Porté par des singles percutants qui ont posé les bases de son univers, en témoignent « The Bottom » et « Drug Dealer », et son COLORS dans lequel il nous a gratifié du son plus mielleux « Ladies », Slowthai nous livre son premier album Nothing Great About Britain.
Artiste haut en couleur réputé pour son énergie incontrôlable et la folie qui l’habite, Slowthai invite ses auditeurs à prendre la température de sa musique à travers une pochette si caractéristique de son univers. Dans le paysage urbain des quartiers défavorisés dont il se fait le porte-étendard, là où les lumières jaunâtres des lampadaires se réverbèrent sur les tristes bâtiments de briques rouges, le jeune rappeur anglais est fait prisonnier sur la place public. Des drapeaux britanniques pendent des balcons comme le fanion victorieux d’une nation ayant anéanti toute forme d’espoir, d’épanouissement et de liberté de ces quartiers en totale rupture sociale.
Immobilisé sur un autel, Slowthai est totalement nu. Ultime humiliation d’un gouvernement qu’il conspue ou ultime bras d’honneur à ce dernier? Toujours est-il que le sourire narquois et machiavélique qu’il arbore en dépit de la situation reflète la folie démentielle qui le possède. Cette mise en bouche picturale est avant tout un collage d’images dantesques qui promettent une épopée dans laquelle notre preux chevalier risque de se frotter à un adversaire coriace.
La scène britannique n’en finit plus de se développer, de s’inspirer de différents styles et de les influencer à leur tour. Dans ce monde musical où la standardisation internationale des genres se précise, Slowthai arrive comme une bombe bousculer les codes. Si sa diction est caractéristique de Londres, avec cet accent prononcé et cette façon si particulière de s’exprimer, il ne s’inscrit pas dans ce que l’on pourrait expressément qualifier de rap britannique (existe-t-il encore ?). Inspiré certes des pères du rap UK que sont Skepta, Giggs et Wiley, le registre dans lequel il évolue et la proposition musicale qu’il nous offre est différente de celle de ses compatriotes. Slowthai ne reproduit pas, il s’inspire puis crée quelque chose de nouveau à la croisée du grime, de la trap et du punk. Le rythme des percussions, les instruments utilisés et la manière qu’a Slowthai d’être un bulldozer et de démolir chacune des prods de son flow appuyé en font un ovni : il ne fait pas du grime, ni de la trap, il fait du Slowthai, et dans ce monde uniformisé, un brin d’originalité ne fait pas de mal.
La dégénérescence de la société britannique contemporaine, ses dérives et plus particulièrement l’absence totale de réponse et d’intérêt du gouvernement constituent les piliers de l’univers de Slowthai. Il se fait porte étendard de cette nouvelle génération dont la violence est monnaie courante, qui connaît un pic d’agressions par arme blanche. Cette génération délaissée par un gouvernement qu’il accuse de ne pas être en phase avec la réalité. Slowthai cristallise le ras-le-bol populaire, offre une voix à ceux qui ne peuvent ni s’exprimer ni être entendus et se positionne aux antipodes d’une royauté désuète, conspuant ainsi baise-main, froufrous et courbettes qui perdurent au 21ème siècle. L’absurdité de la longévité d’un pareil système n’est pas seulement du selon lui à un peuple amorphe qui n’ose se rebeller mais à une culture imposée au bas peuple depuis des siècles.
I’m wearing chains like my grandpa did in slavery
Descendant d’esclaves aux Barbades, Slowthai compare les chaînes qui tenaient captifs ses aïeux aux bijoux tristement clinquants qui ornent son cou. Ces colliers dorés lui offrent l’illusion de la liberté, de ne pas être enfermé dans la misère britannique qui pourtant gangrène son quotidien, une misère qui est le résultat direct des agissement coloniaux de l’Empire britannique. Punk des temps modernes, Slowthai se moque ouvertement des autorités, insulte la reine et prend à partie le gouvernement qui ignorent les cris d’une société qui s’entre-tue. Il pointe les dysfonctionnement éternels d’un Etat qui ne pourra se guérir de ses maux que par un changement profond de son système dont le fonctionnement primitif est simplement basé sur une relation de domination. Dans le clip du titre éponyme de l’album, Slowthai parvient héroïquement à retirer Escalibur de son socle, en faisant le roi d’une nouvelle Angleterre, le guide d’un nouveau peuple.
Trainspotting raconte les aventures, ou plutôt les mésaventures d’une bande de jeunes en pleine dépression économique dont le héros principal est incarné par Ewan McGregor. Très pictural, le film nous offre des visuels d’un crade sans nom, une société d’une décadence qu’on souhaiterait imaginaire, bien que parfaitement représentative des années 90 écossaises. Toute une génération délaissée par l’état, rongée par la drogue, addict à l’héroïne et adepte de la violence sous toutes ces formes.
