillé. Ma première conversation avec Stormzy c’était un message sur Twitter, pareil pour AJ Tracey. C’était en 2014 donc il y a 10 ans en fait!

 

Et quel est ton premier morceau qui a vraiment percé ?
J’avais un titre avec Stormzy en 2014 (NDLR le titre « Dreamers Disease ») mais Stormzy n’était pas encore vraiment connu, donc je dirais que ma première vraie connexion avec un artiste plus important c’était avec J Hus quand j’ai fait « Spirit » sur l’album Common Sense. On a créé le morceau en 2016 et il est sorti en mai 2017.

Comment avais-tu rencontré J Hus ?
Je travaillais sur un disque de pop avec deux amis producteurs et le disque a fini par être signé chez Sony Black Butter. Le responsable du label nous a dit que J Hus travaillait sur son premier album solo et qu’ils étaient intéressés pour nous faire venir en studio avec lui. Ce n’était même pas vraiment pour moi, ils parlaient plutôt de mon frère et d’autres producteurs qui travaillaient dans le même bâtiment. J Hus était en prison à l’époque donc nous avons dû attendre, mais quand il est sorti, lui et moi nous sommes bien entendus. J’avais rencontré JAE5 (autre producteur de J Hus NDLR) auparavant et nous avions bosser sur quelques idées ensemble, donc je pense que JAE5 a simplement dit à J Hus « quand tu es en studio et que je ne suis pas là, tu peux quand même travailler avec TSB ». Avec le temps, nous avons construit une bonne relation et peu de temps après le morceau « Spirit » a été créé.

Tu peux nous parler de la création de “Spirit”?
Avant de faire « Spirit », je me suis posé avec J Hus et je lui ai demandé « de quoi tu veux parler aujourd’hui » ? Il m’a dit que quand il était en prison, il n’y avait pas vraiment de musique exaltante à la radio. Il voulait créer quelque chose d’inspirant et de puissant. Tu sais, j’ai bien fait de poser cette question parce que cette chanson est devenue tout ce que nous avions l’intention de créer. Il y a du pouvoir et de la beauté à créer avec intention. Le titre démarre avec la phrase “even when we never had a penny, we always had spirit”, c’est une déclaration forte et plein de gens peuvent s’identifier à ça. Cette chanson parle de liberté et d’affronter l’adversité, c’est une chanson très puissante.

Common Sense sort en 2017 et devient un classique, tout comme le titre “Spirit”. Qu’est-ce qui se passe après ça ?
Après Common Sense, j’ai fait « Disaster » pour Dave en featuring avec J Hus sur l’album Psychodrama. Ça été ma première chanson à atteindre le top 10 au Royaume-Uni. Cette chanson a fait disque de platine et c’était le premier album sur lequel j’avais travaillé qui a atteint le numéro un au Royaume-Uni. C’était fou d’avoir J Hus puis Dave en 2019. La même année j’ai travaillé sur l’album de Mo Stack où j’ai produit deux des singles « Shy Girl » avec Stormzy et « Shannon ». J’ai commencé à bosser avec DC aussi. C’est à ce moment-là que les choses ont vraiment commencé à s’accélérer pour moi.

Quel était ton état d’esprit à ce moment-là ?
Mon état d’esprit était de montrer que j’étais l’un des meilleurs. Peu importe avec qui je travaillais pendant cette période il fallait que le titre soit bon et explose.

En 2019, tu fais « Daily Duppy » de J Hus qui est un moment spécial aussi..
Quand le Daily Duppy (freestyle pour la chaîne GRM Daily NDLR) de J Hus est sorti, je pense que les gens se sont dit « oh wow, TSB est vraiment chaud ». C’était le premier titre de J Hus sur laquelle j’ai mis mon tag au début du titre. Comme il venait juste de sortir de prison à cette période, tous les regards étaient braqués sur lui et sur ce titre. C’était dingue et ça a vraiment renforcé ma réputation. Puis six mois plus tard, Big Conspiracy est sorti. Mais en réalité, à la fin de 2019, j’avais décidé d’arrêter la musique et je n’avais aucune intention d’y revenir.

Attends, quoi ? Tu avais décidé d’arrêter la musique ?!
Oui j’étais déprimé et je n’étais pas heureux. Ce n’était pas à cause d’un manque d’opportunités ou de succès, mais je n’avais plus envie de faire de la musique. Par la grâce de Dieu, j’ai réussi à retrouver mon rythme et à me remettre dans la musique, mais au moment où l’album Big Conspiracy sort j’avais décider d’arrêter. « No Denying » est l’une des dernières chansons que j’ai composé avant d’arrêter.

