Ce n’est plus à prouver il y une vrai place pour un rap contemporain à l’esthétique inspirée des 90’s. Rome Streetz le prouve à l’instar d’un Roc Marciano ou de l’écurie Griselda. Via Noise Kandy 3 il livre un 11 titre extrêmement bien agencé avec d’indéniables coups d’éclats. Un artiste à suivre.
Né à Londres de parents Jamaïcains. Sa famille s’installe très vite à New York, Rome grandit entre le Queens et Long Island. Démarrant le rap à l’adolescence, il se forme artistiquement à deux écoles celle des studios à Londres, celle des cyphers et des battles de rue à New York. Il s’installe ensuite à Brooklyn. Les années de travail dans l’ombre portent peu à peu leurs fruits et Rome Streetz, gagne en visibilité notamment en collaborant avec le producteur Futurwave. De projets en projets, il trace, affirme sa direction artistique qui se concrétise via des titres de qualité comme « Ralphie With The Crest » ou « Fortune Favors The Bold ». Avec le troisième volet de sa série Noise Kandy, il est en à son troisième projet pour la seule année 2019.
Impossible de ne pas s’arrêter sur cette cover absolument saisissante. Elle présente un Rome Streetz de profil, lame de rasoir entre les chicots en or, exprimant une violence qui déborde de toute part. Nul doute que cette expression hallucinante collera au propos du projet. S’en suit une rencontre au sommet entre The Wire et Ennio Morricone. L’angoissante mélodie de « La Lucertola », précédé par un Bodie sur les nerfs mettant un junkie à l’amende. Un pouls, affaiblie, celui d’un quartier, délaissé, sous tension et à Rome d’asséner « No contract from rap, I’m still bussin move, wrote this shit on the way to go make a slap ».
Le pesant « Seizure » à peine terminé, « Rich Porter Of Pookie » enfonce le clou. D’entrée de jeu donc, et tout au long du projet Rome Streetz fait valoir ces nombreuses qualités de MC. Un timbre de voix rappelant Cormega, un flow découpé comme la pure qui se joue aisément de chaque productions, qu’elles soient teintées de soul, rugueuses ou dark (« Heart On Icepack »). Véritable habitué des freestyles, il évite l’écueil attendu des couplets interchangeables et fait de son expérience une authentique force. Force manifestée sur l’offensif « Voodoo » l’un des highlights de l’album.
« Criminologyst, street economist, not some shit I learn from colleges, consignement is like the scholarship »
96 Nauti Windbreaker Shit
La rue ne fait pas simplement le sel de son écriture, elle la surplombe. Cette rue régit par la course au prochain billet, redessinant les contours de chaque existences, empêtrées dans un cycle en trois mouvements : engranger, perdre, se refaire indéfiniment. Etat de fait que Rome explicite dans « Blood All Over Money », titre ou il rappe du point de vue du nerf de la guerre à la manière d’un Nas incarnant une arme à feu dans « I Gave You Power ». Lignes après lignes, Rome laisse entrevoir un univers ou le parallèle n’existe plus, junkies, dealers, pimps, prostituées et bosseurs de 9 à 5 évoluent désormais sur le même battement. Le tout entre hiver glaciale et été meurtrier pour paraphraser Manu Key.
La passion pour le rap de ses ainés transpire en chaque titre, la faim et le plaisir de performer tout autant. On ne s’étonne alors qu’à moitié à le voir croisé le fer avec un Planet Asia impeccable sur un « Stay Golden » de très grande classe (sur un sample furieux de The Dells). Une collab de choix donc avant de conclure sur « 96 Nauti Windbreaker Shit » sonnant comme un ultime passage à tabac.
Pour conclure, Noise Kandy 3 a tout d’une véritable réussite. C’est un projet abouti à la direction artistique, affirmée et assumée, mis en valeur par un Rome Streetz qui ne s’essouffle pas. Du talent donc, des choix judicieux et une envie viscérale de performer, de quoi nous laisser fort optimiste pour la suite.
Cet article est une contribution libre de Alfred Dilou que nous avons choisi de publier. Si vous aussi voulez tenter d’être publié sur BACKPACKERZ, n’hésitez pas à nous envoyer vos articles via notre page de contact.