Et si Shurik’n était le Wolverine du rap français ? Avec son nouvel album Adamant-ium, on serait bien tenté de la croire. Comme son homologue des X-Men, Oncle Shu se révèle dur au mal, résistant, toujours debout là où tant voudrait le voir tomber.
Et s’il a choisi ce titre– rappelons que c’est le métal indestructible qui habille le corps de Wolverine -, ce n’est certainement pas par hasard… Lui aussi est toujours là après tant d’années de carrière, toujours prêt à répandre la bonne parole, à se et à nous faire plaisir avec sa musique ou à engager le combat si le besoin s’en fait ressentir. Si on devait résumer Adamant-ium, on opterait pour un seul mot « partage ». Dans son attitude, dans sa façon de faire, il est évident que Shurik’n n’est pas là en égoïste mais bien pour partager avec son public, un peu de musique, un moment de bien-être, une vision commune. Déjà qu’il ait fait ce disque en collaboration avec le Camouflage Studio dit tout de la nature du projet.
D’ailleurs, la présence de Samm (Coloquinte) à la fois derrière les machines, mais aussi souvent derrière le mic en dit long sur ce que recherchait Shurik’n : du kiff, dans un grand moment de rencontre et de partage, on y revient. En cela, son disque est 100% hip-hop, dans le son mais surtout dans la démarche, puisque chaque titre ou presque contient son lot de guest : AKH, Samm, Veust, Saïd, Tragedy Khadafi, Skyzoo, Jnoun, REDK, Melyn, Faf Larage… tous sont invités à participer à la fête, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, une grande fête hip-hop avec tous les ingrédients que cela doit contenir.
Ça débute par une vraie intro, au sens strict du terme, avec lyrics scratchés et breakbeats appuyés, des choses que l’on n’entend plus depuis des années. Mais ce disque contient aussi sa dose d’engagement avec des morceaux comme « Qui va là ? », « Dans le viseur » par exemple. Car un disque de Shurik’n sans vérités bien senties, ce ne serait pas vraiment lui…
Adamant-ium prouve que Jo n’a absolument rien perdu de son écriture, de sa puissance et de sa technique. Qu’on ne s’y trompe pas, si ce disque semble avant tout avoir été fait par et pour le plaisir, ce n’est pas pour autant qu’on n’y entend du vite fait, au contraire. L’impression générale qui en ressort, c’est plutôt un sentiment très prégnant de lutte, notamment contre le système accusé de faire de nous des moutons et nous faisant oublier nos rêves au profit d’une vie quotidienne morose, nocive et désespérante qui nous happe et nous entraîne vers le bas.
Un carcan dans lequel Shurik’n refuse évidemment de rentrer et, via plusieurs morceaux où ce thème revient, il nous invite à faire de même en expliquant : ne vous contentez pas de ce que vous avez, voyez plus loin plus haut, plus fort et surtout ne laissez jamais personne se mettre en travers de votre chemin et vous empêcher de réaliser vos rêves. Pas de doute pour Jo, la fatalité, ça ne s’accepte pas sans se battre.
En développant ces idées, il revient finalement presque à la base du hip-hop « Peace, Unity and Having Fun ». Consciemment ou non, ce sont en tout cas des thèmes évidents contenus dans l’album. Et si les prods étaient la vraie faiblesse de son projet précédent, Tous m’appellent Shu, sa collaboration avec Camouflage lui offre des écrins pour chacun de ses titres tout en multipliant les ambiances, les BPM et les atmosphères et en restant hip-hop à 100%.
Cette fois l’attitude de Shurik’n trouve exactement l’écho dont il a besoin, que ce soit dans le combat (« Qui va là »), la nostalgie (« Un de ces morceaux »), l’humour (« Lâchez-moi »), la technique (« On fait le job »). Car oui, Shurik’n est « coupable » comme le reconnaît lui-même, coupable de cracher le feu au mic, de dire la vérité au public, de s’engager pour ce qu’il croit. Ce morceau construit comme une plaidoirie montre aussi tout l’art du discours et la théâtralité du rap de Jo tout en insistant sur sa façon d’être et de penser : « je suis coupable parce que je refuse de suivre ».
Dans Adamant-ium, il y a aussi le rap pour le rap, la technique pour le fun, le plaisir dans le maniement des mots, notamment dans le titre éponyme, dans « Ça défile » ou « On fait le job » où tout est dit dans le titre. Ce disque, on l’a dit c’est du plaisir, celui du membre d’IAM de faire de la musique avec d’autres, de montrer qu’il faudra toujours compter avec lui, que la puissance des mots et la technique sont toujours de son côté. Pourquoi ? Parce que l’écriture est une drogue très dure dont il est difficile de se défaire (« J’écris »), une maîtresse possessive dont il est quasiment impossible de se débarrasser et qui prend autant de poids que l’engagement social et politique, une constante parce que quand tu es « Dans le viseur », rien n’est fait pour t’aider, au contraire, tout concourt à t’enfoncer toujours un peu plus fort, un peu plus loin.
Une des solutions consiste peut-être à lâcher du lest, à se laisser aller, à profiter (« Un de ces morceaux ») pour s’échapper d’une vie qui ne nous satisfait pas (« Où te mènera tes pas »). Alors oui, Shurik’n est dans le partage total, de ses idées, de ses envies, de sa musique, avec ses potes rappeurs et beatmakers. Un album plaisir, 100% hip-hop qui fait du bien. Sans aucun doute possible.
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