En y repensant, « No Denying » est un titre assez sombre…
Oui, c’est vrai. C’est l’un des premiers beats de drill que j’ai fait et c’était aussi la première fois que J Hus rappait sur un beat de drill. Les gens ne s’y attendaient et sont devenus fous! J’avais d’autres chansons sur l’album, notamment « Big Conspiracy » et « Helicopter ». C’est les deux premiers titres de l’album et mon tag est au début donc avant même que l’album ne commence, la première chose qu’on entend c’est « TSB », c’était un grand moment.

En plus Big Conspiracy sort à un moment très particulier puisque c’est juste au début de la pandémie de Covid. D’ailleurs le nom de l’album est lié à ça ?
Pour être honnête avec toi, je n’en ai toujours aucune idée. L’album a fuité une semaine plus tôt, je ne sais même pas comment. Nous avons été forcés de le sortir sans promo, sans clips vidéo et l’album a quand même était numéro un.

Tu as dit plus tôt que tu avais décidé d’arrêter la musique. Qu’est-ce qui t’y a ramené ?
Ma relation à Dieu. J’ai retrouvé ma foi en tant que chrétien et j’ai réalisé qu’il y avait un but derrière ce que je faisais, que cela me dépassait. Et j’ai recommencé à m’amuser. En 2020, la pandémie a frappé et j’ai commencé à travailler sur ce que je pourrais appeler R&Drill. Je dirais que « No Denying » était ma première tentative. J’ai eu aussi beaucoup plus de sorties cette année-là. C’est là que certains titres de DC ont commencé à sortir. Je travaillais avec Knucks, j’ai fait le featuring de DC et Knucks également et puis j’ai eu « Princess Cuts » pour Heady One qui était un gros morceau. J’ai aussi signé mon projet d’artiste avec Sony à l’époque, c’est à dire un album de TSB avec d’autres artistes et j’ai sorti le premier single « Jagged Edge ». Je n’ai toujours sorti que ce single jusqu’à aujourd’hui.

Quel est ton objectif avec ce projet ?
Le but du projet est de montrer à quel point je suis polyvalent dans différents univers musicaux. L’album s’appellera The Sound Book. Je n’ai pas encore de date de sortie, mais idéalement, à l’automne de l’année prochaine. Avant cela je dois construire ma marque à un niveau où les gens demandent le projet, je ne veux pas sortir un projet qui tombe dans l’oreille d’un sourd.

J’aimerais parlé de 2023 parce que ça a été une grosse année pour toi.
Ça a été une année décisive pour moi en effet. J’étais producteur exécutif du troisième album de J Hus Beautiful and Brutal Yard qui a de nouveau été numéro un. C’était mon quatrième album numéro un au Royaume-Uni. Superviser quelque chose comme ça et qu’on m’accorde cette confiance, c’était très gratifiant.

Tu peux nous parler de la différence entre beatmaker et producteur exécutif  ?
Créer un beat est une chose, mais être en charge de la couleur sonore d’un projet complet en est une autre. Quand tu es producteur ou executive producteur, tu dois aussi superviser. Cela signifie finir des morceaux que tu n’as pas commencé, avoir une vision, savoir comment les choses doivent être assemblées et comment faire en sorte que quelque chose sonne de manières cohérente. Parfois, cela signifie beaucoup d’allers-retours, faire venir des musiciens en studio pour rehausser un titre et créer une meilleure sensation. En fait il faut être capable d’orchestrer, c’est complètement différent. Faire un beat c’est amusant, mais il n’y a rien de tel que d’orchestrer.

Quelle était ta vision pour Beautiful and Brutal Yard ? Y a-t-il eu des conversations avec J Hus avant de le faire ?
Même si j’étais le producteur exécutif, J Hus était vraiment la tête pensante. Il voulait faire les choses à sa manière et il était très authentique sur la façon dont il voulait que cet album sonne. Donc même si j’ai fait mon boulot je n’ai pas eu besoin d’écrire l’histoire parce qu’il l’a fait lui même. C’était vraiment collaboratif dans la façon dont nous l’avons abordé et aussi très authentique de sa part. Mon travail était plutôt de faciliter ce qui était dans son esprit et de m’assurer que la musique représentait ses émotions. Traduire la vision en son. Et si tu peux faire ça, l’artiste sera toujours heureux. Ce n’était pas très difficile parce que nous avons déjà une relation et nous sommes proches.

