Rappeurs et Divas Soul : 10 (récentes) collaborations ultra douces
Pour fêter le printemps, on a décidé d’adoucir les mœurs et les velléités de vos rappeurs préférés en vous présentant dix collaborations entre ceux-ci et dix divas de la Soul moderne.
Un top qui mêle anciens et nouveaux artistes issus de ces deux courants, la soul ayant longtemps nourri l’appétit vorace des échantillons des beatmakers. Nina Simone, Aretha Franklin ou encore Diana Ross figurent ainsi parmi les voix féminines les plus samplées de l’histoire du rap.
Les réelles collaborations entre MCs et chanteuses soul n’étaient pas si fréquentes avant l’avènement du nouveau R&B dans le milieu des années 90. L’émergence de nouvelles chanteuses inspirées par les deux courants a bouleversé l’ordre académique établi. Par contre, les rencontres entre divas de la soul plus anciennes et rappeurs ne paraissent pas nombreuses. Parmi ces morceaux, Rakim et Gwen Mac Rae, De La Soul et Chaka Khan, ou encore Sade et Krayzie Bone comptent comme les meilleurs morceaux de bravoure du genre.
La naissance de la Nu Soul a indéniablement légitimé l’influence du rap sur cette musique. Aujourd’hui, les artistes issues de cette vague régénératrice ont complètement renouveler un genre. Elles ont également amené les rappeurs à s’adapter à leur univers feutré, comme le prouve ce Top 10 des meilleurs morceaux entre Divas Soul et rappeurs de ces quatre dernières années.
Common & Lalah Hathaway – « We Are Young Gifted & Black »
Il était logique de commencer par ce morceau. Lalah Hathaway n’est autre que la digne héritière de son père Donny, chanteur Soul des seventies. Outre le fait que le patrimoine paternel ait été pillé par de nombreux producteurs comme Dre ou Willie B, la fille s’aventure parfois dans des expériences musicales avec les rappeurs Redman et Snoop. Avec ce dernier, elle a par ailleurs repris le classique de son père « Little Ghetto Boy ». Un clin d’œil qui constitue le but de ce titre hommage à Nina Simone, enregistré avec Common . La voix particulièrement profonde de la chanteuse s’accorde parfaitement à celle du rappeur de Chicago. Une collaboration qui parait somme toute naturelle, puisque Common avoue avoir été très influencé à ses débuts par la Nu Soul et les Soulquarians.
A$AP Rocky & Alicia Keys – « Blended Family »
Alicia Keys a toujours eu des affinités étroites avec le milieu du Rap. Originaire de Harlem, ses collaborations avec des rappeurs lui ont souvent servis à obtenir une dimension internationale. Son duo avec Jay Z « Empire State of Mind » en 2009 a été longtemps perçu par le grand public comme un modèle du genre. La présence de rappeurs a également poussé la diva Keys à monter dans les octaves. Pour s’en convaincre, l’écoute du « New Day » avec Dre et 50 Cent l’atteste. Dans « Blended Family », la chanteuse joue dans un registre plus soulful. Le caractère dépouillée de la musique, basée sur quelques notes de guitares, n’y est pas étranger. A$AP Rocky se prête volontiers au jeu, en commençant sa partie en chantonnant. La famille étant le thème central du morceau, l’apparition de son mari Swizz Beats dans le clip confirme qu’Alicia est liée à vie au monde du rap.
Nas & Erykah Badu – « This Bitter Land »
Enregistré dans le cadre de la bande originale du film The Land, « This Bitter Land » se révèle être un des meilleurs titres de la tracklist. Après son duo fabriqué avec Amy Winehouse sur Life Is Good, les fans de Nas désespéraient de voir leur idole réitérer une expérience digne du « If I Ruled The World » avec Laurynn Hill. Porté par la voix tout en émotions de Badu, le prince de QB fait preuve d’une sobriété retrouvée. Quant à Erykah Badu, elle recouvre le temps d’un instant magique sa superbe aura. L’alchimie fonctionne notamment grâce au coté très intimiste de la musique.
Kendrick Lamar & SZA – « Doves In The Wind »
Après avoir annulé la sortie d’un premier album suite à une mésentente avec le patron du label, la chanteuse avait surpris tout le monde avec CTRL. La jeune femme s’y distingue par son grain de voix inimitable, reconnaissable parmi des milliers. Particulièrement mis en avant dans ce « Doves In The Wind », elle le confronte à la pointure de Top Dawg, Kendrick Lamar en personne. L’affrontement a été mis en scène à la manière d’un western spaghetti, version Kung-Fu. La symbiose opère avec magie, tant les deux protagonistes semblent à l’aise l’un à côté de l’autre. Avec décontraction, K-Dot ne force pas son débit légendaire, et l’ensemble forme un tandem homogène. Le duo se reformera le temps de la Bande Originale du film Black Panther, pour le titre « All The Stars« , beaucoup plus pop.
