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L’histoire de Tairrie B, la première rappeuse blanche signée en maison de disque

Née le 18 janvier 1965 à Anaheim, dans la banlieue de Los Angeles, c’est dans cette même ville que le destin de Tairrie B basculera, mais nous y reviendrons un peu plus tard… Theresa Beth commencera sa carrière d’artiste à seulement 21 ans dans l’un des trois univers musicaux qu’elle côtoiera. Au sein du duo Bardeux, qu’elle formera brièvement avec Stacy Smith, Tairrie s’essayera à la musique électronique et plus particulièrement à la Synth-Pop très populaire dans les années 80. Les deux jeunes filles sortiront en 1987 leur premier single « Three-Time Lover ». Un titre des plus entraînants mais pas vraiment à l’aise dans ce style, elle décidera de quitter le groupe rapidement avant même la sortie de leur premier album pour se diriger vers quelque chose de complètement différent.

On la retrouve deux ans plus tard en 1989 à un concert du groupe phénomène N.W.A. Lors de ce show elle fera une rencontre déterminante en la personne de Jerry Heller, manager du crew de Compton. Elle sera présentée par une de ses amies actrice, et quand Jerry lui demandera ce qu’elle fait dans la vie, elle lui répondra sûre d’elle : « Je suis une rappeuse ! ». Intrigué par cette jeune fille de 24 ans qui n’a pas froid aux yeux, il lui proposera alors de venir faire un essai quelques jours plus tard comme le raconte Ben Westhoff dans son ouvrage Original Gangstas. Voici donc comment commence l’histoire de Tairrie dans le milieu du Hip Hop.

Première rencontre avec N.W.A.

Le jour J arrivera et Tairrie se présentera donc comme prévu au rendez-vous donné par Jerry Heller. A la recherche de nouveaux talents à signer, le label Ruthless Records avait décidé d’organiser une journée d’audition pour dénicher les rappeurs de demain. Quand le tour de Tairrie arrivera, elle sera surprise de se retrouver directement en face du groupe N.W.A. au complet accompagné par The D.O.C. Un peu sidéré de voir débarquer une fille, et en plus blanche, le crew de Compton sera finalement aussi surpris qu’elle.

Venue avec une cassette comportant un seul et unique morceau, ce titre sera écouté du début à la fin dans un silence plutôt pesant pour la rappeuse qui se demanda finalement si elle avait bien fait de venir… A la fin du titre, juste avant qu’elle quitte la salle, Eazy-E lui demandera avec un sourire : « Tu veux donc un deal en maison de disque ? ». C’est donc comme cela qu’elle décrochera lors de cette audition un contrat et deviendra la première rappeuse blanche signée sur une major.

Relation tumultueuse avec Dr. Dre

Quand arrive le moment de travailler sur son premier album, Eazy-E et Dr. Dre commenceront à lui expliquer leur manière de procéder. Rapidement le Doc de Compton lui fera comprendre qu’il a ce besoin de tout diriger du début à la fin, le tout avec l’approbation d’Eazy. A cette époque, tout ce que touchait Dre se transformait en disque de platine et donc en cash pour le label. Une recette qui avait fait ses preuves et que les deux associés ne voulaient donc surtout pas changer.

Forte tête et pas du genre à se faire imposer des conditions, Tairrie B ne se démontera pas et n’hésitera pas à répliquer à Dre : « Ce n’est pas ton album, c’est le mien ! ». S’en suivra une première altercation verbale entre les deux artistes qui amènera Eazy-E a sortir finalement le premier album de la rappeuse sur son nouveau label Comptown Records et non sur le fameux Ruthless Records.

Vous l’aurez compris, l’enregistrement de ce projet se fera donc sans Dr. Dre et ses productions. Tairrie B produira elle-même les morceaux de son album aux côtés de Quincy Jones III, Bilal Bashir et Schooly D. A l’époque, Eazy et sa bande avaient une habitude récurrente sur les LP du label qui était de conclure la tracklist par un titre qui regroupait plusieurs membres du crew. Comme sur « The Grand Finale » de The D.O.C. ou « The Last Song » de Above The Law, par exemple. C’est donc dans ce sens que le label lui proposera un morceau déjà écrit en partie par Ice Cube et produit par Dr. Dre. Là encore la rappeuse s’opposera à l’idée et ira même beaucoup plus loin…

It’s time to be Ruthless!

