Anderson .Paak ! Pas de panique si ce nom ne vous dit rien, c’est tout simplement que vous aviez mieux à faire qu’ouvrir un onglet Facebook ou Twitter aujourd’hui. Et oui car il était difficile de passer à côté de la grosse sortie de ce 7 août 2015 : Compton, le nouvel album de Dr. Dre sur lequel le commun des mortels a découvert un bien étrange personnage dont le groove inimitable a bien failli faire de l’ombre aux Kendrick Lamar, Eminem et autres Ice Cube, invités sur ce disque.
Lorsque j’ai découvert il y a quelques semaines que notre très cher Dr. Dre préparait un nouvel album, je dois avouer que ma première réaction fut plutôt sceptique. C’est qu’en tant que fan de Hip Hop, s’il y a une chose que je ne supporte pas (en plus des mecs qui hurlent en concert) c’est bien les artistes qui se foutent de la gueule du monde. Et dans cette catégorie, Dr. Dre était pour moi au sommet de la hiérarchie. C’est vrai que quand on est constamment cité dans le top 3 des plus grands producteurs de rap de tous les temps, on peut se permettre de faire miroiter la terre entière sur la sortie de son troisième album « solo » (comptez au minimum 17 featurings) pendant 16 ans… Non désolé, je ne mange pas de ce pain là Andre.
Et puis il y a six jours, j’ai découvert la tracklist de ce nouveau projet intitulé Compton : A Soundtrack by Dr. Dre qui, au passage, aurait été enregistré en quelques jours comme l’affirme Dre dans son émission de radio The Pharmacy (comme quoi, quand il est motivé…). Et là, lueur d’espoir lorsque je vois crédité un certain Anderson .Paak, le crooner estampillé Stones Throw découvert il y a quelques mois sur cette monstrueuse vidéo.
Depuis la claque auditive et visuelle procurée par ce « Suede » sur un beat au groove démentiel signé par le producteur Knxwledge (dont on vous parlait déjà dans notre dossier sur les producteurs de To Pimp A Butterfly), avec qui Anderson .Paak forme le duo Knxworries, je me suis lancé dans une véritable traque des différentes apparitions de ce rappeur / soulman déjanté.
Première découverte, Anderson .Paak n’est pas un nom d’artiste mais son véritable état civil, qu’il a préféré à son ancien nom de scène Breezy Lovejoy (c’est d’ailleurs son nom sur Twitter). Au plus loin que la time machine Youtube puisse remonter, on retrouve un enregistrement avec un live band en 2011 mais aussi un premier clip sorti en 2011 pour le morceau « Sadie » qui laissait déjà aperçevoir le groove et la polyvalence chant / rap d’Anderson .Paak sur un beat ou le mariage drum / bass ne peut que rappeler au maitre Jay Dee.
Après quelques apparitions sur des beats de Tokimonsta ou Kush Mody en 2013, Anderson .Paak signe un premier hit Soundcloud en 2014 avec « Drugs », un banger parfaitement calibré club où l’on découvre .Paak en icone sexy à la Prince dans un clip totalement débridé.
Fin 2014, après la sortie d’un second single (le très bon « Might Be »), Anderson .Paak livre son premier premier album solo, intitulé Venice. A l’image de la cover aux couleurs psychédéliques, on découvre un véritable album patchwork, un alliage nécessaire pour étaler à la face du monde les multiples talents et influences du jeune rappeur / chanteur californien.
A la première écoute ce Venice est déroutant car .Paak passe d’un style à un autre avec une facilité ahurissante. Cette versatilité – qui semble un point faible de l’album au premier abord – se révèle par la suite la grande force d’un album qui n’ennuie jamais tant on passe d’un rythme et d’un univers à un autre à chaque track. Que ce soit sur le délirant « Milk N’Honey » sur lequel le jeune player nous raconte comment il se fait entretenir par ses « sugars mamas » sur un beat qui vire presque drum’n’bass ou bien sur le génial « Already », ambiance Outkast période Atliens, .Paak étale son groove dans tous les styles et repousse les étiquettes.
Côté production, on retrouve quelques têtes connues de la beat scene californienne affiliée Low End Theory (collectif dont nous vous parlions l’année dernière à l’occasion de la soirée Soulection de Free Your Funk) comme Ta-Ku ou DJ Nobody mais c’est surtout un certain Lo Def qui a attiré mon attention car présent sur 7 des 16 tracks du projet.
Comme souvent dans cette scène qui hérite directement des expérimentations sonores de Jay Dee, Madlib ou encore J Rocc, le travail sur les drums est hallucinant (écoutez « The City » pour vous en convaincre). Pas vraiment étonnant puisqu’on apprend dans un article de Rolling Stones que notre joker du jour a longtemps joué de la batterie dans une paroisse Baptiste de Los Angeles… La basse joue également les premiers rôles dans les instrus d’Anderson .Paak comme sur le titre « Miss Right », produit par lui-même.
Suite à la sortie de la vidéo de « Suede » (dont je parlais en début d’article) et l’annonce de sa signature sur le prestigieux label Stones Throw, on sentait que la côte d’Anderson .Paak commençait à grimper du côté des diggers… Les gars du Boiler Room avait d’ailleurs eu le nez fin en invitant Knxworries ( = .Paak et son accolyte Knxledge) pour une Boiler Room de folie en Russie en mai dernier.
Mais, de là à imaginer que la carrière d’Anderson .Paak bénéficierait d’un tel coup de boost en ce vendredi 7 Juillet…
Et oui 6 ! Vous avez bien lu, c’est le nombre de tracks sur lesquelles notre sujet du jour prête main forte à Dr. Dre sur Compton. Et bien que, contrairement à d’autres medias, nous ne sommes pas assez opportunistes fous pour nous livrer sur la qualité de l’album moins de 24h après sa sortie, mon sentiment est que les tracks les plus réussies sont bien celles sur lesquelles apparait ce diable de .Paak. Que ce soit sur le très bon « All in a Day’s Work », le banger « Deep Water » ou sur mon petit favori « Animals » (Preemo, I can see you !), le crooner au piercing nasal est dans tous les bons coups. Il en viendrait presque à voler la vedette à Kendrick ou à Eminem dont le couplet sur le titre « Medicine Man » semble déjà affoler les réseaux sociaux.
Au delà de la quasi-prophécie qui veut que chaque chose que touche Dre se transforme en or (et je parle plus d’Eminem ou 50 Cent que de Beat Music), il y a fort à parier sur le futur succès d’Anderson .Paak dans un rap game qui fait désormais la part belle aux rappeurs / chanteurs (Chance the Rapper, Vic Mensa, Drake etc.)
A mi-chemin entre André 3000 et Raphael Saadiq, Anderson .Paak est peut-être le futur du Hip Hop : un genre totalement débridé ayant mis fin à la sampiternelle guerre old school / new school et libéré de ses vieux démons du crossover pop et des tubes formatés club. Il passe du rap au chant avec la facilité d’une Lauryn Hill et peut jouer le soulman rétro dans un clip aussi bien que le trapper hardcore dans un autre. La musique de cette icône sexy est polymorphe et décomplexée, tout ce que ce genre vieux de 40 ans a eu tant de mal à être durant des années… Hope y’all ready !
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