Sako, la vie extraordinaire d’un mec ordinaire
Quoi qu’il arrive, le premier livre de Sako, rappeur du groupe Chiens de paille raconte la vie extraordinaire d’un mec ordinaire.
A vous qui allez lire cette chronique, sachez que je connais bien Sako. Durant mes années à Rap Mag, je l’ai souvent croisé, interviewé, on a souvent échangé, parlé de musique, de ce monde… On entend ma voix sur « Tribute 2 », celle du journaliste qui intervient dans un ou deux interludes. Pour enregistrer ces passages, on était dans les studios de Cut Killer à Montreuil et on avait repris une conversation débutée quelques jours plus tôt dans une brasserie du 17e arrondissement près du studio de Masta et Tefa où je lui disais que les rappeurs français ne savaient pas faire de Dirty South, alors même qu’il venait de lancer le titre « Un cran au-dessus ».
Finalement, il m’avait convaincu de me pencher un peu plus sur cette forme de rap à laquelle j’étais totalement hermétique à l’époque. Je savais qu’il n’avait pas transigé, sa rigueur artistique, son honnêteté intellectuelle ne lui aurait pas permis de sacrifier à la mode. S’il voyait quelque chose dans cette branche du rap, alors il avait raison.
Parce que Sako est un rappeur, mais c’est avant tout un étudiant du rap. Un passionné certes, comme beaucoup, comme moi notamment et c’est certainement ce qui nous a réunis au début. Mais lui, il sait tout sur tout. Il est capable, à l’instar d’Akhenaton d’ailleurs, d’expliquer le pourquoi de tel ou tel morceau, le qui, où comment de tel ou tel lyrics ou de telles ou telles prods. Je me souviens de quelques jours passés dans son 06 natal alors qu’il me présentait au crew D’en Bas Fondation. Nous avons sillonné la région sur les traces du hip-hop local, autant de lieux et de personnages que l’on retrouve dans son livre d’ailleurs. Dans la voiture, deux albums. Le premier de Drake et Teflon Don de Rick Ross. Je ne suis toujours pas un grand fan de Drake, par contre, les multiples écoutes du disque du rappeur de Miami et surtout ses explications sur chaque détail ou presque de l’album font qu’aujourd’hui, je suis fan absolu de Rick Ross.
Sako est une encyclopédie, un type qui ne dort jamais, qui fourmille de mille projets en même temps. C’est de lui aussi que je garde précieusement en tête cette phrase que l’on retrouve comme une pierre angulaire du bouquin : « le non tu l’as déjà, tu ne peux décrocher que le oui ». Bref, de ces multiples rendez-vous a découlé une amitié qui fait que Sako est un des rares artistes avec qui le contact a été maintenu après la fin du magazine Rap Mag. La passion du rap nous réunissait, nous avons eu des discussions sans fin. Mais lui va bien plus loin, il a l’esprit créatif, l’esprit d’entreprise, le talent surtout pour être devenu un artiste aussi important et aussi protéiforme comme on peut le constater dans son livre, encore une entreprise folle menée à bien. J’ai même travaillé avec lui, il m’a proposé de collaborer à un ou deux projets parmi les 100 qu’il a constamment sur le feu et je le remercie de sa confiance encore aujourd’hui.
Un récit dans lequel on plonge
Tout ça pour dire que je risque de ne pas être totalement objectif dans cette chronique de Quoi qu’il arrive qui est sorti juste avant les fêtes de Noël. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre en ouvrant ce bouquin mais je savais que connaissant son sérieux et sa rigueur, il avait mis tout son cœur et son intelligence dans ce projet. Il a bien trop de respect pour la chose écrite et il écrit lui-même si bien qu’il était fatalement hors de question de faire ça par-dessus la jambe. Et puis, même si je connaissais quasiment toutes les anecdotes qu’il raconte dans le livre, son parcours, ses morceaux et sa carrière, je me suis tout de même laissé emporter. Parce que cette histoire, c’est celle d’un mec ordinaire qui vit une vie extraordinaire.
Evidemment, faire ce qu’il a fait n’est pas donné à tout le monde et s’il a du talent, il le doit aussi à son travail et à son opiniâtreté. Mais au départ, Sako est comme vous et moi, un fou de rap, et je sais que même s’il n’avait pas eu cette carrière, il serait resté hip-hop jusqu’à la mort, il ne peut en être autrement. Il a trop de respect pour cette musique pour qu’il en soit autrement. La preuve encore une fois avec ce livre. C’est une autobiographie certes, mais c’est surtout une tranche de vie du hip-hop en France vu de ses yeux. Qu’on le connaisse ou non, l’empathie est immédiate dès les premières lignes, ensuite, on se laisse guider par cette vie qui prend de plus en plus de tours extraordinaire, ses rencontres, ses morceaux que l’on connaît tous. Et puis, on ne peut que s’incliner devant le travail qu’il accompli. Sako n’a jamais rien volé, il a toujours tout été cherché, avec les dents s’il le fallait, son talent a fait le reste. C’est cela aussi que l’on voit dans le bouquin, rien n’a été simple au début, il a des moments de creux, de doute, ce qui le rend plus humain. On a souvent tendance à penser qu’artiste, c’est la vie de rêve, mais rien n’est jamais simple, même quand on est en haut de l’affiche. Car Sako ne triche pas.
Son livre est d’une sincérité désarmante. Alors qu’il aurait pu enjoliver voire inventer des passages pour se faire mousser, il est d’une honnêteté qui ne tolère pas les faux semblants. Tout ce que vous lirez est vrai, à la virgule près, les bons comme les mauvais moments. Alors après on peut sans doute y trouver à redire, mais l’important pour un livre, c’est qu’on doit pouvoir plonger dedans et oublier le monde qui nous entoure. Avec Quoi qu’il arrive, c’est le cas. Même si je ne suis peut-être pas totalement objectif, c’est pourtant vrai. J’avais beau connaître des pans entiers de ce qu’il a écrit, je l’ai lu très rapidement, preuve que j’ai plongé les deux pieds en avant. Et, cerise sur le gâteau, il y a un code dans le texte qui permet d’écouter quelques titres de son nouvel album, là encore un projet qu’il porte depuis des années. Sako, paroles et musique, c’est bien là où il est le meilleur.
Quoi qu’il arrive, Ramsay, 20€