Elle décidera de s’emparer du thème principal de ce titre pour le détourner et en faire sa propre création qu’elle produira de son côté. Le morceau en question sera intitulé « Ruthless Bitch » dans lequel elle n’hésitera pas à s’en prendre directement à Dr. Dre dans son cinquième couplet. Commence alors un début de règlement de compte entre les deux artistes avec des attaques plus qu’explicites de la part de Tairrie : « A Ruthless attack is what’s going down / But you ain’t got nothing to do with Comptown / I produce myself so I brag it / Go back to wearing sequins, ’cause you look like a faggot / World Class? You got no class / So when they said that you’d produce me, I said I’ll pass ».

Une initiative qui ne plaira pas du tout à Dre et c’est lors d’une soirée pour les Grammy Awards qu’il ira lui dire ce qu’il pense de sa prestation sur ce titre. Arrivera donc la deuxième altercation entre les deux, avec un début de bagarre dans lequel le Doc la frappera à deux reprises… Les personnes présentes les sépareront et un peu plus tard Jerry et Eazy arriveront à la convaincre de ne pas porter plainte contre Dre. C’est donc dans un climat très tendu que sortira officiellement quelques semaines plus tard son album The Power Of A Woman.

Un projet comportant comme single principal « Murder She Wrote ». Un titre plutôt convainquant qui ne suffira pas toutefois à faire décoller la carrière de Tairrie en tant que rappeuse. Sur ce projet on y croise bien évidemment Eazy-E et notamment sur le morceau « Anything You Want ». Un titre dans lequel il se contente d’échanger quelques mots avec Tairrie et de clarifier certaines choses, comme leur relation. Quand Tairrie lui demandera « Yo everybody thinks that I’m rocking you and that’s why I got a record deal », la réponse d’Eazy sera sans équivoque « Fuck naw, she won’t even give me the pussy ».

A cette époque Tairrie B est en couple avec le rappeur Everlast qu’on retrouvera sur le morceau « Vinnie the Moocher », qui reprend parfaitement le fameux sample du « Minnie the Moocher » de Cab Calloway. Et pour l’anecdote, Dr. Dre apparaîtra sur le titre « Player » aux côtés de Eazy et The D.O.C. dans lequel ils se demanderont à quelle type de femme ils ont à faire. Tout un symbole !

Si ce projet est dans son ensemble plutôt solide et surtout très bien produit, au final cet album ne trouvera pas son public et sera un échec commercial. Dans les années qui suivent, la rappeuse se lancera dans l’enregistrement de son second LP qui finalement ne verra jamais le jour (si ce n’est en 2010 plus de 17 ans après sur son Bandcamp). Elle sera libérée de son contrat avec le label Comptown d’Eazy en 1995, quelques jours avant son décès.

Nouvelle réorientation musicale

Pendant l’enregistrement de son second album Hip Hop, la rappeuse va tout doucement s’ouvrir à un autre univers musical en se rapprochant de la scène Metal. En 1995 elle se lancera donc dans une nouvelle aventure avec le groupe Manhole (qui sera renommé plus tard Tura Satana). Deux albums plus tard, le collectif se séparera et Tairrie intégrera une nouvelle formation avec My Ruin. Groupe dans lequel elle rencontrera son futur mari Mick Murphy. Pendant plus de 10 ans, le band se construira une solide réputation et une base de fan fidèle notamment en Grande-Bretagne.

En 2015, à la surprise générale, Tairrie B sortira en téléchargement gratuit sur son Bandcamp un nouvel album Hip Hop intitulé Vintage Curses. Un projet qu’elle présentera comme « a dark and witchy feminist journey back to my hip hop roots with a classic old school West Coast influence ». Le premier single clippé « Beware The Crone » nous dévoile une Tairrie une nouvelle fois en noir et blanc comme pour nous rappeler ses débuts avec son fameux « Murder She Wrote », mais en plus gothique. Un opus qui aura une portée particulière pour elle puisqu’elle le sortira à l’âge de 50 ans et pour les 25 ans de son premier album solo.

En 2020, 30 ans après la sortie de The Power Of A Woman, cet album et cet artiste restent toujours peu connus du grand public. Tairrie B aura pourtant écrit l’une des pages les plus symboliques de la culture Hip Hop dans un climat bien différent d’aujourd’hui.

matic

A placé le Hip Hop sur écoute de façon illégale. Souhaite être enterré dans une boîte à rythme avec sa collection de K7 audio et un recueil des meilleurs couplets de Rakim. Fondateur du blog LE HIP HOP SUR ECOUTE.

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