L’influence de cette oeuvre sur celle de Slowthai est indéniable, il recourt au mêmes procédés descriptifs et l’ambiance moite et poisseuse dépeinte est d’une triste similarité. En s’inspirant de sa vie dramatique, le jeune MC britannique généralise son expérience et l’étend à l’ensemble de sa classe sociale défavorisée subissant les mêmes traumas. La musique pour le jeune homme apparaît comme un radeau auquel il s’accroche, naviguant sur l’insalubrité des immeubles de son quartier, évitant au débotté une seringue, une quelconque arme ou le corps oublié d’une victime de la violence ambiante. Il rend un hommage direct au film sur « Inglorious » en featuring avec Skepta : « I got babies on my ceiling » en faisant référence à cette scène où, sous l’emprise de l’héroïne, Ewan McGregor à l’illusion de voir l’enfant de ses amies déambulant sur le plafond.
L’hommage ultime au chef d’oeuvre de Danny Boyle reste de toute évidence le clip du single « Doorman » dans lequel Slowthai rejoue l’une des scènes les plus marquantes du film. Dans celle-ci, Mark Renton jette dans d’immondes toilettes de bar son fix avant d’être pris d’un regret immédiat, plongeant corps et âme à la recherche de sa drogue chérie. A travers le prisme de cette scène, Slowhthai nous confie à demi-mot avoir recours à certains spiritueux pour s’échapper de l’insalubrité qui l’entoure. Psychédélique, le clip est un enchaînement torrentiel de scènes violentes et sombres où les quelques faibles lumières sont accentuées pour en faire des faisceaux aveuglants, nous communiquant l’état second dans lequel se trouve Slowthai et par extension, la Grande-Bretagne entière.
Nothing Great About Britain est un album indéniablement punk de par son nihilisme ainsi que les références qui y sont faites au delà des inspirations musicales, qui sont nombreuses. Comme tout mouvement ou musique contestataire, il fut assimilé dès ses débuts à l’extrême violence ambiante dans une Grande-Bretagne en pleine rupture sociale. L’album de Slowthai est avide de représenter cette violence, non pas comme un dommage collatéral de l’agacement d’un peuple, mais comme une vraie direction artistique. Les références aux monuments populaires de la violence sont nombreux, on peut l’entendre citer çà et là dans son album Clockwork Orange, Inglorious Basterds ou encore faire référence à la scène cultissime de Shinning où Jack Nicholson passe sa tête à travers la porte qu’il a défoncée à coup de hache dans le clip de « North Night ». Mais la punchline qui cristallise peut-être le mieux l’univers consciemment violent de Slowthai se trouve sur le titre « Crack ».
Losing my mind. Slowthai is Ted Bundy
Tueur en série le plus célèbre des Etats-Unis, Theodore Bundy a été condamné à mort pour les meurtres de dizaines de jeunes femmes. Il a été établi que durant son enfance, Bundy était victime d’attouchement de la part de son père et d’autres traumas qui ont été en partie le facteur de cet esprit déséquilibré. En se mettant dans la peau d’un tel monstre, le but du jeune MC britannique n’est pas de prôner une violence aveugle mais bien de justifier la rage qui l’habite. Ce sont les violences dans lesquelles il a grandi, le manque d’attention d’une société encore aristocratique envers le bas peuple qui ont été l’engrais propice au développement du germe de colère qui réside en chacun de nous et dont la croissance dépend de notre environnement.
L’album se clôture sur le poignant « Northampton Child« , récit d’une enfance instable marquée par une grande pauvreté. La jeunesse de Slowthai est l’incarnation du dérivé de la Loi de Murphy qui veut que lorsqu’un événement regrettable se produit, ceux qui suivront iront de mal en pis. Chahuté de maison en maison, de squat en squat, les conditions de vie de la famille Frampton, que le père a quitté, sont déplorables, d’autant plus pour son frère atteint de dystrophie musculaire qui succombera des suites de sa maladie.
Slowthai ne se plaint pas, il n’est ni fataliste ni désireux de changer son enfance, Slowthai est factuel, il conte le désert qu’il a traversé dans lequel sa mère fait figure d’oasis. Si les tragédies qu’il nous raconte sont attristantes, c’est certainement plus l’hommage à sa mère qu’il faut retenir, celle qui a tout fait pour que ses enfants grandissent heureux, avec succès. Son flow agressif, les puissantes basses et les notes flottantes derrière l’instru appuient la dureté de son propos, ou quand la forme rejoint le fond.
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