Rocket, la future étoile de Mal Luné Music

Rocket, la future étoile de Mal Luné Music

Après avoir fait ses preuves avec sa trilogie « Creenshaw B », Rocket s’impose comme l’une des valeurs montantes du rap français. Originaire d’Argenteuil et influencé depuis son plus jeune âge par Ninho, le jeune artiste signé chez Mal Luné nous ouvre les portes de son studio pour revenir sur son parcours.

De ses premiers freestyles au collège à sa rencontre décisive avec DJ Quick, en passant par une pause de huit mois qui lui a permis de faire le tri dans son entourage, Rocket se livre sans filtre sur ses ambitions et sa vision de l’authenticité dans un milieu parfois superficiel. Une conversation sincère pour La Rédac de BPZ avec un rappeur déterminé à s’inscrire dans la durée. Entretien.

Salut Rocket, merci de nous accueillir dans ton studio. On est dans les beaux studios de Mal Luné et entourés par toutes ces certifications aux murs, c’est assez incroyable ! C’est donc ici que tu passes la plupart de ton temps aujourd’hui ?

Bienvenue ! Ha ben ouais on peut dire que ce sont mes bureaux, c’est même le fief, mon QG. J’y suis à peu près tous les jours de midi à minuit parfois. Au début de ma signature j’y étais trois ou quatre jours dans la semaine mais avec le temps j’ai enchainé les sessions au studio et j’y passais tout mon temps. En plus du travail, c’est l’ambiance du lieu qui me pousse à rester. Avec mon équipe on rigole sans arrêt, on joue, on parle de plein de choses et c’est comme ça qu’on fait du bon travail et qu’on y passe beaucoup de temps.

On va revenir un peu en arrière sur ton parcours si tu le veux bien. Avant d’arriver signé chez Mal Luné aujourd’hui et ta rencontre avec DJ Quick, tu as commencé tôt à 12 ans avec ton collectif JLT Squad c’est ça ?

Tout à fait, tu es bien renseigné (rires).
J’ai commencé le rap à 12 ans au collège. J’ai fondé mon premier groupe de rap avec deux anciens potes à moi, JLT Squad donc.
En primaire, je me souviens me prendre déjà pour Maître Gims pendant les chorales de fin d’année devant les parents. Je connaissais ses sons par cœur, c’était mon idole. Quand je suis arrivé au collège, je passais mon temps à rapper et à écouter des sons avec mes écouteurs dans les couloirs et même en cours. Les profs m’appréciaient mais n’étaient pas très content de moi à cause de mon manque de sérieux, certains étaient très déçus de me voir gâcher mon potentiel car je comprenais vite et que j’étais très à l’aise à l’oral.

Est-ce que tu te souviens d’un moment en particulier qui t’a marqué de cette époque ?

Oui. Un jour, alors que j’étais en train de rapper pendant la pause du midi, une prof que je ne connaissais pas est sortie de la salle des profs. J’ai su par la suite qu’elle s’entendait très bien avec ma prof de français de l’époque, que j’appréciais beaucoup, Mme Le Floc. Elle me dit qu’on lui a parlé de moi et qu’elle souhaiterait former un groupe de rap avec d’autres élèves du collège et moi. Le lendemain, je me retrouve comme un fou dans une salle avec cette prof et d’autres gars du collège que je ne connaissais pas vraiment.

Au début, il ne se passait pas grand chose et on écoutait juste du son. Puis, les séances se sont enchainées, on écrivait et on freestylait, et la sauce a commencé à prendre. Dans ce groupe, il y avait ce gars en 3eme qui commençait à faire des prods, un autre qui faisait du basket et qui enregistrait et aussi un autre qui faisait l’intello mais qui kiffait la musique. Alors qu’on commençait à avoir une bonne synergie ensemble, la prof nous dit un soir qu’elle a réservé une session au studio pour enregistrer notre son. Incroyable !

