Le premier contact visuel avec la rappeuse de Chicago est déjà on peut ne plus réjouissant : un sourire goguenard, terminé par deux profondes fossettes, qui peut faire penser, dans une autre mesure, à celui du chat de Chester dans Alice au pays des merveilles. Lors de l’écoute de la première partie de l’album, cette joie de vivre affichée ponctuée par des petits éclats de rire, se mêle à une grivoiserie desinhibée à la Felix The Cat. Le tout, vous l’imaginez bien, donne alors lieu à de sacrées mesures :
If a bitch try to get tough, I’ma, raise up like a window
Chinese face when they looking through the tints, though
Bitch I’m, too fly, like a blimp, though
Bitch you, lightweight, like a tip-toe
Like chips, boy this nigga gotta dip, though
« Go »
Les productions de la première partie du projet, mêlant allègrement le rap texan et la drill de Chicago, contribuent également à accentuer ce côté décalé sur des titres comme « Hey », « Go », « Shake », gorgés de basses vrombissantes et de claps dissonant. L’exercice atteint même son paroxysme dans le clip trollesque de Ratchett diffusé sur Youtube : les basses y sont tellement puissantes que la voix de Queen Key y est à peine audible.
Bref, on rigole bien et on rêverait d’un gigantesque posse cut entre la légendaire Missy Elliott, sa consoeur de Chicago Cupcakke mais aussi les truculentes Junglepussy, Doja Cat, voire même, pour parfaire cette cohérence lexicale, les Pussycat Dolls.
Mais cette légèreté n’aurait évidemment pas fait l’objet d’une chronique si elle s’étalait sur la majeure partie de l’album. C’est pourquoi, sur des morceaux comme « Who I Am », « Noodles », « Gimme $ », « Evil », « Can’t Take It » ou encore « Substitute », Key Possible se mue en Catwoman et sort les griffes pour s’affranchir à la fois de la cooptation étouffante de ses confrères et de la jalousie perverse de ses consoeurs. Sur ses hymnes à la résilience teintés d’un ego-trip assez classique, elle s’y forge alors une solide carapace et démontre son détachement à l’égard de tout relation amoureuse susceptible de freiner sa carrière.
Les quinze morceaux composant la galette tournant souvent autour des deux minutes, on arrive bien vite à la fin de l’album où celle qu’on pourrait désormais comparer à un poisson-chat laisse soudain tomber le masque pour se livrer sur des morceaux plus introspectifs comme « I Like Me Better », « Clear Sh!t Up », sans oublier le sublime et détonnant « Ms Understood » qui clôt l’album. C’est alors en grande sœur, à la manière de Bastet, la déesse égyptienne protectrice des femmes et des enfants, que Queen Key partage ses interrogations existentielles, prodigue quelques conseils de vie à sa jeune audience et lève avec beaucoup de pudeur le voile sur les cicatrices de son passé :
Disrespected and neglected, rejected and false protected
Sinful money’s collected and made all our lives get hectic
Those who love us should let it
« Ms. Undertsood »
Une sororité qui dépasse même le cadre du rap puisqu’elle a récemment lancé, lors de la journée internationale des femmes, la deuxième édition de son Queen Camp, une initiative caritative teintée de Girl Power lors de laquelle Ke’Asha McClure rencontre ses fans, les soutient et leur donne la force nécessaire pour affronter leur quotidien parfois difficile. Le tout, on l’imagine aisément, avec une bonne humeur communicative et de franches parties de rigolade !
Il ne reste donc plus qu’à espérer qu’elle concrétise un jour sa promesse de campagne présidentielle annoncée dans « Ratchett ». Mais en attendant, restons bien à l’écoute de son actualité avec tout de go un gueuleton crousti-fondant : son prochain projet sera la conclusion de cette trilogie féline et s’intitulera « Eat My Pussy Forever ». D’avance, bon appétit.
Cette chronique est une contribution libre de Ludo Ninove que nous avons choisi de publier. Si vous aussi voulez tenter d’être publié sur BACKPACKERZ, n’hésitez pas à nous envoyer vos articles via notre page de contact.
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