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Shawn Smith, phoenix de Philadelphie

Partons du côté de Philadelphia, non pas pour tartiner un fromage autrement créé à New York mais plutôt pour s’accoquiner avec Shawn Smith, rappeur local aux ambitions revues à la hausse. En quelques années, l’artiste est passé du jeune rookie dispersé au rappeur mature accompli. Retour sur un parcours chaotique dont l’album SINK OR SWIM est le Graal d’une carrière déjà bien remplie.

Des débuts remarqués

C’est exactement à 16 ans que tout a commencé pour Shawn Smith. Si aujourd’hui, il rappe sous son nom patronymique, le jeune adolescent préférait utiliser le blaze Young Savage lors de ses débuts au micro. L’enfant aux apparences Lil Waynesques commence à freestyler dans les rues de sa ville aux côtés d’un entrepreneur local nommé Jimmy DaSaint.
Ce dernier détecte très vite le potentiel du bambin et le fait tourner sur à peu près tous les freestyles possibles de Philly. Commençant à se faire un nom dans la tri-state area autour de la Pennsylvanie, Young Savage atteint non sans mal les 100 000 vues sur YouTube grâce à son clip « Work Em » (aujourd’hui à 300K).
Très vite, le jeune Shawn va faire parler de lui au point d’atterrir sur l’une des radios majeurs de Philadelphie, Power99Philly. Sur les ondes de Cosmic Kev, le DJ de la radio, Young Savage va déverser sa rage au micro notamment sur le mythique beat « Shook Ones Pt II » du duo Mobb Deep mais aussi en lâchant un a cappella assez monstrueux durant plus de la moitié de la vidéo soit une bonne dizaine de minutes. À 17 ans seulement…

Son rap, correspondant à un hip-hop relativement dans l’ère du temps, attire l’œil, si bien que Young Savage va se frotter, le temps d’un featuring, à une autre figure montante de Philly : Meek Mill. Malheureusement pour le premier cité, sa courbe va être littéralement opposée au membre MMG fraîchement signé par le boss du label, Rick Ross.

Tremplin mal négocié, rap à l’arrêt

À la croisée d’un hip-hop entre Gucci Mane et Soulja Boy, ses différentes mixtapes Savage World s’essoufflent au fur et à mesure des sorties. Sûrement dû à cette vague semi crunk semi trap qui était déjà passée et dépassée lors des années de sorties, entre 2011 et 2013. Cette persévérance dans ce style va conduire Young Savage à sa perte.
Si le saut était bon, la trajectoire était quant à elle un peu (très) foireuse. Si Shawn a vu La Haine, il sait que l’important ce n’est pas la chute mais l’atterrissage. Pour Young Savage, il s’est fait en douceur. Il s’éloigne tout d’abord de son mentor Jimmy et décide de créer sa propre chaîne YouTube où il postera le track « Versace » en 2013, vestige de son travail antécédent.

L’idée aurait pu être bonne mais l’entêtement du jeune homme est malheureusement plus forte. Tout le potentiel aperçu lors de ses freestyles se cannibalise jusqu’au point de non retour quand sort une énième mixtape nommée Camos & Jordans EP. La création d’un compte Vevo sur la plateforme rouge pour l’occasion est la preuve formelle que cela ne fonctionnera pas. Je vous passe donc le seul clip qu’il a posté dessus et qui ne vaut vraiment pas la peine d’être vu.
On se demande alors à quel moment le tournant a mal été gérer. Son manager n’a-t-il pas été assez visionnaire pour Shawn et réussir ce que Top Dawg a fait pour Kendrick ou Diddy pour Biggie ? Tant bien que mal, le jeune artiste va relancer la machine, seul ou presque.

Le phœnix renaît de ses cendres

L’intelligence du rappeur a été de voir ses propres défauts, ses propres faiblesses, pour mieux repartir de zéro et ainsi bâtir des fondations saines et solides. Grâce ou à cause de son échec précédent, le rappeur va repartir de l’avant. Il abandonne son erreur Vevo et se remet « à son compte » car le rap, c’est désormais son histoire. Sur « SWIMMY ROLLINS », Young Savage invite une dernière fois ses potes pour un Mannequin Challenge visionnaire avant de redevenir celui qu’il a toujours été : Shawn Smith.


En choisissant son prénom et nom de famille, le désormais Shawn Smith entame une nouvelle carrière. Celle d’un rappeur plus réfléchi, plus conscient afin de réaliser ce qu’il a le plus envie : rapper sans ambiguïté. Ses copains producteurs Charlie Heat et Darnell Got It vont bien l’aider dans son renouveau en lui offrant des beats à la pelle qu’il va gentiment démolir un par un.

Nouveaux objectifs

Ces petits plaisirs coupables cachent en réalité un immense travail de fond mis en place doucement mais surement par l’artiste.Terminé le hip-hop lui faussant la réalité. Maintenant Shawn Smith s’exprime vraiment et il a des choses à dire, à accomplir :

« I plan on impacting the youth and becoming more than a household name – an inspiration » 


Un plan qui va débuter dès 2014. Si vous tendez bien l’oreille, vous remarquez que Shawn fredonne déjà les mots SINK OR SWIM dans le clip « SWIMMY ROLLINS ». Titre de son futur bébé, ce dernier va mettre du temps à accoucher mais l’attente en vaudra vraiment la chandelle. C’est dans les premiers jours de 2016 que le rappeur va dévoiler le premier clip de son futur projet.
Toujours accompagné de son « frère » Charlie Heat à la co-production, Shawn Smith débute son service en offrant le dessert par le biais d’un track qui va donc conclure SINK OR SWIM: A SHAWN SMITH STORY.

Les parents ou grands-parents ont tendance à le répéter : il est important de prendre son temps lors des repas. La digestion en est plus fluide et facile. Shawn Smith apporte le plat principal plus d’un an après « Young Curry ». C’est avec un estomac bien rempli que l’on va repartir tellement le projet aux 12 titres est appétissant. Shawn Smith varie ses plaisirs sur des productions adaptées à son hip-hop et ses envies.
La livraison des digestifs « Shoutout » et « Heaven » à la suite de la sortie SINK OR SWIM, deux visuels forts à l’enchaînement maîtrisé, prouve une nouvelle fois le renouveau qualitatif que le désormais mature Young Versace a entrepris.
Maintenant, c’est l’heure de vous asseoir à la table de Shawn Smith et apprécier ce qui semble être l’un des meilleurs menus de l’année 2017. Bon appétit.


Kévin Berthouly

"Plus on partage, plus on possède" dit Léonard Nimoy, Spoke pour les intimes. Fervent défenseur de l'indépendance musicale et inconditionnel de Julien Lepers.

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