C’est dans ce studio d’Argenteuil d’où je viens, que j’enregistre alors mon premier son avec ces gens et on est hyper heureux car il tue. Il est d’ailleurs toujours sur YouTube je crois !
Parfois je pense à eux, Sony entre autres, et cette prof qui s’appelait Madame Minouflet je crois, grosse dédicace à vous. C’est à ce moment que j’me dis : « c’est confirmé, je suis un rappeur ».

La première pierre est posée à ce moment si je comprends bien. Est-ce que tu partageais cette passion en famille déjà ?

Ouais, carrément même. A la maison, et dans tout le quartier, la musique c’était quelque chose qui tournait beaucoup entre nous, ça nous liait d’une certaine manière. Mon beau-père faisait partie des Black Dragons à l’ancienne, donc il connaissait et nous faisait écouter beaucoup de rap. Quand il m’a surpris à gratter des textes pour les premières fois, il a tout de suite été derrière moi. Ma daronne, c’est quand elle a compris que j’étais fait pour ça et qu’elle a vu mon premier contrat qu’elle m’a vraiment poussé. Elle comprenait pas qu’écrire dans sa chambre et crier fort ça pouvait rapporter de l’argent… (rires).

Dans mon quartier, les OR et Lyna Mahyem [NDLR : artistes d’Argenteuil de ces dernières années] étaient déjà passés par là et avaient, entre guillemets, pavé le terrain du rap. Ils avaient une bonne influence dans le rap à Argenteuil, sans être très connus. Je les admire pour ce qu’ils ont fait. Ma vraie influence à moi quand j’étais petit c’est Ninho. Chez moi, c’était du Ninho à fond la caisse. Moi, le petit frère, la petite sœur, tout le monde écoutait.

 

Rocket dans les studios de Mal Luné Music (© Nora Alves, 2025)

C’est vrai qu’on ressent beaucoup cette influence dans ta musique, dans le flow, la voix. Tu n’as pas peur qu’on t’assimile trop à lui ?

J’ai grandi dans ça, c’est une partie de moi. Je ne peux pas non plus le renier et dire « non je n’ai jamais aimé Ninho, je n’ai jamais écouté », c’est faux. J’ai écouté du Ninho toute ma vie à tel point que je voulais être le nouveau Ninho. Si je ne le dis pas, je sais qu’on le dira pour moi. Je connais même les gars de sa sécu, ce sont des grands de chez moi…

Et après le collège, tu as continué autant la musique ?

Le lycée a été un moment déterminant pour moi. J’étais vraiment dans la musique. En terminale, j’avais déjà sorti pas mal de freestyles sur Instagram. Dans mon lycée, j’étais connu comme le rappeur de la ville. J’étais ce mec apprécié des meufs, drôle, qui cassait les couilles en cours (rires), mais les gens voyaient que j’avais du talent.

Malheureusement en terminale, je perds mon beau-père. Je revenais du bled, je revenais de vacances pour la rentrée. Et là, ça a tout changé. À partir de ce moment, j’ai décroché complètement les cours. J’étais en mode « j’ai plus rien à voir avec tout ce que vous racontez ». La musique est devenue le seul truc que j’avais dans ma tête.
J’ai essayé de prendre sur moi, de continuer, mais c’était trop. Je me souviens d’un jour, en plein cours, où j’essayais de me concentrer, mais j’avais l’impression qu’on ne faisait que me rappeler mes erreurs. Dès novembre, j’ai arrêté d’aller en cours.

Comment t’as réussi à passer à autre chose ? Tu gagnais déjà un peu d’argent avec la musique ?

Non, pas du tout. J’avais déjà pas mal de sons enregistrés sur mon téléphone et publiés sur les réseaux, mais je n’étais pas encore dans cet aspect commercial. Je voulais juste m’enregistrer, écouter ma voix, ma musique comme je le faisais petit dans ma chambre à écouter d’autres rappeurs. J’ai repris mes séries de freestyle sur Instagram. Les partages sont devenus de plus en plus importants. Ce n’était plus juste un petit post avec 500 partages. Il y avait peut-être 3000, 4000 personnes, des mecs de différentes cités, tout le monde partageait.