Vince Staples & Snoh Aalegra – « Nothing Burns Like The Cold »
La présence de Snoh Aalegra dans ce top peut surprendre. D’origine perse et suédoise, la chanteuse a traversé l’Atlantique via Londres, pour terminer son voyage musical à Los Angeles. Elle compte plusieurs featurings avec des rappeurs tels Common, Vic Mensa ou encore Logic. Elle est aussi accoutumée au travail avec des producteurs hip hop, et non des moindres : RZA, Boi-1da ou DJ Dahi lui ont déjà confectionné des musiques personnalisées. « Nothing Burns Like The Cold » contient plusieurs éléments très rap comme des scratches, ou un pied de batterie très sec. Admiratrice de Sade, Snoh place sa voix mélancolique sur cette musique très lente. Dans ce domaine, Vince Staples semble emboîter le pas de sa compagne sur le titre. Le morceau ne doit pas vous sembler totalement étranger, puisqu’il a été repris par Apple pour la présentation de son iPhone X.
GoldLink & VanJess – « Through Enough »
Les sœurs nigériennes qui forment le duo VanJess se sont révélées l’an dernier avec leur premier album Silk Canvas. Leurs voix sont trop souvent comparées à celles des chanteuses R&B des années 90, en raison de leurs influences assumées aux groupes TLC, XScape ou SWV. Dans cet album, elles avaient convié plusieurs artistes rap, dont Masego, l’anglaise Little Simz ou GoldLink. Ce dernier effectue une prestation surprenante, proche du toasting, assez inhabituel pour lui. Les voix amplifiées des VanJess transcendent l’ensemble, taillé pour les dancefloors. Leur fort potentiel devrait s’étendre à un public plus large dans les années à venir, peut-être auprès d’autres rappeurs de prestige.
Kojey Radical & Mahalia – « One Night Only »
Présentée à juste titre comme une des figures de la new Soul UK, Mahalia a pris de l’envergure l’année dernière. Elle s’est définitivement installée à une place de choix avec le EP Seasons en 2018, où figure ce « One Night Only ». Bien aidée par la prestation de haute volée du rappeur londonien Kojey Radical, qui alterne une partie chantée et une rappée sur ce titre, la chanteuse sublime le tout avec sa voix à la fois puissante et cajoleuse, qui raconte les doutes d’une fille sur les intentions amoureuses de son compagnon de la nuit passée. La production assez classe est assumée par Swindle, qui a également lancé la carrière de Kojey. Kojey et Mahalia avait déjà ensemble participé à l’enregistrement du titre « Water » toujours en 2018.
Tyler, The Creator & Kali Uchis – « After The Storm »
Kali Uchis doit beaucoup à Snoop Dogg, qui en participant à sa première mixtape en 2014, l’a mise en avant sur la scène Soul /R&B californienne. Depuis, la Colombienne d’origine a multiplié les collaborations avec les prestigieux producteurs du genre comme Kaytranada ou BadBadNotGood. Réunis par Tyler, The Creator sur son album Cherry Bomb en 2015, les deux comparses semblent ne plus se quitter depuis. Ils partagent le gout pour les ambiances loufoques et cartoonesques. La meilleure illustration reste dans la direction artistique du clip de cet « After Storm », plongé entre l’univers de Tex Avery et Tim Burton. Très entraînant malgré son rythme langoureux, « After Storm » bénéficie de la touche funky psychédélique du bassiste Bootsy Collins. Une collaboration haute en couleurs, qui a sans doute marqué les esprits des amateurs des deux artistes.
Little Simz & Cleo Sol – « Selfish »
Au risque de se répéter, la scène Soul anglaise reste actuellement une des places fortes du genre. Depuis 2017, Cleo Sol appartient à la catégorie de ses espoirs les plus prometteurs. Si son univers se rapproche plus du jazz que du rap, Cleo Sol aime collaborer avec Little Simz. Simz avait clairement côtoyé la touche soulful sur son précédent album, Stillness In Wonderland en 2016. Le résultat donne ce savoureux « Selfish », aux doux relents veloutés de Soul et de Jazz. Tel un chant de sirène, la voix envoûtante de Cleo emporte les notes de piano et le rap mélodieux de sa collègue rappeuse. « Selfish » constitue l’un des titres phares des nombreuses pépites contenues dans Gray Area.
Loyle Carner & Jorja Smith – « Loose Ends »
Il était impossible de terminer cette sélection sans mentionner le nom de Jorja Smith, l’une des grandes révélations de ces dernières années. Révélée par Drake ou encore adoubée par Kendrick Lamar, Jorja n’avait jusqu’alors pas complètement convaincu son public lors de ses duos rap. Ceux-ci étaient souvent éclipsés par ses prestations solistes de grande envergure. Pourtant, le single »Blue Lights » avait confirmé son engouement pour le style. Cette année, le titre a même été l’objet d’un remix mitigé par le rappeur français Dosseh. Une collaboration à la hauteur de nos espérances était donc fortement attendue. Ce « Loose Ends » pourrait être ce Saint Graal. Sans artifices, Loyle Carner prend le parti de versets limpides et efficaces. Smith n’a plus qu’à jouer de la magie de sa voix suave. Insuffisant diront les perfectionnistes, mais terriblement poignant.