Tierra Whack, talent illimité et univers décalé
Fin 2018, alors que nous réalisions notre sélection des clips de l’année, je tombais par hasard sur « Whack World », un clip énigmatique de 15 minutes signé Tierra Whack. Acidulé et collant comme le bubble gum, l’univers de cette jeune artiste fascine et attire déjà les plus gros noms : de Coachella à We Love Green, où elle se produira au mois de juin. Un portrait s’impose.
Philly Style
Originaire de Philadelphie, Tierra Whack, 23 ans, appartient à cette génération que les marketeux aiment à appeler « millenials ». Comme pour mieux coller aux clichés de cette classe d’age, la jeune artiste évoque elle même de gros problèmes d’attention et fait de nombreuse références aux pathologies dites « ADHD » (soit les troubles du déficit de l’attention, en français) dans sa musique.
Mais rassurez-vous, la jeune Whack a su canaliser ses problème d’attention pour les transformer en de sérieux atouts artistiques. Après s’être découvert un certain talent pour la rime et l’interprétation via la poésie, la jeune artiste s’était lancée dans le rap sous le nom de Dizzle Dizz, un premier pseudonyme inspiré de la légende de la grime Dizzee Rascal, dont elle affirme être une grande admiratrice.
A l’âge de 15 ans, elle fait ses premiers pas sur les scènes open mic de Philadelphie et enregistre quelques morceaux avec des artistes locaux comme We Run the Streets. On peut notamment retrouver sur YouTube, le clip du morceau « Dizzy Rascvls », qui témoigne de cette phase juvénile qui a forgé les qualités de rappeuse de Tierra Whack.
Whack is the name
Après avoir débuté un lycée artistique à Philadelphie, elle part avec sa mère finir ses études à Atlanta. Là-bas, Tierra a pu affiner son style au sein d’une des scènes musicales les plus bouillonnantes du pays. C’est à ce moment qu’elle choisit d’abandonner son premier nom de scène pour adopter son identité civile officielle : Tierra Whack !
En 2017, de retour à Philadelphie, elle sonne le véritable coup de départ de sa carrière professionnelle avec les singles « Toe Jam” et “S—- Happens« . Mais c’est avec l’excellent « Mumbo Jumbo » que Tierra Whack glanera ses premiers retombées presse et à peine quelques mois plus tard une signature chez Interscope.
Dans le clip « Mumbo Jumbo », Tierra Whack pose les premières briques de son univers absolument ubuesque avec un visuel délirant, dans lequel on la voit entre autre rapper les couplets du morceau avec un « écarteur dentaire ». La vidéo ne manqua pas de séduire la presse spécialisée (Pitchfork, Stereogum, Pigeons & Planes) et vaudra même à la jeune Whack une nomination aux Grammy’s 2019 dans la catégorie « Best music video ».
Whack World
Lorsqu’elle retourne en studio pour enregistrer son premier projet, Whack n’a qu’une seule obsession : être créative et se démarquer. Alors qu’un jour son ingé son, fou de rage, lui balance qu’elle ne sera jamais capable d’enregistrer un album si elle change d’humeur toutes les cinq minutes, l’idée lui vient d’enregistrer un projet compilant ses sauts d’humeurs dans une succession de morceaux très courts s’enchaînant dans un joyeux bordel.
Le résultat de ce pari un peu fou, c’est Whack World, un album de 15 titres d’une minute chacun, sorte de patchwork de capsules musicales qui vous invitent dans une épopée auditive délirante et souvent au bord de la schizophrénie. A mi-chemin entre la sitcom BET et l’univers barré de Tyler The Creator, Whack World est un feu d’artifice des influences de sa créatrice. Cartoons, films d’horreur et références culinaires se mélangent dans une grand cocktail sur-réaliste qui ne demandait qu’à être mis en image.
Pour ce faire, Tierra Whack et son équipe ont eu la bonne idée de faire appel au réalisateur français Thibaud du Verneix. Pour capitaliser sur le concept de 15 morceaux d’une minute, Tierra et Thibaud ont eu la brillante idée de transposer Whack World l’album en une vidéo de 15 minutes compilant l’intégralité du projet sous la forme de 15 petites scénettes sur-réalistes, souvent drôles, parfois satiriques et versant de temps en temps dans un glauque triste qui rappelle Burton.
© The Fader
Next big thing ?
Un talent naturel pour la mise en scène et le comique, des qualités rap intrinsèques au dessus de la norme, une facilité apparente pour trouver la « top-line » qui fait mouche, Tierra Whack n’est pas sans rappeler une autre artiste féminine qui a dominé les charts au début des années 2000. Si la comparaison avec Missy Elliot est évidemment un peu prématurée, on est tout de même tenté de miser sur une explosion prochaine de cette jeune artiste qui, a 23 ans seulement, semble avoir déjà trouvé la recette de la potion magique mais aussi (et surtout) sait parfaitement comment attirer l’attention pour la faire connaitre.
Avec sa ribambelle de singles sortis depuis début 2019, la jeune Whack semble en tout cas déterminée à offrir une suite à son Whack World. Toute la difficulté sera désormais de réussir à renouveler l’expérience originale et créative qu’elle nous aura offert avec ce concept album. Lorsqu’on jette un œil au clip de « Unemployed », fraîchement débarqué sur les réseaux, on a toutes les bonnes raisons de croire que 2019 ne se fera pas sans Tierra Whack.