Nipsey Hussle, l’héritier de Crenshaw

Nipsey-Hussle

Nipsey Hussle, l’héritier de Crenshaw

Moins connu de notre côté de l’Atlantique que d’autres rappeurs de Los Angeles, Nipsey Hussle appartient à ses seconds couteaux prétendant rafler la couronne de roi de Los Angeles. Indépendant, parfois imprévisible, il perpétue coûte que coûte la tradition du gangsta rap version Crenshaw. Coup de projecteur sur cet artiste au pedigree purement West Coast.

Crenshaw, Los Angeles

Pour se plonger dans l’univers de Nipsey, rappelons que Crenshaw est l’artère principale qui traverse de long en large le sud de la cité des anges. Crenshaw Boulevard est également le théâtre privilégié des bruyants défilés de Low Riders, ces voitures typiquement West Coast aux chromes rutilants et aux suspensions hyper actives. Crenshaw reste aussi le terrain de jeu des deux plus importants gangs de L.A, les Bloods et les Crips.

Mais Crenshaw est surtout un terreau fertile en rappeurs, dont les plus célèbres demeurent Ice T et Ice Cube, deux figures emblématiques du rap West Coast. C’est un environnement propice à alimenter les clichés indispensables au Gangsta Rap, dont la représentation cinématographique la plus marquante reste le film Boyz N The Hood réalisé par John Singleton à South LA en 1991 avec Ice Cube, pour son premier rôle au cinéma.

Crenshaw, c’est aussi depuis 2013 le titre d’un album enregistré par un de ses plus fidèles représentants : Nipsey Hussle.

Nipsey Hussle – « Checc Me Out » feat. Dom Kennedy & Cobby Supreme)

Le Rookie déchu de Los Angeles

De père éthiopien et de mère afro-américaine, Nipsey grandit à l’intersection de Crenshaw Boulevard et Slauson Avenue. Il y côtoie rapidement le gang de The Rollin 60’s Neighborhood Crips, auquel il serait toujours affilié. Ermias Asghedon, de son vrai nom, fréquente aussi très tôt les studios d’enregistrement. Sa première mixtape, Saulson Boy, sortie en 2005 lui permet de décrocher un premier contrat avec la major Epic Records. Nipsey enchaîne alors les mixtapes et les apparitions aux côtés de grands noms du rap US comme Drake, Wiz Khalifa, Snoop, Kokane d’Above The Law, The Game, Rick Ross ou encore French Montana

Nipsey Hussle – « Question #1 » feat. Snoop Dogg

Pour les spécialistes, Nipsey devient la grande révélation de la scène rap de Los Angeles, et ce bien avant l’avènement de Kendrick Lamar. Après un premier album pour le compte d’Epic Records en 2010, le natif de Crenshaw déjoue tous les pronostics en reprenant son indépendance via la création de son propre label, All Money In. A son propre compte, il réalise deux mixtapes nommées The Marathon et The Marathon Continues. The Marathon deviendra d’ailleurs par la suite le nom de sa propre ligne de vêtements à l’effigie de ses deux quartiers d’origine (Crenshaw et Slauson, à l’intersection desquels on retrouve sa boutique principale).

Malgré son statut de rookie déchu, Nipsey attise encore la convoitise des gros labels rap du pays. La rumeur parle de l’intérêt de Maybach Music Group de Rick Ross ou encore de Young Money de Lil Wayne. En toute indépendance, il défraie néanmoins la chronique en proposant une version très luxueuse (entre 100 et 1000 dollars le cd) des copies physiques des albums Crenshaw (2013) et Mailbox Money (2015).

Pour l’opération Crenshaw, le rapper californien reçoit le soutien de poids de Jay Z en personne, qui en commande mille copies pour le compte de son label Roc Nation. Un allié de choix, qui en appelle d’autres. Récemment, Nipsey a fait appel aux services de Karen Civil, sorte de Puff Daddy féminin, à qui l’on doit le succès des stratégies marketing de Lil Wayne, Nicky Minaj, J. Cole ou la marque de Dre, Beats.

Un talent certain pour la polémique

Toujours accompagné de son acolyte de Compton, YG, le nom de Nipsset Hussle nom tient toujours le haut du pavé des gazettes US en avril avec la sortie du titre sulfureux « FDT« , initiales de l’explicite Fuck Donald Trump. Les deux compères y dénoncent avec virulence les propos racistes du candidat républicain envers les noirs et les latinos.

Pour l’anecdote, le tournage du clip est interrompu par la police de L.A., suite aux débordements des nombreux figurants. Aucune arrestation n’aura pourtant lieu, suite à l’abondance des images présentes sur les réseaux sociaux.

YG & Nipsey Hussle – « FDT (Fuck Donald Trump)« 

Mi juillet, Nipsey récidive. En premier lieu, la mise en ligne d’une vidéo sur la chaîne YouTube Barrackdubs crée le buzz. Elle détourne les interventions publiques du président Obama pour les besoins d’un Remix de « FDT« en plein cœur d’une campagne présidentielle déjà bien rugueuse entre républicains et démocrates.

Fin juillet, le natif de Crenshaw en remet une couche avec le clip « Picture Me Rollin » (hommage emprunté au défunt TuPac), où il provoque tout au long de la vidéo un policier du LAPD. Une manière ironique de protester contre les récentes violences policières, dont a été victime la communauté Afro américaine.

Si le rappeur de Crenshaw tente de se hisser au niveau de la clique de TDE avec ces morceaux volontairement provocateurs dans la veine du « Cop Killer » de Ice T, sa propension au défi ne doit pas occulter ses qualités intrinsèques à dépeindre l’ambiance des rues de Crenshaw sur fond de nuances bleues, couleur de ralliement des Crips.

nipssey-hussle-rappeur

© Daily Mail

 

Un jeune loup aux dents longues

A trente et un ans, Nipsey ne cache plus ses ambitions : devenir une légende comme il l’affirme dans le titre « Questions#1 », où apparaît une véritable légende de la Côte Ouest, Snoop Dogg, également affilié au gang bleu de LA. Le chemin semble encore long, mais pas impossible. En réitérant à l’avenir des coups comme « FDT » ou « Picture Me Rollin’« , il paraît tout prêt de prendre une place de choix aux dans la myriade de prétendants au Trône de Californie, à l’image d’artistes comme  Mack10MC Eiht ou Kurupt et Daz Dillinger du Dogg Pound. Comme il le clamait en 2011 dans « Keys To The City« , il possède les clés de la réussite qui ouvriront la porte d’une reconnaissance enfin méritée après une dizaine d’années de carrière discographique.

Sincère ou provocateur, Nipsey Hussle n’en demeure pas moins un artiste, qui a de la suite dans les idées. Quelques années aprés l’hymne de la West Coast « Fuck Tha Police » entonné par ses aînés et voisins de Compton, il reprend le flambeau en se faisant le témoin d’une époque aux codes différents mais où les mêmes inégalités et les mêmes angoisses traversent la vie des habitants des quartiers moins favorisés de LA. Sans être certain qu’il saura s’assurer une place sur le trône tant convoité, il est clair que Nipsey Hussle dispose d’un talent fou que tous les acteurs du jeu lui concèdent. Après, il y a beaucoup d’ambitieux, de nombreux appelés et si peu d’élus. Wait and see.

Nipsey Hussle – « Picture Me Rollin » feat. OverDoz