Figure emblématique du Hip-Hop, RZA n’est pourtant que très peu connu du grand public. Beatmaker, rappeur, acteur, cinéaste, cet artiste polyvalent qui a toujours cherché à explorer de nouveaux horizons s’avère être l’un des personnages les plus savants de l’industrie.
RZA est avant tout connu pour avoir été à l’origine de l’un des plus grands groupes de rap : le Wu-Tang Clan. Ce crew de neuf rappeurs se hissa rapidement sur le devant de la scène hip-hop grâce à la fraîcheur qu’il apporta mais également grâce à son créateur. En fin stratège, RZA établit un plan sur cinq ans (de 1992 à 1997) qui va permettre au collectif de Staten Island de rester à jamais dans l’histoire. La solution ? Envahir le marché en sortant des albums solos pour chaque membre, le tout sur des labels différents afin d’occuper le plus possible les charts. Ainsi, entre 1992, la première démo du groupe, et 1997, l’album Wu-Tang Forever, pas moins de six autres projets estampillés Wu-Tang voient le jour. Ils sont, pour la plupart, salués par la critique et viennent se placer dans le top des ventes aux États-Unis.
L’expansion de l’empire Wu-Tang passa aussi par la création d’une marque de vêtements (Wu Wear) ainsi que la diffusion de nombreux autres produits dérivés.
Si Robert Diggs est en effet un businessman, c’est d’abord un artiste compositeur. Sa musique est caractérisée par son côté très sombre, grimy, qui plonge directement l’auditeur dans l’ambiance de l’album. Très inspiré par le cinéma, il y intègre de nombreux samples de films, et notamment de films de kung fu, très présents sur les albums Enter the Wu-Tang : 36 Chambers, ou encore Liquid Swords.
C’est également RZA qui assure la production quasi-totale des projets solo des membres du groupe, ce qui leur confère cette grande homogénéité, cette cohésion. Il y a pour lui quelque chose de très spirituel dans la création musicale. L’esprit du producteur est toujours influencé par son environnement, ce qui explique la dimension assez violente, sauvage du premier album Wu-Tang, liée à leur vécu: la galère quotidienne dans les ghettos new-yorkais.
The Scientist (d’après l’un de ses nombreux surnoms) a aussi souvent vu la conception d’un album comme quelque chose de très cinématographique, et c’est probablement cet aspect qui l’a conduit jusqu’à Hollywood. Il a en effet participé à la composition de nombreuses bandes originales de films, notamment pour Ghost Dog, Kill Bill (vol. 1 & 2), ainsi que pour des animés (Afro Samurai). Une réussite de plus à ajouter au palmarès du producteur originaire de Staten Island.
« Je cherche tout simplement d’autres moyens d’exprimer mon côté artistique », voilà comment RZA justifie son implication dans les divers milieux artistiques auxquels il s’est essayé. Le monde du cinéma l’ayant toujours attiré, il a fait plusieurs apparitions en tant qu’acteur dans des films ou séries (Ghost Dog, American Gangster, Californication, etc.….). Mais comme pour la musique, Robert Diggs préfère être aux manettes, et il se verrait bien endosser la veste de cinéaste. Toutefois, comme il le stipule, « il ne faut jamais se lancer dans quelque chose sans l’avoir étudié avant ». C’est donc après de nombreuses années d’apprentissage et d’écoute auprès de ses amis réalisateurs Jim Jarmusch et Quentin Tarantino que RZA sort en 2012 son premier film intitulé The Man with the Iron Fists. Ce film est un hommage aux anciens films de kung-fu dont RZA raffolait tant. Malgré des critiques plutôt mitigées, il sera suivi d’un second volet en 2015.