Mais pendant longtemps ça ne m’a rien rapporté. Je n’allais plus à l’école et ma famille était en difficulté financière. J’avais des souvenirs des huissiers qui nous avaient déjà expulsés quand on était tout petit avec mes frères et sœurs, c’était une période très difficile. Je ne voulais pas reproduire ce schéma donc j’ai commencé à trainer dans la rue et à essayer de gagner un peu d’argent comme ça.

 

Rocket dans les studios de Generations (© Generations, 2023)

À quel moment c’est passé à la vitesse supérieure ?

Quand je suis rentré du bled, c’est un cousin à moi qui m’a permis d’enregistrer professionnellement les 40 sons que j’avais dans ma tablette. C’était dans un studio pas très connu, un ancien studio de MD Records. Le propriétaire du label a tout de suite aimé ce que je faisais et grâce à lui j’ai sorti mon premier vrai single clippé « Streetlife ». Celui là a fait 10 000 vues en moins d’un mois ce qui était bien plus que tous mes précédents.

Et c’est comme ça que s’est faite ta rencontre avec DJ Quick ?

Oui, c’est justement avec ce clip. Un jour alors que je trainais dans la rue, je reçois un message Instagram de DJ Quick. Au début je n’y crois pas du tout, pourtant je vois l’insigne vérifié à coté du pseudo. J’ouvre le message et il me dit qu’il kiffe ce que je fais et me propose de se voir.

J’ai appelé toutes les personnes que je connaissais mais personne voulait me croire. C’était incroyable.

Et après tout s’est fait très vite. On s’est donné rendez-vous début 2022, avec Quick et mes deux anciens managers. Ils lui ont fait écouter mes sons. J’étais dans une pièce séparée mais je voyais à leurs têtes, à leurs expressions qu’ils se disaient « Putain je crois qu’on est tombé sur un autre Ninho, un autre mec qui fait comme lui ». Ils se regardaient entre eux à des passages particuliers du son, des moments où j’ai ce timbre de voix spécial…
Et puis tout s’est enchainé. On a fait une, deux, trois, quatre sessions test au studio qui duraient des heures et j’ai enregistré les 40 sons que j’avais stocké. Ils étaient tous choqués, j’étais dedans, rien ne pouvait plus m’arrêter.
Dans ces sessions test, j’ai enregistré les son « CDR » et « Barrage de police » notamment qui, jusqu’à aujourd’hui sont parmi mes morceaux les plus écoutés sur Spotify.

 

 

En 2023, tu as sorti Creenshaw B Volume 1, Volume 2 qui sont tes premiers projets officiels sortis chez Mal Luné. Tu as ensuite clippé beaucoup de ces sons. C’est quelque chose qui te tient à cœur dans ta démarche artistique ou ça faisait partie du contrat ?

Oui bien sûr parce que j’aime ça, et je veux le faire pour certains sons en particuliers. Au delà de mes goûts, je comprends aussi dans quel sens mes sons peuvent être commercialisés et je peux voir plus facilement qui écoute vraiment mes sons. C’est ce qui m’importe vraiment.

Au point de t’impliquer personnellement dans la réalisation des clips ?

Non je t’avoue que je ne suis pas encore dans le regard intérieur. Je reste à l’extérieur de la réalisation parce que ça me permet de monter tout en écoutant et en observant ce qui se passe, plutôt que d’être renfermé dans mon truc et d’être aveuglé. Surtout, je fais confiance aux gens avec qui je travaille, on a la même idée en tête quand on veut clipper un son. Tu es obligé de déléguer quand tu es entouré des bonnes personnes car au final il y a des enjeux, il y a beaucoup d’enjeux.
Dans tous les cas, je fais en sorte de rester authentique quand je regarde le rendu final.

