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Rubble Kings, le docu sur le NYC des années 70, s’offre une B.O.

Rubble Kings, c’est l’Histoire de New York. C’est en tous cas l’Histoire de ses rues et de ceux qui les hantaient dans les années 70. C’est aussi l’affaire d’une conversion et d’une transformation : ou comment des ruines de l’âme peut naitre la lumière.

Rubble Kings est un documentaire de 2010. Il a fait une cure de jouvence en 2015 quand Netflix l’inscrit à son catalogue et qu’une bande originale qui porte les pattes d’eph’ est produite par Little Shalimar cette même année. Le film aborde le thème des gangs de New York qui mettaient les rues de la plupart des Boroughs à feu et à sang. On les voit en héritiers des contestations qui ont secoué les années 1960 et en victimes de la pauvreté qui s’est froidement abattue sur les ghettos des grandes villes américaines après le premier choc pétrolier. Voilà pour l’Histoire.

Les personnages maintenant. Ces femmes et ces hommes qui expliquent que faire la guerre était le seul moyen de s’occuper et de survivre. Que l’ambition de celui qui n’a rien, c’est de devenir le géant que tout le monde craint. Comme dans les contes quoi. Le hic, c’est que dans leur vie, les batailles se font d’abord à coup de poings. Au début, ça détend, comme pendant les rites de passage des nouveaux membres du gang qui se font gentiment rosser par leurs frères de rue et de galères. Le sang, ton sang, il ne faut pas en avoir peur pour s’habituer à le voir.

Avec l’essor de la violence, les poings ne sont pas assez lestes et les balles percent mieux. La mort rôde à chaque coin de rue : démarcation de territoire au découpage aléatoire. De cette noirceur et de cette incertitude de la vie, les protagonistes tirent un élan incroyable. De celui qui les conduit dans un studio avec un sourire radieux pour chanter la vie dans un micro. Faisant de la musique, par pur instinct de survie, la catharsis de tous leurs maux.

Mais finalement, rien ne change et il faut le drame de trop pour que les esprits se rebellent et que les leaders de ces gangs, épuisés de violence, décident de mettre fin à cette guerre sans espoir. La rue reste leur espace d’expression, mais s’il n’est plus question de s’y tuer, elle doit rester le théâtre de leurs joutes. Artistiques cette fois. Des jeunes DJ (Afrika Bambaataa, Kool Herc…) issus de ces gangs organisent les premières block-parties réunissant toutes les communautés.

La guerre est dans la rime maintenant, dans la danse et dans le style. Le hip-hop est né, comme une lumière.

Pour soutenir ce projet, et dans la lignée de l’ambiance de ce documentaire sur les années 1970, la B.O. est clairement funky. Caisses claires, percussions, riffs de guitare et lignes de basse efficaces sont légion sur cet album de 13 morceaux qui saisit l’oreille pendant une quarantaine de minutes. Si tous les morceaux ne s’enchainent pas idéalement musicalement, ils suivent la narration du documentaire et donnent une cohérence à l’ensemble, faisant de cette BO un support important du film.

De plus, Little Shalimar (Torbitt Schwartz à la ville) a su travailler sur d’autres sonorités plus proches du rap actuel en intégrant des morceaux aux beats plus syncopés où des rappeurs comme Ghostface Killah (« Same Damn Thang »), Run The Jewels (« Rubble Kings Theme (Dynamite) »), ou Bun B (« Savage Habits ») démontrent leur verve dans des couplets hommage à NYC et à l’ambiance dont ils sont les héritiers.

Rubble Kings – « Rubble Kings Theme (Dynamite) »

L’album alterne les morceaux résolument funky, et de bonne facture, souvent introduits par des citations du film avec des morceaux où la qualité du flow des rappeurs est mise à l’épreuve et semble presque poliment s’étouffer comme pour faire déférence à leurs ainés (« Same Damn Thang »). Autant les images du film sont prenantes et la narration facile à suivre, autant cet album manque d’accroche. Sûrement à cause de son défaut de mordant stylistique. Les morceaux sont pourtant bien produits et l’écoute agréable (les maisons Mass Appeal et Adult Swim en sont de bonnes garantes) mais le projet manque de tracks plus prenants, qui travaillent un peu les tripes et restent à l’esprit.

Nous le disions, Rubble Kings, c’est une histoire de conversion. A travers ce film et cette B.O., le spectateur est témoin de la manière dont une communauté plurielle et diverse, meurtrie par ses propres démons, a su convertir en formidable essor artistique les maux qui la minaient. Plus de 40 ans après, le souffle est toujours là. Hip-Hop was born. Si leurs douleurs lui ont donné une âme, ceux qui l’ont fait l’ont rendu beau.

Clément Nadjo

Le hip-hop comme oxygène. La patience du digger, le pardon de l'amoureux. Amateur de bons mots, de belles rimes et de beats calibrés. Humour à qualité variable.

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