Plus récemment, l’esprit artistique de Bobby Digital s’est illustré à travers la création d’une pièce unique : l’album Once Upon a Time in Shaolin. Le concept ? Un album de morceaux inédits du Wu-Tang Clan pressé en un exemplaire CD unique, contenu dans un magnifique coffret en argent. Cet objet de collection pouvait seulement être acquis aux enchères et son propriétaire ne peut pas le commercialiser avant quatre-vingt huit ans. RZA n’a cependant jamais exclu le fait que la personne qui s’appropriait cette œuvre puisse la rendre disponible gratuitement sur Internet car pour l’initiateur de ce projet, la récompense est celle d’avoir créé quelque chose d’unique, une œuvre d’art inimitable comme peut l’être la Joconde. Par conséquent, peu lui importe si des millions de personnes « possèdent » le contenu de ce CD, car une seule personne possède l’objet.
RZA, The RZArector, Bobby Digital, The Abbot, la liste des alter-egos et des surnoms de RZA est longue, et à chacun de ces surnoms est associée une des facettes du rappeur. Tous ces personnages ont donc grandement influencé sa façon de rapper et ses lyrics au fil des années et des albums.
Au sein du groupe Gravediggaz, dans lequel il rappait sous l’alias RZArector (celui qui redonne la vie), Robert Diggs a tout a fait intégré l’aspect horrorcore à son rap en développant des textes très imagés empreints d’histoires gores, d’une ambiance très sombre, de violence, notamment sur l’album 6 Feet Deep.
Bobby Digital représente la période adolescente de RZA : un jeune qui vit de hip-hop, de jeux vidéo et bien sûr d’activités illégales. A travers Bobby Digi, il incarne en quelque sorte un super-héro qui vit une street life puis décide de changer (comme l’a fait RZA durant sa jeunesse). On retrouve alors dans ses textes beaucoup de références à des guerres de rue, armes à feu, belles femmes et spiritueux.
En fin de compte, qu’il soit RZA, Bobby Digital ou RZArector, ce qui caractérise le rap du fondateur du Wu-Tang ce sont les très nombreuses références historiques, mythologiques, mystiques, qu’il y intègre. Tout cela, Bobby Steel (encore un de ses alias) l’a appris au cours de longues années d’études auprès de nombreux mentors.
RZA a souvent vanté le fait qu’il se soit construit tout seul, ou presque. Très autonome, curieux, il a soif de connaissance depuis qu’il est jeune. C’est lors de son adolescence que Robert Diggs devient RZA, grâce à son cousin Gary Grice, alias GZA. Ce dernier lui enseigna les préceptes de l’islam, des Five Percenters, et l’art des échecs. Comme il l’explique, les échecs lui ont appris à tout planifier à l’avance, à « penser avant d’agir ». Plus tard, RZA découvre les arts martiaux à travers le kung-fu, ainsi que la philosophie zen. Ce n’est que plus tard, à trente ans, qu’il va pour la première fois à Shaolin, et qu’il voit la montagne Wu-Tang, huit ans après avoir fondé le groupe. C’est à partir de tous ces éléments qu’il bâtit sa propre philosophie, effaçant toutes ses pensées négatives et se forçant à voir la face positive des choses.
La sagesse de RZA provient donc aussi bien de la Bible, des Supreme Lessons, des préceptes bouddhistes que de sa propre formation en tant qu’autodidacte. Il a développé et expliqué, ses préceptes de vie dans le livre The Wu-Tang Manual, qui détaille les origines du collectif new-yorkais, sa philosophie ; mais plus encore dans The Tao of Wu, qui est plus axé sur la vie de RZA, sa construction en tant qu’homme. Ce livre est un véritable testament de sa sagesse, une réflexion sur la vie en général, et sur le monde.
Au final, bien qu’il ne soit pas un des membres « fondateurs » du mouvement hip-hop au même titre qu’un Kool Herc ou Afrikaa Bambaattaa, The Abbot (qui désigne le supérieur d’un temple bouddhiste) semble bien être le Maître Yoda de cette culture. Il est celui qui apporte la sagesse, la spiritualité et son lot de connaissances afin d’éduquer les auditeurs.
Et pour compléter la découverte de cet artiste hors norme, quoi de mieux que de vous quitter avec une sélection de 10 titres issus de copieuse discographie du leader du Wu-Tang Clan…
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Merci pour cet article, il est bon de rendre à César ce qui lui appartient ,-)