 

 

Justement sur ce dernier point, est-ce que t’as l’impression qu’il existe, dans ton entourage artistique plus ou moins proche, les « vrais » artistes qui veulent durer et ceux qui surfent sur le buzz par le biais de l’image ?

Ca c’est sûr, même si on le fait tous un peu. C’est devenu banal, tu vis sur les réseaux. Depuis l’époque où on snappe notre grain de riz avant de manger, tout est parti en vrille. Maintenant, tu dois montrer avant de faire, on ne croit que ce qu’on voit.
Si on ne te voit pas, malheureusement, on ne t’écoute pas. Lui, on le voit, il nous fait un peu rigoler et il fait de bons sons, alors on va l’écouter tous les jours. Mais en vrai c’est bidon, c’est éclaté, c’est naze…

Je me dis que pour beaucoup, s’il n’y avait pas eu TikTok, Instagram, il y a trois-quatre ans, ça n’aurait pas pris cette évolution. Beaucoup de rappeurs n’auraient jamais percé sur la durée. En tout cas pas sur un an, pas sur deux ans comme certains mais sur cinq ou six ans voire beaucoup plus, comme à l’époque ! Ils se seraient éteint, ils auraient arrêté parce que qu’il n’auraient pas eu de retour direct, visible.
Moi, frère, je suis là. Dans six ans, je serai toujours là, je ne vais pas bouger. Ce que je veux donner à l’auditeur à travers ma musique, c’est moi, uniquement, et rien de façade.

En 2024, tu as été un peu moins actif …? Est-ce que c’est dans ce contexte que tu as décidé de t’éloigner un peu de la musique et prendre un peu de recul ?

En partie, oui. J’avais donné ma confiance à trop de gens et beaucoup m’ont déçu. Je me suis rendu compte que j’étais entouré de bonnes personnes mais aussi de mauvaises personnes qui ne voyaient plus qu’en moi le petit Rocket d’Argenteuil qui met un peu de lumière sur leur maison et qui gagne un peu d’argent.
Au début, j’ai voulu laisser les choses comme elles étaient et j’ai laissé tout le monde se servir au quartier. Quand j’ai voulu reprendre, j’ai vu des gens devenir mauvais, violents avec moi, j’ai vécu plein de situations difficiles. Alors je me suis séparé de beaucoup de gens. J’ai fait un tri de malade et ça m’a fait beaucoup de bien.

Maintenant, je le sais. Ils seront peut-être qu’une dizaine, entre mes potes, les gens de la cité et de la musique, mais eux seront toujours là. Je pourrai compter sur eux quoi qu’il arrive, pour la musique et pour moi.

Quels ont été tes premiers succès dans ce nouvel environnement ?

J’ai pris le temps de sortir mon dernier projet, le volume 3 de Creenshaw B et j’en suis trop fier. Avec toute l’équipe on a bien bossé. Je me suis remis dans l’état d’esprit pour le charbon, dans cette nouvelle et sereine ambiance. Je ne pouvais pas m’arrêter là donc j’ai mis les bouchées doubles, et c’est que le début.
On continue aussi à clipper et ça prend encore mieux qu’avant. Celui de « Arai » a déjà plus de 200 000 vues, je n’avais jamais fait autant avant ! Et maintenant on veut aussi m’interviewer… (rires)

 

 

On arrive à la fin de cette discussion, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cette année ?

Ben on vise le million je pense ! Au moins un million pour le kiff et après on verra. J’ai envie de faire beaucoup de concerts aussi parce que j’en ai pas encore beaucoup fait. En tout cas, j’ai vraiment hâte de cette année car elle a déjà commencé mieux qu’aucune autre.

Merci beaucoup Rocket, je te souhaite tout ça. A bientôt !

Merci à toi c’était super cool, à bientôt.

 


 

Interview réalisée par Antoine Gady dans les studios de Mal Luné Music le 14 février 2025.

Remerciement à Rocket et son équipe pour leur temps. Remerciements à Léane Iceberg pour avoir permis cette rencontre.