Quelle est la chanson de cet album dont tu es le plus fier ?
Je les aime toutes pour différentes raisons. Je dirais probablement « Masculine » juste parce que Burna Boy est dessus. Il y aussi « Nice Body » avec Jorja Smith, « Alien Girl » ou « My Baby ». Mais la fierté pour moi c’est l’album dans son ensemble. Et en plus on a eu Drake sur l’album !

J’aimerai parler d’une autre artiste, Cristale, pour qui tu as produit le titre « Antisocial » qui est un de mes morceaux préférés sorti l’année dernière.
J’ai vraiment aimé faire ce morceau, Cristale est comme une petite sœur pour moi et j’ai beaucoup d’affection pour elle. Je voulais travailler avec elle depuis 2020 parce que j’avais vu ses freestyles exploser sur les réseaux sociaux mais cela ne s’était jamais concrétisé. C’est son label qui m’a appelé l’année dernière parce qu’elle avait écrit « Antisocial » mais il y avait un problème avec la production et ils m’ont demandé de refaire toute la chanson.

Comment tu vois son développement en tant qu’artiste ?
Elle est encore très jeune, elle a seulement 22 ans mais c’est l’une des meilleures rappeuses avec qui j’ai travaillé, elle est tellement talentueuse. Nous devons juste trouver comment faire plus de titres. Pour elle, écrire des lyrics est facile mais mettre cela dans un format de chanson qui fonctionne est plus difficile. Elle est aussi très bonne sur scène, j’ai fait en live avec elle aux MOBO Awards cette année, c’était une grande bénédiction.

Avec quel autre artiste aimerais-tu collaborer ?
Jorja Smith, j’ai collaboré avec elle mais pas pour son propre projet. Il y en a beaucoup d’autres mais je dirais elle en premier.

Tu voudrais travailler avec des artistes américains aussi ?
Oui bien sûr. Je prévois d’aller à LA bientôt parce que c’est probablement la seule chose qui manque vraiment à mon CV. C’est quelque chose que je veux bien faire. Il ne s’agit pas seulement de travailler avec eux, je veux le faire avec les bons titres.

Tu as des artiste spécifiques en tête ?
Non, pas particulièrement, je travaillerai avec tout le monde (rires). Mais bon si je devais vraiment te donner des noms ce serait Drake ou Kendrick Lamar.

Alors du coup je suis obligé de te demander ton avis sur le clash !
J’ai adoré! Je pense que Kendrick a gagné, cela va sans dire. J’aurais aimé que Drake gagne parce que je suis un plus grand fan de Drake que de Kendrick mais il faut être honnête. Après c’est génial pour la musique et pour le rap parce que le rap était devenu assez ennuyeux au global ces derniers temps.

Tu trouves que la scène rap UK est aussi ennuyeuse ?
Oui, c’est assez ennuyeux. Il ne se passe rien de vraiment intéressant. Ce qu’il faut, c’est de l’innovation. Les gens doivent prendre des risques et pas assez de gens prennent des risques en ce moment.

Et que penses-tu de la scène française ? Tu connais un peu ?
J’adore la scène française, je prévois de venir à Paris à la fin du mois prochain d’ailleurs. Je travaille avec des artistes français depuis plus d’un an mais ces morceaux ne sont pas encore sortis. J’ai bossé avec Tayc, Keblack, Niska et Tiakola par exemple. J’aimerais travailler avec Aya Nakamura et Ronisia aussi. Nous devions travailler sur quelque chose avec Ronisia le mois dernier mais nos emplois du temps n’ont pas cessé de se croiser. Je veux vraiment travailler avec elle.

Tu travailles sur d’autres projets en ce moment ?
Je travaille sur plein de trucs que j’aime en ce moment! Des choses que j’ai déjà faites et de nouvelles choses. Je travaille avec des boys bands par exemple, des trucs indie pop. Je suis ouvert et je cherche toujours de nouvelles opportunités donc pour les gens qui lisent ça et veulent travailler avec moi, contactez moi !

Remerciement à TSB pour son temps et ses réponses. Merci également à Fémi et Ivie qui ont permis cette rencontre.

Florent Hacq

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